samedi 13 décembre 2025

Le droit aux émotions


 Un berger avec son chien (carte postale)

À partir du prochain billet, comme je l’avais annoncé, je bouleverserai le rythme de ce blog en présentant, coupée en morceaux, ma contribution à la journée introductive du séminaire Ruralités contemporaines consacré, cette année, aux émotions.  Ce faisant,  je squatterai le blog, puisque mon propos ne concerne la question animale que de loin (un peu, quand même,  dans la mesure où les émotions du chercheur et de ses interlocuteurs reposent sur un substrat animal, le même qui rend possible la communication avec les non-humains).

Pour assurer la transition, après mon histoire de gélinottes recyclées,  j'évoquérai un souvenir qui m’est remonté à l’esprit en pensant aux émotions.

Pendant un certain temps, lors de mes enquêtes dans la région alpine, il m'arrivait de croiser un berger avec qui j'échangeais quelques mots. Il était accompagné par un jeune chien qui lui tournait autour comme une girouette, persuadé, j'imagine,  que c’était ça son métier. Un jour je l’ai rencontré sans chien :

- Et le chien ?

- Il a avalé une saloperie et il est mort.

En me donnant la triste nouvelle il avait l’air particulièrement ému. Il m’a regardé en silence, pour saisir ma réaction, et il a  précisé :

- Ma femme a souffert beaucoup.

Lui aussi, manifestement, avait souffert beaucoup, mais il ne pouvait pas l‘avouer. Dans les sociétés traditionnelles, c’est connu, on déléguait aux femmes le droit/devoir d’exprimer les émotions.

Je reviendrai sur cette histoire à la fin de mon détour.

jeudi 11 décembre 2025

Les confessions d'un cannibale ou presque (3 sur 3)

 

 Paolo Dalla Bernardina, Faisan
 

(Suite et fin) Résumons : moi et mon collègue nous trouvons une gélinotte inerte et, au lieu de la laisser pourrir sur le chemin, dévorée par les vers et les charognards, nous décidons de la manger nous-mêmes. Dans le passé, cette histoire inhabituelle aurait suscité de la curiosité et, à la limite, un peu de jalousie (tout le monde n’ayant pas eu la chance de savourer une gélinotte). Aujourd’hui - et je trouve la chose triste, pour ne pas dire inquiétante - j’ai le sentiment de devoir me justifier. Je pourrais le faire de façon grandiloquente en déclarant que manger ce noble animal, pour moi, était une manière de le respecter. Je préfère assumer mon penchant hédoniste.

J’appartiens à une civilisation où manger avec plaisir un civet de lièvre n’avait rien d’obscène, loin de là. C’était une époque où les croyants étaient persuadés que le Bon Dieu avait mis le gibier à leur disposition (c’était bien pratique, il faut le reconnaître). Les athées revenaient de leurs sorties de chasse tout aussi sereins, leur faisan dans la gibecière, ne pensant pas avoir fait le mal.  

Je comprends les végétariens et les animalstes. Quelque part, je les admire. Ce que je n’aime pas, c’est lorsque leur choix personnel devient un critère d’évaluation morale. À côté d’un végétarien qui se met à juger ma carnivorité je me sens sale. Je me dis : « Il est plus propre que moi, celui-là ». Automatiquement, pour me consoler, je me demande où il cache sa saleté à lui.

mardi 9 décembre 2025

Les confessions d'un cannibale ou presque (2 sur 3)

 


À la place de la gélinotte je propose un grand-tétras (qui semble déjà empaillé) dessiné par Paolo Dalla Bernardina*.

(Suite) En voiture nous parlions d’un oiseleur rencontré quelques jours auparavant et de ses collègues qui, à force de s’identifier aux oiseaux convoités, finissent par leur ressembler. La route pour rejoindre le roccolo n’avait rien de particulièrement dangereux. Elle était quand même tortueuse et, plus on avançait, plus elle se rétrécissait. Soudainement, dans l‘herbe qui poussait au milieu du chemin, nous avons aperçu un battement d’ailes. Un faucon penché sur une gélinotte était en train de lui manger les entrailles. Pendant un moment, en nous voyant, il a tenté d’emporter sa proie, mais il a vite renoncé et il est parti tout seul. Je suis sorti de la voiture et j’ai inspecté la victime. Mise à part l’ouverture dans le ventre, elle était intacte. Un citoyen exemplaire l’aurait laissée sur place permettant ainsi à la nature de suivre son cours. Il aurait aussi signalé le fait aux autorités compétentes, les oiseaux de cette espèce étant rares et très protégés. Nous avons opté pour une solution alternative : « As-tu jamais mangé une gélinotte ? Ah non ? Moi non plus. Beh, écoute, de toute façon, elle était déjà morte. Et quoi qu’il en soit … nous aussi nous faisons partie de la nature ».

Il aurait été sage de la laisser faisander, mais je devais repartir le jour suivant. « Tu la trouves comment ? Beh, je la trouve très bien, et toi ? « Moi aussi, finalement, mais je préfère la bécasse ». Pour honorer la gélinotte, nous avions ouvert une bouteille de Schiava Gentile (Esclave Gentille),  un ancien cépage de la région qui a accentué le caractère vieux genre de notre  banquet**.

Pendant le retour j’ai repensé à ce petit festin de braconniers et au faucon, les ailes ouvertes, penché sur sa proie : « Voici un autre signe du Maître des animaux, me suis-je dit, qui salue la création d’un espace muséographique consacré à la chasse. C’est un présage de bon augure.  Et ça nous offre une nouvelle image héraldique qui ferait un merveilleux  ex-libris  ».

Quelqu’un aura trouvé ce récit très cynique (« Aucune empathie pour la pauvre gélinotte? Quelle honte!»). J'expliquérai mon point de vue dans le prochain billet (À suivre)***.

* La gélinotte aussi est un tétras, ce qui permet le rapprochement.   

** Le nom Schiava Gentile dérive du terme latin médiéval cum vineis sclavis, qui désigne une ancienne méthode de culture dans laquelle les vignes étaient attachées et « forcées » à pousser sur des pieux (tutorat), contrairement aux vignes sauvages qui poussaient librement sur les arbres ; il pourrait également indiquer une origine en Slavonie (Croatie). La Gentile se distingue des autres variétés (Grossa et Grigia) par sa peau plus fine et par le vin plus délicat, léger et fruité qu’elle produit, avec des notes de framboise et d’amande. C’est un cépage autochtone du Trentin-Haut-Adige, cultivé depuis des siècles.

*** On aura peut-être remarqué les affinités de cette histoire avec cellede la grive que je n’ai pas mangée du 26 octobre. C’est que je vois des dons et des encouragements de la nature partout.

 

dimanche 7 décembre 2025

Les confessions d’un cannibale ou presque (1sur3)



Paolo Dalla Bernardina, Chevreuil nocturne

D’ici quelques jours je changerai de registre pour présenter, coupée en morceaux, ma contribution à la séance introductive du séminaire « Penser les ruralités contemporaines » consacré, cette année, au traitement des émotions dans les sciences humaines et sociales.

Pour l’instant, je vais rester dans l’ambiance féérique des apparitions et des présages. J’en profiterai pour avouer un crime (trente ans s’étant écoulés, je ne risque plus rien). J’en ai peut-être déjà parlé sur ce blog, mais, comme c’est typique chez les criminels, je ressens le besoin d’y revenir.

J’allais rejoindre un collègue (j'évite de le balancer puisqu'il était mon complice), pour visiter avec lui un roccolo très réputé, exemple remarquable d’art topiaire*. C’était pour recueillir du matériel visuel destiné à la salle de la chasse que nous étions en train d’installer dans un musée ethnographique de la région alpine **.

La journée avait démarré par une scène presque héraldique. Pendant que je roulais, derrière des peupliers qui laissaient entrevoir un étang, j’ai aperçu un chevreuil qui nageait dans ma direction. C’était un mâle, avec des ramures tout à fait convenables. Il avait l’air serein et concentré.

J’ai pensé : « Tiens, quelle étrange coïncidence : alors que je pars en mission pour documenter la chasse, cette modalité immémoriale de notre rapport aux animaux, voilà que le gestionnaire invisible de la faune sauvage m’envoie un émissaire pour me signifier son approbation ». Qui sont ces gestionnaires invisibles ? Potnia Theron, Artémis, Diane… et bien d’autres Maîtresses ou Maîtres des animaux.

J’ai poursuivi mon chemin avec optimisme, en me disant que l’image d’un chevreuil qui nage à l’ombre des peupliers ferait un ex-libris remarquable. (À suivre).

* On trouvera des informations sur le roccolo en parcourant les anciens billets de ce blog.

** Un musée que je ne vais pas balancer non plus. Cette salle n’existe plus, comme ce sera peut-être le cas pour la chasse d’ici quelques années.

samedi 6 décembre 2025

Le pouvoir performatif des passions (annonce)


Séminaire
 Ruralités contemporaines en question(s)
ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (Paris)
 
Pierre Alphandéry, chercheur honoraire, INRAE
Christophe Baticle, MCF, Univ. Aix-Marseille, LPED Habiter le Monde
Sophie Bobbé, chercheure associée au laboratoire LAP–EHESS
Sergio Dalla Bernardina, professeur émérite, Univ Bretagne Occid, LAP-EHESS
Maxime Vanhoenacker, chercheur CNRS, LAP-EHESS, référent pour cette UE
 
 Séance du lundi 8 décembre 2025, 11-13 heures
 Salle AS1-23 - 54 bd Raspail 75006 Paris
En présentiel et en visio :
 

 

 

 

André Micoud, Ces passions qui fabriquent une nouvelle ruralité.

 

Présentation : Sophie Bobbé

 

Travaillant depuis longtemps sur les changements du monde rural, je ne saurais cacher combien me tiennent à cœur toutes les initiatives qui s'attachent à le rendre toujours plus vivant et plus solidaire. En pensant bien ne pas prendre mes désirs pour la réalité, je reviendrai sur les créations qui dynamisent des villages et tentent de faire des campagnes des lieux de vie désirables. Pour ce faire, je m'appuierai sur mes expériences dans les Parcs naturels régionaux, sur les positions de l'Association des maires ruraux de France, les émissions radiophoniques de « Carnets de campagne », la revue Village... et sur le réseau de mes amis campagnards.


vendredi 5 décembre 2025

Le retour de Saint Nicolas



C'est la nuit du 5 décembre. Saint Nicolas se présente tout seul.

- Et l'âne?

- Eh l'âne, hélas  ... Les loups ... Mais c'est bon pour la biodiversité.

mardi 2 décembre 2025

Sémiologues de l’invisible


Image tirée du film Uccellacci e Uccellini de Pier Paolo Pasolini

 

Après, on a commencé à parler de paranoïaques, mais les devins, autrefois, avaient une place légitime dans la société et voyaient des signes partout. Derrière l’apparence des choses, il y avait toujours des significations latentes.

Même les chercheurs en sciences humaines et sociales partent du présupposé que, derrière la transparence apparente des choses, les causes et les significations occultes foisonnent. Morale : tout bon chercheur doit être un peu paranoïaque.

Certains paranoïaques, peuvent êtres chercheurs et devins à la fois.

L’autre jour, en traversant la France en diagonale avec ma voiture périclitante, je suis  tombé sur une immense prairie, comme on en trouve encore lorsqu’on échappe aux conseils du GPS. Au bord de cette surface monochrome deux silhouettes se détachaient. Il s’agissait d’un faucon et d'un corbeau, couple peu habituel. On aurait dit qu’ils conversaient. C’était sans doute un présage, mais je ne saurais pas l’interpréter.

dimanche 30 novembre 2025

Noblesse oblige

 

 


 Françoise Gilot, 1950, Fleurs et poissons,

On fait la queue chez le poissonnier. C'est le tour d'une dame qui lui demande sur un ton assuré :

 - La lotte, c’est un poisson noble, n’est-ce pas ?

 Sans lever la tête des encornets qu'il est en train de vider, le poissonnier lui répond :

 - Oui.

 - C’est comme le Saint-Pierre, n’est-ce pas ?

 - Beh ... oui.

- Mais quel est le plus noble, la lotte ou le Saint-Pierre ?


Les clients  se regardent. Les maquereaux et les grondins sourient.

vendredi 28 novembre 2025

Le poids du symbolique

On qualifie une plante aquatique   d’ « algue tueuse », on se laisse piéger par la métaphore  et  on finit par la personnifier. J’en parlerai le 3 décembre dans le cadre d’une rencontre sur fond maritime dont je livre ici le programme :

 



 

mercredi 26 novembre 2025

Réenchanter le monde à l’époque du tournant ontologique

 


C’est la nuit entre le 5 et le 6 décembre. Deux existants non humains de catégories différentes mais appartenant au même collectif entrent dans la chambre*. Allongés sur des artefacts, de jeunes humains se trouvent dans un état modifié de la conscience du monde extérieur (sans perte de la réception sensitive), accompagné d'une diminution progressive du tonus musculaire. Le non humain anthropomorphe sort de son dispositif des parallélépipèdes de tailles différentes enrobés dans du papier recyclé. Sur le bord de la fenêtre deux contre-dons d’ordre alimentaire les attendent**.  Donnant libre cours à leur activité sensorielle, ils les consomment sur place.

- Pas mal cet existant biotique issu du raisin.

- Le mien n’était pas mal non plus.

Ils parlent doucement, de peur que les enfants ne se réveillent.

* Maitrisant mal ces nouvelles classifications, un doute me saisit : est-ce que les saints rentrent dans la catégorie des esprits ou celle des humains?  J'aurais tendance à choisir la première option.

** La scène doit se passer dans les Alpes orientales, ou en Autriche, où pour remercier  de leur visite Saint Nicolas et son âne, il était coûtume de leur offrir un verre de vin et une bouchée de foin.

dimanche 23 novembre 2025

Cattle song




Marc Chagall, 1954, La Vache jaune

Poème nuer dédié aux vaches (version adaptée)

Ô ma vache, ma compagne brillante,
Ta robe claire est l’aube qui revient.

Quand tu marches, la poussière te suit
Comme un enfant court derrière sa mère.

Tes cornes sont des lunes jumelles,
Elles veillent sur moi quand la nuit tombe.

Ton mugissement traverse la plaine,
Il appelle mon cœur par son nom.

Tu es la richesse que nul ne peut voler,
La chaleur qui me garde vivant,
La force que je porte dans mon chant.


D’où vient ce texte ? Eh bien, c’est un remaniement. J’avais demandé à ChatGPT  s’il (elle?) avait sous la main un poème nuer sur la vache. Ça a engendré l'ode que vous venez de lire, accompagnée par le commentaire suivant :

 

« Les Nuer ont une tradition poétique très riche autour du bétail, en particulier les chants de louange dédiés aux bovins (appelés cattle songs). Ces poèmes sont généralement chantés, pas écrits, et transmis oralement. L’anthropologue E. E. Evans-Pritchard en a collecté plusieurs dans les années 1930. Voici un exemple authentique, reformulé et traduit en français moderne pour respecter le caractère oral tout en restant fidèle au contenu connu de ces chants ».

Dans mon post précédent j'ai été injuste vis-à-vis de Victor Hugo et assez prétentieux*. C'était pour dire que personnellement, en matière de « cattle songs », je me sens plus proche d’un Nuer que d'un poète de l'époque romantique.

* Je n'ai aucune compétence m'autorisant à évaluer des poèmes.

vendredi 21 novembre 2025

Être une vache chez les Romantiques

 


Vache

Que pouvait-on dire d’une vache en 1837 ?

On pouvait dire ça, par exemple :

 

« La Vache »

Devant la blanche ferme où parfois vers midi
Un vieillard vient s’asseoir sur le seuil attiédi,
Où cent poules gaîment mêlent leurs crêtes rouges,
Où, gardiens du sommeil, les dogues dans leurs bouges
Écoutent les chansons du gardien du réveil,
Du beau coq vernissé qui reluit au soleil,
Une vache était là, tout à l’heure arrêtée.
Superbe, énorme, rousse et de blanc tachetée,
Douce comme une biche avec ses jeunes faons,
Elle avait sous le ventre un beau groupe d’enfants,
D’enfants aux dents de marbre, aux cheveux en broussailles,
Frais, et plus charbonnés que de vieilles murailles,
Qui, bruyants, tous ensemble, à grands cris appelant
D’autres qui, tout petits, se hâtaient en tremblant,
Dérobant sans pitié quelque laitière absente,
Sous leur bouche joyeuse et peut-être blessante
Et sous leurs doigts pressant le lait par mille trous,
Tiraient le pis fécond de la mère au poil roux.
Elle, bonne et puissante et de son trésor pleine,
Sous leurs mains par moments faisant frémir à peine
Son beau flanc plus ombré qu’un flanc de léopard,
Distraite, regardait vaguement quelque part.

 

Et que pouvait-on dire de la Nature ?

 

Ainsi, Nature ! abri de toute créature !
Ô mère universelle ! indulgente Nature !
Ainsi, tous à la fois, mystiques et charnels,
Cherchant l’ombre et le lait sous tes flancs éternels,
Nous sommes là, savants, poètes, pêle-mêle,
Pendus de toutes parts à ta forte mamelle !
Et tandis qu’affamés, avec des cris vainqueurs,
À tes sources sans fin désaltérant nos cœurs,
Pour en faire plus tard notre sang et notre âme,
Nous aspirons à flots ta lumière et ta flamme,
Les feuillages, les monts, les prés verts, le ciel bleu,
Toi, sans te déranger, tu rêves à ton Dieu !


La Vache  -  Les Voix intérieures,  Collection Bouquins, Robert Laffont, Œuvres complètes de Victor Hugo, Poésie I, p 858.

Je trouve ce poème intéressant, mais seulement sur le plan anthropologique :  il me parle de l’altérité, à savoir d’un univers émotionnel très éloigné du mien, que je cherche à apprécier sans y parvenir.

Chez les vaches, les variétés sont nombreuses. Chez les humains aussi.
.

mercredi 19 novembre 2025

S'émouvoir, se mouvoir

 

 

 

Image empruntée au quotidien Le Monde

 

Cette année nous nous pencherons sur

 les émotions, leur fabrication et leur exploitation. Voici le programme complet :


Séminaire

Ruralités contemporaines en question(s)

ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (Paris)


PROGRAMME 2024-2025  

•     Pierre Alphandérychercheur honoraire INRAE (hors EHESS)

•     Christophe BaticleMCF, Univ. Aix-Marseille LPED, Habiter le Monde(TH)  (hors EHESS)

•     Sophie Bobbéchercheure associée au laboratoire LAP – EHESS

•     Sergio Dalla Bernardinaprofesseur émérite, Univ Bretagne Occid.(TH) (LAP-EHESS)

Maxime Vanhoenacker, chercheur CNRS (LAP), référent pour cette UE

 

Les lundis de 11H00 à 13H00

Salle AS1_23 - 54 bd Raspail 75006 Paris

EN PRÉSENTIEL ET EN VISIO

https://bbb.ehess.fr/b/sop-lhm-oav-qy4

 

24 novembre : Séance introductive : « Production, circulation et réception des émotions dans les mondes ruraux », intervenants : Christophe Baticle, Sophie Bobbé, Sergio Dalla Bernardina,

8 décembre : « Ces passions qui fabriquent une nouvelle ruralité », intervenant : André Micoud, sociologue. Présentation Sophie Bobbé

12 janvier : « Lire l’écologisation des mœurs dans les haies », intervenant : Léo Magnin, sociologue.  Présentation Bernadette Lizet et Pierre Alphandéry.

26 janvier : « L’histoire enfouie du remembrement », intervenante : Inès Léraud, journaliste. Présentation Bernadette Lizet et Pierre Alphandéry

9 février : « La sociabilité du compost », intervenant : Bruno Maresca, sociologue et guide-composteur sur la commune des Lilas. Présentation Pierre Alphandéry

9 mars : « S’émouvoir : se mettre en mouvement vers et sur le terrain. L’accueil des personnes exilées et des personnes en situation de handicap dans le Massif Central », intervenante : Élise Martin, géographe. Présentation Christophe Baticle

23 mars : « Parcours d’une communauté alternative : entre pratique, théorie et émotions », intervenants : Michel Lallement & la Communauté du Mallouestan. Présentation Sophie Bobbé

13 avril : « Empathiser, emphatiser. Les émotions du chercheur », intervenant : Sergio Dalla Bernardina, ethnologue.

11 mai : « Le castor et ses barrages : les émotions face aux transformations paysagères », intervenante : Chloé Lebris. Présentation Christophe Baticle

8 juin : Présentation d’un documentaire audiovisuel (sous réserve) 

lundi 17 novembre 2025

Porter la fourrure, pas si bête que ça

 

Le 17 novembre, c’est la Saint-Élisabeth.

En cherchant une inspiration pour mon billet d’aujourd’hui, je suis tombé sur le dicton suivant :

« À la Sainte-Élisabeth, tout ce qui porte fourrure n’est point bête. »

L’adage me semble un peu trop affirmatif, mais il ouvre plusieurs pistes de réflexion et pose une véritable problématique. Cela mériterait au moins une table ronde.




samedi 15 novembre 2025

L' État pense à nous (même lorsqu'on ne le mérite pas). Le port du casque dans les pistes de ski

 

Franz Sedlacek Scène de foule de ski, 1924

 

Que l’on soit au travail ou en vacances, l’État pense à nous. C’est la raison pour laquelle à partir de cette année, en Italie, le port du casque sur les pistes enneigées est devenu obligatoire. C’est déjà bien, mais on pourrait aller plus loin.

Pour réduire davantage les risques liés au ski, ce loisir irremplaçable, source de liesse et de profit, j’ai une idée géniale :

il n’y a qu’à éliminer les sapins.

jeudi 13 novembre 2025

Une rencontre dans les bois

 

Il ne pleut pas. Je me promène dans les bois des Monts d’Arrée avec un petit sac,  bien conscient que, pour trouver des  champignons, il aurait fallu que je m’y rende quelques semaines plus tôt. L’avantage, ici, c’est que les concurrents sont rares. Dans cette région pleine de mystère les autochtones s'intéressent à autre chose. Les Anglais poussent comme des champignons. Mais ils ne les ramassent pas.

Je m’efforce de rejoindre l’état d’ataraxie que l’isolement, le silence, le parfum intense des feuilles mouillées devraient favoriser. Je n’y parviens pas. C’est qu'en regardant l’heure, juste avant d’entrer dans le fourré, j’étais tombé sur un reportage consacré au réarmement nucléaire. J’ai beau me mettre sous le nez  les feuilles tanniques du châtaigner et remuer la terre à la manière des sangliers pour renouer avec mon passé  chtonien*. Mon corps est dans le bois mais ma tête divague.

Je croise un cyborg. C’est un pneu, mais avec le dos végétalisé.

Je le salue en lui disant : « Salut le pneu. Toi, plus tard, tu seras encore là. Moi … nous ... ».

En poursuivant je me surprends en train de  fredonner une vieille chanson de Francesco Guccini rendue célèbre en Italie par le groupe I Nomadi. Elle s’appelle : Noi non ci saremo. « Nous ne serons plus là »  :

« Vedremo soltanto una sfera di fuoco
più grande del sole, più vasta del mondo;
nemmeno un grido risuonerà
solo il silenzio come un sudario si stenderà
fra il cielo e la terra
per mille secoli almeno
ma noi non ci saremo, no, noi non ci saremo »
.


« Nous ne verrons qu’une sphère de feu,
plus grande que le soleil, plus vaste que le monde ;
pas même un cri ne résonnera,
seulement le silence, tel un suaire, s’étendra
entre le ciel et la terre
pour mille siècles au moins,
mais nous ne serons plus là, non, nous ne serons plus là ».

 

Ce texte aux accents prophétiques, à sa sortie, correspondait parfaitement à mes goûts, mes attentes et ma perception du futur. J'aimais notamment le passage suivant » :

« E catene di monti coperti di neve
saranno confine a foreste di abeti
mai mano d'uomo le toccherà,
e ancora le spiagge risuoneranno delle onde
e in alto, lontano, ritornerà il sereno
ma noi non ci saremo, no, noi non ci saremo ».


« Et des chaînes de montagnes couvertes de neige
feront frontière à des forêts de sapins ;
jamais main d’homme ne les touchera,
et encore les plages résonneront du bruit des vagues,
et là-haut, au loin, reviendra le beau temps,
mais nous ne serons plus là, non , nous ne serons plus là »**.


Les adolescents de l’époque, dont je faisais partie,  étaient des hippies débutants. Ils ne connaissaient pas encore grand-chose du monde, juste les trois ou quatre accords nécessaires pour singer les Nomadi (do ; sib ;  do ;  sol …) et pour gérer leur angoisse en annonçant l’apocalypse.

* Des temps antédiluviens où j’étais une taupe ou un blaireau. Mon post, cette fois, est plein de mots difficiles. C’est pour me donner des airs.

** On trouvera la version intégrale de "Noi non ci saremo" à l’adresse suivante : https://www.musixmatch.com/it/testo/Nomadi/Noi-non-ci-saremo

mardi 11 novembre 2025

Les races, les métiers et le QI

Je tombe souvent sur des articles — peu rigoureux, je crois — qui dressent la liste des races de chiens les plus intelligentes. À chaque fois, cela me rappelle une conversation à laquelle j’ai pris part, il y a longtemps, dans un restaurant universitaire.
Nous parlions des vocations. À mes côtés se trouvait l’invitée, une spécialiste de la parenté qui venait de donner sa conférence. En face, un collègue avec son épouse.
« Et d'ailleurs mon mari, a déclaré cette dernière pour étayer son opinion par un exemple probant, avait entamé de brillantes études dans une discipline scientifique. Après l’accident, il a dû se rabattre sur l’ethnologie. »

J’ai ri, tout en sachant qu’elle ne voulait pas faire de l’humour.