La voix du pilote annonce : « Préparez-vous au décollage ». Ne sachant pas trop comment obtempérer, deux gamines se tiennent par la main*.
* Ce n'est pas un grand scoop, je l'avoue, mais c'est mignon.
* Ce n'est pas un grand scoop, je l'avoue, mais c'est mignon.
Merle qui regarde ailleurs. (Cliché de S.D.B.)
Hier il a plu beaucoup. Le soir, le beau temps est revenu, avec le ciel tout propre et un parfum de fleurs mouillées. Nous étions ravis tous les deux. Moi et le merle, je veux dire, chacun à sa manière.
Fausses-fraises qui poussent dans mon jardin
Dans son célèbre Le rameau d’or, James Frazer parle du « Principe de similitude » qui est à la base de la pensée magique : le semblable agit sur le semblable. Si je mange une noix, dont le cerneau ressemble au cerveau humain, cela me fera passer le mal de tête. La « Théorie des signatures » va dans le même sens. Selon Paracelse, « tout ce que la nature crée, elle le forme à l’image de la vertu qu’elle entend y attacher ». Autrement dit, la forme ou la couleur d’une plante nous laissent deviner, par analogie, à quoi elle peut servir.
L’important est de ne pas se tromper. La laitue des Alpes (cicerbita alpina) est délicieuse, mais elle ressemble terriblement à l’aconit, dont l’ingestion est mortelle. Leur signature est la même, leurs effets diffèrent.
École de Gand et Bruges, débuts du XVIème siècle
Je m’aventure dans les méandres du Musée ethnographique de San
Michele all’Adige. J’entre dans la salle consacrée à l’homme sauvage dans
l’imaginaire alpin. C’est une figure qui
évolue dans le temps. Une légende décrit la sagesse prêtée à ce personnage à l’époque
de la Renaissance. Je comprends tout de
suite qu’elle ne se réfère pas à l’image que je viens de regarder.
Chez le boucher.
- Très bon votre fromage, il vient d’où ?
- Il vient de …
- Ah mon père allait à la chasse, là-bas, il y avait un établissement … Il revenait avec des faisans qui sentaient le …
- La fiente, je sais.
- Pas vraiment, les nôtres sentaient le poisson. Après, pour les préparer... On a essayé avec la bière, le yaourt … Ma mère était devenue une spécialiste du camouflage.
- Maintenant ce n’est plus pareil. Ils leur donnent à manger du blé, et ils ne grandissent plus dans des cages. Les faisans d'aujourd'hui savent même voler. Et ils marchent beaucoup. Ceux qu’on a lâché l’année dernière, je les ai retrouvés le jour même tout près de mon chalet, trois kilomètres plus haut. Ils deviennent sauvages très vite.
Après cet échange, le boucher a raconté une histoire que je n’ai pas bien comprise. Il semblerait que les faisans d’autrefois avaient la nostalgie de la ferme et, quand ils entendaient le chant d’une poule (une poule domestique, autre chose qu'une femelle de faisan) ils allaient lui rendre visite.
Lorsqu’on s’intéresse aux cultures régionales, ainsi qu’à leur mise en valeur muséographique, une visite au Museo etnografico de San Michele all’Adige, près de Trente, mérite sûrement le détour.
Cette année le musée organise une série d’événements autour du sauvage. J’aurai le plaisir d’y participer dans le cadre du colloque « Di selvatico in selvatico ». Je propose ici (pour ceux qui savent agrandir le document) la liste des interventions :
L’autre jour, avant de retirer l'image,
j’avais illustré mon billet avec un merle au bec noir. On m’a fait remarquer
que, probablement, il ne s’agissait pas d’un vrai merle. En me renseignant, j’ai
découvert l’existence d’un soi-disant « Merle au bec noir ». Il s’appelle Turdus ignobilis et, si son bec est noirâtre, son plumage n’est pas si noir que celui d'un merle classique (Turdus merula).
Je me suis alors demandé : de quel droit qualifie-t-on une grive d’ignoble ? Que fait donc la Ligue pour la Protection des Oiseaux ? Pourquoi n'intervient-elle pas pour mettre fin à cette ignoble stigmatisation? Arrêtons avec nos délires anthropocentristes*.
* La femelle du merle noir, on le sait, est moins noire que son partenaire. Voici une autre injustice classificatoire : lorsqu'on généralise en parlant de « merle noir » ou de « blackbird », on ne se réfère en fait qu'aux garçons.
L’automne passé j’ai massacré mon laurier en comptant sur sa résilience. Lorsque je l’avais planté, il tenait dans une poche de ma veste de hippie en velours vert (avec une doublure à fleurs). Le lieu, manifestement, lui convenait : avant mon intervention drastique il avait tellement grandi qu’il m’empêchait de voir le ciel.
Les merles cette année sont deux. Je pense qu’ils ont fait leur nid dans ce qui reste du laurier parce que, lorsque j’approche, ils montent sur un bouleau, sans s’éloigner, et font un boucan d’enfer.
A la différence de Maurice, dont le charme est ailleurs, ils ne demandent rien, juste que je les laisse en paix.
Oui, moi aussi je parle du
comté. Tout le monde sait
que pendant l’émission La Terre au
Carré sur France Inter un militant écologiste a déclaré : « Le comté, si c’est
mauvais écologiquement, est terrible pour les animaux, est-ce que notre petit
plaisir à se faire une tranche de fromage, ça vaut plus que tout
ça ? ». C’est à peu près comme suggérer aux
Français de renoncer à la baguette. J’imagine la jubilation du militant en
question, fier de sa trouvaille. Puisqu’il me fait penser à la commedia dell’Arte,
je le fais parler dans la langue de Dante : « Questa volta l’ho
veramente sparata grossa ». « Questa volta », en
italien, signifie « cette fois », « veramente »
signifie « vraiment » e « spararla grossa », qui veut dire « tirer un gros coup de canon »,
peut se traduire par « en conter de belles ».
Réception des choux-fleurs aux Ets. Fernand Drouelle (expéditeur). Source : Association Écomusée du Maraîchage et des Traditions Populaires du Val de Saône.
Le Séminaire Ruralités contemporaines en question(s) a hébergé cette année plusieurs interventions consacrées au thème des périphéries. Elles seront bientôt publiées dans un ouvrage édité par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. Ce matin, lundi 12 mai, Agnès Tachin abordera ce sujet en nous parlant des maraîchères du Val de Saône.
Séminaire Ruralités contemporaines en question(s)
Pierre Alphandéry, chercheur honoraire, INRAE
Christophe Baticle, MCF, Univ. Aix-Marseille, LPED / Habiter le Monde
Sophie Bobbé, chercheure associée au laboratoire LAP–EHESS
Sergio Dalla Bernardina, professeur émérite, Univ Bretagne Occid, LAP-EHESS)
Maxime Vanhoenacker, chercheur CNRS, LAP-EHESS, référent pour cette UE
Séance du 12 mai 2025, 11-13 heures
Salle AS1-23 - 54 bd Raspail 75006 Paris
En présentiel et en visio :
https://ehess-fr.zoom.us/j/95007523550?pwd=jwFt0b5Lb67rTYuRCkHFoBhXb86UVU.1
ID de réunion: 950 0752 3550
Code secret: 994272
Agnès TACHIN (historienne, maîtresse de conférence HDR, Cergy-Paris-université) Les traditions maraîchères du Val-de-Saône auxonnais entre mémoire et oubli.
Présentation : Sergio Dalla Bernardina
Résumé : La commune d'Auxonne, en Côte d'Or, a été pendant près d’un siècle le centre d’une région maraîchère très dynamique, approvisionnant en fruits et légumes les villes du Grand-Est. Afin que l'histoire de ces traditions maraîchères ne sombre pas dans l’oubli, un collectif réuni autour d'anciens maraîchers a entrepris un travail de mémoire à travers la publication de deux ouvrages et un projet d’écomusée que cet article se propose de présenter. Cette entreprise mémorielle permet de s’interroger plus largement sur la place du maraîchage dans l’agriculture française et les raisons de sa faible valorisation patrimoniale, alors que les enjeux environnementaux conduisent à reconsidérer ces méthodes de production.
Ses travaux portent sur l'histoire des représentations et des imaginaires dans le champ des relations internationales, de l'histoire politique et plus récemment l'histoire environnementale. Elle a dirigé l'ouvrage, Le temps du voyage. Les déplacements internationaux des chefs de État ou de gouvernement (XXe-XXIe siècles), Bruxelles, Peter Lang, 2022 et plus récemment, elle a coordonné Chasses et représentations (fin XIXe-XXIe siècle) dans les Cahiers d'Agora, Revue en Humanités, n°7, 2022.
Lorsqu’un pape choisit son nom, c’est en référence à l’homonyme qui l’a précédé et dont il apprécie le profil.
C’est donc avec la plus grande joie que les chasseurs de pinsons et d’alouettes, les chileurs, les poseurs de collets, les chasseurs à la glu, les mangeurs d’ortolans et de pâté de grives réagiront à l’élection de Léon XIV.
Léon XIII, en fait, aimait tellement la chasse aux petits oiseaux qu’il avait fait installer un roccolo (sorte de tenderie très appréciée en Italie du nord mais pas seulement), dans les jardins du Vatican*.
*Vous aurez plus d’informations en lisant mon article :
« Phénoménologie d’un piège végétal
: le roccolo » : https://shs.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2013-1-page-16?lang=fr
Je consulte mon smartphone en attendant la fumée blanche qui
nous mettra au courant sur les choix du Saint-Esprit. Maurice, derrière
la fenêtre, suit de loin. Les informations défilent.
- T’as vu ? Un homme et son chien, en Floride, ont été bouffés par un ours.
- C’est la vie des animaux
Je me demande si Maurice, qui circule dans les airs au milieu des anges et des satellites, a des informations réservées sur le profil du prochain pontife. Je le soupçonne d’avoir des préférences. J’aborde la question de loin :
- « Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche de rentrer dans le royaume de Dieu ». Une phrase puissante, je trouve …
- Peut-être, mais un religieux sérieux ne fait pas de
politique.
*Alors que les chats pullulent dans les discours et dans les appartements, les chas sont en train de quitter la langue française.
Est-ce que les fourmis aiment leur travail ? Voici une question particulièrement idiote, me dira-t-on (assez justement). En tout cas, c'est le sentiment qu'elles donnent*. D’après le physicien et naturaliste français René-Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757), c’est à cause de cet amour présumé que nous préférons ces hyménoptères zélés à d’autres insectes tout aussi fastidieux :
« Quoique nous n'ayons pas toujours à nous louer des fourmis on est assez généralement bien disposé pour elles ; on n'a point pour elles de ces aversions qu'il est assez ordinaire d'avoir pour tant d'autres insectes. Une des vertus les plus utiles à la société est l'amour du travail; nous aimons les hommes laborieux, et nous sommes portés à aimer de petits animaux qui le sont à un point ou il serait à desirer que tous les hommes le fussent ".*
* Chez de la Fontaine ce n'est pas très clair : aiment-elles travailler ou sont-elle juste prévoyantes?
** L'histoire des fourmis, traduite et annotée par William Morton Wheeler, publiée, sous le titre The Natural History of Ants..., à New-York, par Alfred A. Knoppf, en 1926. L'édition française avec une introduction de E.L. Bouvier et des notes de Charles Perez, est parue à Paris chez Paul Lechevalier en 1928, p. 9). Cité par Jean-Marc Drouin « Du terrain au laboratoire : Réaumur et l'histoire des fourmis » Aster : Recherches en didactique des sciences expérimentales Année 1987 5 pp. 35-47.
Hier on fêtait le premier mai et, par-là, notre côté « fourmi » (notre côté « cigale » nous le glorifions au carnaval). Les Français, c’est bien connu, ont emprunté pas mal de mots aux Italiens. C’est le cas de « farniente », terme tellement associé au tempérament péninsulaire qu’on pourrait le qualifier de « stéréotype ethnique ». On dit « farniente » et on pense à un individu bavard et décomplexé. Il s'appelle Mario ou Marcello. Assis dans sa veranda, il contemple le belvedere un spritz à la main*.
* À la différence des Français, les Italiens font précéder le verbe « far niente » par l’adjectif « dolce » (doux). Même en Italie cette formule est souvent évoquée dans un cadre sympathique mais vaguement moralisateur et discriminatoire.