samedi 31 décembre 2022

Apocalypses, palingénésies …


C'est le 31 décembre. On construit, on déconstruit, le temps passe.


jeudi 29 décembre 2022

L’arrière-pays breton et ses forêts ancestrales

 

 

Il n’y a pas que des druides en Bretagne, mais les traditions on les respecte. On plante des arbres, par exemple. Exactement  comme on le faisait autrefois.  On préfère les conifères parce qu’ils  poussent très vite, et les voir grandir est un spectacle édifiant qui renforce le sentiment d’appartenance locale. Contre les atteintes du gibier,  on entoure les jeunes plants avec des protections en plastique. Lorsque ces protections tombent, on les laisse sur place en guise de souvenir.  C’est une vieille tradition. Il n’y a pas que des druides en Bretagne.

lundi 26 décembre 2022

Peut-on échapper au naturalisme?

 

 

 

Gravure de Charles Le Brun,1619-1690

 

Leibniz estimait que l’onomatopée est à l’origine du langage. Il a été démontré par la suite, semble-t-il,  que ce n’est pas vrai. Mais l’idée est passionnante. Dans la mesure où les onomatopées sont issues des bruits du monde, elles devraient être compréhensibles même par les non-humains.

J’y pense en lisant ce commentaire  de Bernard Kalaora revenant sur notre séminaire du 12 décembre :  « Sur la question du langage et du rapport à la nature, être au plus près du vivant, peut-être faudrait-il en passer par la poésie ... je pense à Francis Ponge, Le parti pris des choses. Voilà ce que dit  Maurice Blanchot dans son texte célèbre "La littérature et le droit à la mort " où il explique comment les descriptions du poète Francis Ponge sont composées "de toutes ces métaphores empruntées au pittoresque monde humain, ces images qui font image, en réalité représentent le point de vue des choses sur l'homme" ».

(Suit une référence au constat, émergée dans le cadre du séminaire, que « l'animisme ne peut s'abstraire, du moins dans le contexte occidental, du naturalisme ». Autrement dit, on a du mal à imaginer que l'on puisse s'affranchir du système ontologique qui nous a structurés).

 « Et Blanchot de poursuivre sur Ponge : " Et voici un homme qui observe plus qu'il n'écrit: il se promène dans un bois de pins, regarde une guêpe, ramasse une pierre. C'est une sorte de savant, mais le savant s'efface devant ce qu'il sait, quelquefois devant ce qu'il veut savoir, homme qui apprend pour le compte des hommes: lui est passé du côté des objets, il est tantôt de l'eau, un galet, un arbre, et quand il observe, c'est pour le compte des choses, et quand il décrit, c'est la chose elle-même qui se décrit. Or c'est là qu'est le trait surprenant de cette transformation, car devenir un arbre, sans doute cela se peut-il et  le faire parler, quel écrivain n'y parviendrait ? Mais l'arbre de Francis Ponge est un arbre qui observe Francis Ponge et se décrit tel qu'il imagine que celui-ci pourrait le décrire"(…) ».

Ce qui inspire à Bernard Kalaora la question suivante : « Puisque l'attente dans toute forme de perception est l'évanouissement du sujet selon Ponge, avons-nous besoin de chamanes et de traducteurs pour accéder  au monde non humain ?  

samedi 24 décembre 2022

Des intrus dans la crèche ?

 


Je cherche à interpréter ce tableau de Sandro Botticelli dans une perspective animaliste : si l'âne et le bœuf sont là, c'est qu'on les exploite. Les bergers qui viennent adorer l'enfant Jésus sont des égorgeurs d'agneaux qui, par leur impact sur  le biotope, portent atteinte à la biodiversité.  Je m'en veux : je sens monter en moi le sarcasme alors que c’est Noël*.

* Sarcasme : dérivé du grec ancien σαρκασμός , sarkasmos (« raillerie »), de σαρκάζω, sarkazô (« arracher la chair, montrer les dents à quelqu'un pour s'en moquer »). Rien de plus carnivore.

jeudi 22 décembre 2022

Ah, les sangliers ...

 

Ah, les sangliers, c'est la faute aux chasseurs. Heureusement qu’il y a les loups …

Ah, les moutons, c'est la faute aux bergers. Heureusement qu'il y a les loups ...

Avec les moutons, en fait, ça marche moins bien.








mardi 20 décembre 2022

Cornes de buffle et sabots de veau

 

Pauvre toutou. Il adore le plein air alors qu’il passe sa vie dans les conditions d'un taulard : deux sorties par jour, juste pour qu’il ne se mette pas à consommer du Prozac. Dans son for intérieur il aimerait être  un loup  et disposer à son gré des cerfs, des sangliers ainsi que des vaches et des moutons que les éleveurs mettent généreusement au service des grands prédateurs*. Mais il y a un remède. Chez Jardiland on peut acheter  des oreilles de bœuf,  des cornes de buffle, des sabots de veau qui donnent au toutou, pendant qu’il les ronge, l'illusion d’être lui aussi un redoutable carnassier. Ça ne coûte pas cher et ça fait partie de ce qu’on appelle « le dessein intelligent ». Pourquoi le Bon Dieu a-t-il créé chez les herbivores  des parties aussi coriaces que les oreilles, les cornes et les sabots ? Pour faire plaisir aux cockers, bien évidemment. 

* Ah, les sangliers, c'est la faute aux chasseurs. Heureusement qu’il y a les loups …

 

dimanche 18 décembre 2022

Naturalistes et animistes (autour des insectes et de leur conservation)

 

Lundi 12 décembre, dans le cadre  du séminaire « Penser les ruralités contemporaines », nous avons eu le plaisir de visionner le court-métrage de Geoffrey Lachassagne La capture. Le rôle des capturés était assuré par les insectes. Celui du captureur* par l’écrivain et entomologiste Pierre Bergounioux. La qualité de l’ensemble m’a saisi. Confronté  à ce genre de  restitutions denses,  précises, élégantes il m’arrive de me demander :   « Qui est au fond l’ethnologue ? ». Et je réponds »  : « C’est quelqu’un qui parle des mêmes choses que l'écrivain et le poète, mais de façon plus pédante ».  

Les collections d’insectes font  penser fatalement aux collections de trophées. S’agit-il d’une fausse analogie? On a posé la question à Pierre Bergounioux qui a détaillé, à  sa manière, les plaisirs de la chasse aux coléoptères et les aléas  de leur naturalisation.  Il a ensuite loué le caractère imputrescible de ses proies.  À 17h30, hélas, il a fallu quitter la salle, j’aurais aimé lui demander si les insectes aussi ont une âme, si après leur mort elle reste accrochée à leur corps et pour combien de temps.

* Il n’est pas très beau, mais ce terme existe, j’ai vérifié. Pour le féminin,  en italien, on dit  catturatrice. Et en français ? Je trouve que captureuse ne sonnerait pas très bien  et captureure encore moins.

vendredi 16 décembre 2022

Bien sûr que c’est naturel, je l’ai construit moi-même ! 


 

Gustave Courbet, 1885, Vue de la forêt de Fontainebleau

 

Peut-on appréhender la nature dans sa naturalité intrinsèque, en dehors des cadres culturels qui orientent notre perception ? Quelle est la portée des nouveaux paradigmes cherchant à dépasser « le dualisme de la pensée opposant nature et société » ? Cela fait partie des thèmes abordés  par Bernard Kalaora dans son intervention au séminaire De l'humain animalisé au vivant humanisé du 12 décembre*. Dans sa  communication, il  a développé un article dont je reporte le fragment suivant :

 

« Dans le régime de la modernité, la nature et la société, le sujet et l’objet sont pensés comme des entités séparées, extérieures et en opposition. « Comme maître et possesseur de la nature » selon l’adage célèbre de Descartes, l’humain se doit de régenter la nature et de la conformer à ses besoins et à son ordre sociétal : le sauvage n’y a pas de place, il n’existe que comme fantasme, simulacre ou artefact. Un exemple typique est celui de la forêt de Fontainebleau dont j’ai montré dans Le Musée Vert (1993)** qu’elle représente l’idéal type de la forêt sauvage pour les Parisiens. La nature n’est en effet jamais naturelle, elle est le fruit d’un travail sémiotique qui la dote de qualités propres et qui en font un objet de nature. Dans le cas de Fontainebleau, la forêt est vue comme un « Atelier grandeur nature » (Titre de l’exposition du Musée d’Orsay de 2007) et elle est perçue comme un tableau, une représentation iconique qui célèbre la belle nature, procure le sentiment de la féerie du sauvage et qui dans le même temps, codifie la pratique normative attachée à la promenade et au bon usage de la forêt »***.

 

Bref, nous construisons un scénario, nous y pénétrons et nous constatons éblouis sa « naturalité ». La zoopoétique (cf. les billets du 10 juin 2021 et 23 octobre2022) permet peut-être  de résoudre le paradoxe. J’y reviendrai bientôt.

 

 * Cf. le post du 8 décembre

** Le musée vert. Radiographie du loisir en forêt, Paris, L'Harmattan, 1985.

**"Du musée vert à la forêt comme forme de vie", AOC Média, 20 octobre 2022


 

mercredi 14 décembre 2022

Dans le self service de la nature

 


Brest. Je me promène dans un bois, de l’autre côté du pont de l’Iroise. J’aperçois un monsieur qui marche devant moi avec un gilet orange fluo. Il avance tranquille sans soupçonner  ma présence. Il ressemble à un chasseur mais je ne vois pas de fusil. Ça m’inquiète légèrement  parce que moi, en revanche, avec mon blouson couleur chameau, je ressemble à un chevreuil*. Il disparaît derrière une haie, dans le fourré. J’entends des bruits secs, comme de quelqu’un qui utilise une machette. Il réapparait dans  le chemin, un joli sapin sous le bras. Il me regarde un peu surpris, l’air de se dire « tiens, un témoin »,   et il repart nonchalant. J’avais oublié que c'est bientôt Noël.

* Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive, j’en ai déjà parlé, et il serait temps que je change  mes habitudes. C’est  que je rechigne à me balader dans  les bois habillé comme une fraise Tagada.

lundi 12 décembre 2022

Aimer la castagne

 


J’aime Toulouse, de Claude Nougaro. Le ton est emphatique, c'est vrai,  mais envoutant. On partage  l’émotion  et on se laisse entrainer par mimétisme.  J’ai horreur cependant  de la phrase  « Ici, même les mémés aiment la castagne » et je n'adhère nullement à l’imaginaire pugilistique qui va avec. C’est triste à dire, mais des hommes et parfois même des femmes aiment la castagne.

samedi 10 décembre 2022

Dealer de quoi? (Avoir un cœur)

 

Le mot manquant est "glu". Cet échange sur Twitter en dit long  sur l'évolution des sensibilités et du statut du vivant dans la société contemporaine*. Il m'inspire ce dialogue imaginaire :

 

- Ça va? Tu a passé une belle journée? T'as jugé qui, aujourd’hui?

- Voyons ... Des cambrioleurs, un type qui n'avait pas le permis de construire,  un autre qui conduisait en état d'ébriété... Ah, il y avait aussi un trafiquant. 

- Un trafiquant de drogue ?

- Non

- De tabac? 

- Non, de chardonnerets.

- Combien il a pris?

-  Dix-huit mois ferme, il était récidiviste.

* C'est un échange qui nous dit aussi des choses intéressantes autour de la locution "avoir un cœur" et de sa fluidité (le manque de cœur étant un défaut qui peut prendre les formes les plus disparates).

 


vendredi 9 décembre 2022

Penser les ruralités contemporaines. Première séance

 

Penser les ruralités contemporaines

 

ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (Paris)

 

·       Pierre Alphandéry, ancien chercheur INRAE (hors EHESS)

·       Christophe Baticle, maître de conférences, Aix-Marseille Université(TH) (hors EHESS)

·       Sophie Bobbé, chercheure associée au laboratoire LAP – EHESS

·       Sergio Dalla Bernardina, professeur, Université Bretagne Occidentale(TH) (LAP-LACI) Cet enseignant est référent pour cette UE

 


Salle AS1_08
54 bd Raspail 75006 Paris

lundi 15:30-17:30

LIEN CONNEXION ET ENREGISTREMENTS :

https://webinaire.ehess.fr/b/bob-kvx-zfn

 

 


 

 12 décembre : Geoffrey Lachassagne,

 De la capture d’insectes à la collection.

 

Séance autour du court-métrage La Capture de Geoffrey Lachassagne (2015), présentation : Sophie Bobbé (en présentiel)

 

Le court-métrage de Geoffrey Lachassagne est le portrait d’un écrivain français vivant dans le « rural profond ». Il est aussi l’évocation d’un certain rapport à la nature, et celle d’un homme de passion. S’il est immédiatement renvoyé au champ de la littérature, Pierre Bergounioux peut également l’être à celui de l’entomologie.

Ce film est une invitation à suivre cet amoureux des mots au cours d’une de ses échappées belles sur le plateau de Millevaches à la chasse aux papillons.

 

Geoffrey Lachassagne

La Capture

Huit Productions, 2015.

50mn.

jeudi 8 décembre 2022

De l'humain animalisé 12 décembre, annonce



Domaine de Chaumont-sur-Loire, Portes, 1988/Cornélia Konrads . Photographie E. Sander

 

UE286 - Séminaire De l’humain animalisé au vivant humanisé


Lundi 12 décembre de 12h30 à 14h30, Campus Condorcet-Centre de colloques, Salle 3.06, Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
 

Bernard Kalaora

Du musée vert à la forêt comme forme de vie

 

Depuis quelques années, la forêt fait l'objet d'un fort engouement de la part des sciences humaines et sociales. Elle devient une entité qui innerve, irrigue tous les pores du social, du sujet, des corps et du collectif. Ce basculement de régime se traduit par une forme de vitalisme qui dépasse le darwinisme et signe la fin de la prééminence du seul point de vue humain : les espèces tant végétales qu’animales ont désormais une histoire et participent à l’histoire

 

mardi 6 décembre 2022

La nuit de Saint Nicolas

 


Rien ne bouge. Le temps s’est arrêté.  On attend.

dimanche 4 décembre 2022

Des cerfs dans notre baignoire ? (À propos du rewilding)

 


Les cerfs et les loups, dans les Alpes, se sont mis à pulluler. N'est-ce pas génial?

(Suite du post précédent). « Il y a encore cinquante ans, assis au même café, nous aurions pu entendre quelques propriétaires terriens se plaindre des étourneaux qui ravageaient leurs récoltes, des notables campagnards vantant les captures de leur « roccolo », gigantesque piège végétal pouvant  produire quinze mille pièces par an  entre pinçons, grives, et chardonnerets (pour ne pas parler des verdiers, des gros-becs, des becs-croisés …). Dans les auberges, en automne, on aurait eu droit à la « polenta e osèi » (polenta aux petits oiseaux, bestioles succulentes dont les vrais connaisseurs ne laissaient dans l’assiette que le bec). Les membres de la ligue pour la protection des oiseaux (c’est un anachronisme), auraient pu se rabattre sur un civet de lièvre ou autre gibier fourni aux restaurateurs par les chasseurs et les paysans du coin (très habiles, ces derniers,  dans l’art du piégeage, sans disposer pour autant du moindre brevet ou permis de chasse).

          Entre-temps, dans le laps de quelques décennies, le démantèlement de la civilisation rurale s’est parachevé. C’est l’épilogue d’une histoire millénaire : la déprise agricole et l’industrialisation de la campagne, pour dire les choses avec emphase, ont mis fin aux derniers rayonnements de la civilisation néolithique. La conception du monde donnant la priorité aux  espèces (et aux espaces) domestiques a perdu sa légitimité. Il nous paraît normal, aujourd’hui,  de saluer avec enthousiasme le retour de la forêt, de regarder avec sympathie le pigeon qui convoite notre apéritif, le blaireau qui fouille dans notre poubelle, le renard qui traverse la rue avec la nonchalance d’un chien de cirque ».  (Le retour du prédateur PUR 2011, p.) (À suivre)

 

vendredi 2 décembre 2022

Je suis d'accord avec mon point de vue (à propos du réensauvagement) (1)

 


 


« Autour de midi sur une place ensoleillée des Préalpes vénitiennes. C’est l’heure de l’apéritif. Les pigeons sont affairés. Ils doivent faire face aux incursions des moineaux, petits mais très rapides,  sans perdre de vue les « stuzzichini » (cacahuètes, olives et autres « tartines ») posés sur les tables à côté des boissons. Ça y est : un couple d’Allemands vient de partir en laissant dans l’assiette quelques chips.  Les pigeons se lancent. Le verre de Campari, avec ses glaçons et sa tranche d’orange,  part en éclats.  Une femme sort du café en criant : « Andate via brutte bestiacce » (foutez le camp, sales bêtes). D’une table un peu plus loin, quelqu’un lui répond : «Insomma, non esageriamo, povere bestie » (Enfin, n’exagérons pas, pauvres bêtes).   Ce ne sont pas des membres de la fondation Brigitte Bardot qui sermonnent la dame, mais des visiteurs du Parc des Dolomites à l’accent très citadin. Je les écoute depuis un moment, mon Campari bien serré dans la main pour parer à des attaques éventuelles ».

 

C’est le début de mon étude Le retour du prédateur. Mises en scène du sauvage dans la société post-rurale, Presses Universitaires de Rennes (2011). Il date un peu. Je l’ai relu  récemment pour préparer mon intervention à un workshop sur le réensauvagement organisé par le laboratoire MIMMOC de l’Université de Poitiers. Dix années plus tard, je suis toujours en phase avec ce que j'écrivais. Ma lecture du retour du sauvage et de ses conséquences s'éloigne de celle de Joëlle Zask  qui dans Zoocitie(éd. Premier Parallèle, 2020), aborde  la question avec un autre regard. (À suivre)