dimanche 27 juillet 2025

Sciences humaines et proxénétisme de la nature (1)

 



Comme je l’ai déjà écrit, le titre originaire de ma thèse de doctorat devait être : « La nature sauvage et ses protecteurs ». Après, pour des raisons d’opportunité académique (ne pouvant pas courir le risque de passer pour un rigolo), j’ai opté pour : « La nature sauvage et ses consommateurs ». Mais l’idée était bien celle-là : sous prétexte de protéger la nature nous la confisquons, la gérons et l’exploitons comme des proxénètes. Cette thèse a donné lieu à « L’utopie de la nature. Chasseurs, écologistes touristes ». J’y écrivais, par exemple :

 

« Sur le plan général, il est inévitable de constater que plus l’amour de la nature devient un status symbol – plus le fait d’aimer la nature est synonyme d’adéquation sociale (désormais, les seuls à ne pas aimer la nature sont les paysans), - et plus la dénaturation des derniers espaces incontaminés devient inévitable. Il suffit de penser aux graves répercussions, du point de vue de l’impact, que peut avoir la lecture de revues comme Airone, Gente viaggi, Géo et ainsi de suite. On pourrait comparer les journalistes de ces revues à des agents financés par la société de consommation pour dénicher ce qu’il reste encore de relativement intact et le désigner à une masse de démolisseurs prêts à fouiller, juger, comparer, reconnaître. « La flore rarissime du mont Baldo », étalent les titres, « Aspromonte, un paradis à sauver. » « Stromboli, un petit village de pêcheurs : trois maisons et une mer très pure.» Fatalement, l'article lu, des milliers d’amoureux de la nature débarquent pour coloniser la zone. « Je ne te tue pas, dit le chasseur à sa victime, je t’apprécie, je te transforme. » « Je ne t’anthropise pas, dit le lecteur de Terres sauvages  en s’installant dans un de ces derniers recoins de territoire peu habités, je savoure ce qui reste d’une nature qui, si cela ne dépendait que de moi, serait encore incontaminée ». Extrait de L’utopie de la nature. Chasseurs, écologistes, touristes. Paris, Imago, 2026, p. 246

 

Aujourd’hui, sauf chez les plus hypocrites, ce constat est devenu une évidence. J’aimerais beaucoup que quelqu’un revienne sur mon ouvrage qui a été écrit il y a 30 ans.

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