mardi 8 novembre 2016

La prédation comme spectacle


Adepte du zoo safari en pleine action

Ce blog, on l'aura remarqué,  a une fonction semi-ludique. Je m'en sers pour exprimer mon point de vue de libre citoyen. J'y aborde des questions sérieuses de façon légère, polémique  parfois, passionnée ou ironique selon les cas. Je suis très reconnaissant aux quelques complices qui aiment bien jouer le jeu avec moi.

Je m'occupe de ces mêmes questions de manière moins subjective et plus structurée dans mon travail et, tout particulièrement, dans le cadre du séminaire que je tiens à l'EHESS consacré à notre rapport à la nature en général et aux animaux en particulier.

Ce séminaire, qui a lieu tous les 15 jours,  est ouvert au public.  Quelques lecteurs de ce blog pourraient être intéressés aux thèmes qu'on y traite. Ils seront les bienvenus.

Voici  la problématique de cette année et l'annonce de la première séance.


Séminaire EHESS (IIAC-Centre Edgar Morin)
L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi.
La prédation comme spectacle.
2e et 4e lundis du mois de 15 h à 17 h (salle 10, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 14 novembre 2016 au 12 juin 2017

Soucieuse de ne pas sur-interpréter et de ne pas projeter sur autrui les valeurs de l'Occident, l'anthropologie contemporaine cherche à connaître les manières singulières, propres aux différentes cultures, de penser les relations entre les humains et les non-humains. Dans ce but, elle s'intéresse aux représentations collectives, aux mythes, aux commentaires officiels définissant les conditions idéales d'échange avec les autres espèces. Là où un observateur candide et ethnocentriste verrait un fait "universel", l'observateur éclairé saisit des significations plus profondes : le combat de coqs à Bali, par exemple, au-delà de ses implications sanglantes, devient une "forme artistique" et "la réflexion d'une société sur elle même". La chasse au sanglier dans les Cévennes, en dépit de son issue fatale pour le partenaire animal, devient "un jeu avec l'animal". La chasse au pécari dans la forêt amazonienne est moins une traque qu'une drague (c'est la proie elle même, séduite par les charmes du chasseur, qui s'offre à lui). Ces lectures respectueuses de la doxa indigène nous rappellent la pluralité des conceptions du monde. Elle risquent néanmoins de laisser dans l'ombre les motivations "officieuses", inavouables ou tout simplement "inaudibles" de l'activité prédatrice et des autres formes de "prélèvement" de la vie animale. Le séminaire de cette année porte sur ces motivations officieuses. Nous nous pencherons sur le discours orthodoxe, conventionnel, entourant la "bonne mort" des animaux. Mais nous nous interrogerons aussi sur les gratifications éventuelles associées à l'expérience, plus ou moins directe, plus ou moins ritualisée, de leur poursuite et de leur abattage. Dans un de ses derniers essais Norbert Elias, en collaboration avec Eric Dunning, qualifiait de Quest for excitement l'engouement pour la violence que le spectacle sportif serait en mesure de satisfaire et de contrôler. Par quelques exemples choisis nous verrons comment les différentes cultures modulent cette disposition collective en lui conférant, au cas par cas, des connotations et des significations spécifiques.

Séance du 14 novembre (15h-17h) salle 10

Sergio Dalla Bernardina
Tuer un "presqu'humain". L'anthropomorphisation de la proie dans la tradition occidentale.

Pour donner libre cours à son activité, le chasseur occidental doit bien garder à l'esprit l'idée qu'une frontière ontologique le sépare des autres espèces. Dans ses témoignages, cependant, dans ses récits, dans ses expressions plastiques et picturales, il ressent le besoin d'anthropomorphiser sa proie en lui prêtant des traits psychologiques, parfois même anatomiques, proches de l'humain. En revenant sur d'anciennes recherches* et sur des matériaux récents, nous nous interrogerons sur les raisons et les implications de ce paradoxe.

*"Il simbolismo venatorio : Analisi di tre testi poetici dell'Ottocento bellunese", in Sergio Dalla Bernardina, Il miraggio animale, per un'antropologia della caccia nella società contemporanea, Roma, Bulzoni, 1987 p. 19-50. 
- "Une personne pas tout à fait comme les autres, l'animal et son statut" L'Homme, 1991, p. 33-50.- 
- L'utopie de la nature. Chasseurs, écologistes, touristes, Paris, Imago, 1996



Zoo safari pas très loin de chez moi 

2 commentaires:

  1. Quelle belle mise en scène!!! Et quel programme alléchant!

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  2. Je trouve fort intéressant le " 20 ans après " dans votre recherche. La prise en compte de la conscience, souffrance, intelligence...du monde animal, maintenant bien médiatisée... le chasseur occidental n'a même plus besoin d'anthropomorphiser, c'est fait ! Donc, quel discours tenir ?

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