Un berger avec son chien (carte postale)
À partir du prochain billet, comme je l’avais annoncé, je bouleverserai le rythme de ce blog en présentant, coupée en morceaux, ma contribution à la journée introductive du séminaire Ruralités contemporaines consacré, cette année, aux émotions. Ce faisant, je squatterai le blog, puisque mon propos ne concerne la question animale que de loin (un peu, quand même, dans la mesure où les émotions du chercheur et de ses interlocuteurs reposent sur un substrat animal, le même qui rend possible la communication avec les non-humains).
Pour assurer la transition, après mon histoire de gélinottes recyclées, j'évoquérai un souvenir qui m’est remonté à l’esprit en pensant aux émotions.
Pendant un certain temps, lors de mes enquêtes dans la région alpine, il m'arrivait de croiser un berger avec qui j'échangeais quelques mots. Il était accompagné par un jeune chien qui lui tournait autour comme une girouette, persuadé, j'imagine, que c’était ça son métier. Un jour je l’ai rencontré sans chien :
- Et le chien ?
- Il a avalé une saloperie et il est mort.
En me donnant la triste nouvelle il avait l’air particulièrement ému. Il m’a regardé en silence, pour saisir ma réaction, et il a précisé :
- Ma femme a souffert beaucoup.
Lui aussi, manifestement, avait souffert beaucoup, mais il ne pouvait pas l‘avouer. Dans les sociétés traditionnelles, c’est connu, on déléguait aux femmes le droit/devoir d’exprimer les émotions.
Je reviendrai sur cette histoire à la fin de mon détour.