lundi 30 mars 2020

D’un masque à l’autre 4) Du bon usage de la brosse





Brosse

Et voilà l’épisode qui m'est revenu à l'esprit en méditant sur la précarité de nos moyens de défense face à la menace d’une contamination planétaire. Un matin d’été - il faisait déjà chaud - , on nous a tous réunis  sur le parvis de la caserne pour un exercice. Il s’agissait d’apprendre le comportement à tenir en cas d’attaque chimique, biologique ou nucléaire. Notre équipement se composait de deux éléments : un masque et une brosse. L’officier responsable de l’opération devait nous illustrer la procédure. D’abord il nous a montré comment appliquer  le masque : « Ça doit être parfaitement étanche. S’il y a la moindre ouverture, vous êtes foutus ! ».  Ensuite, il nous montre le bon usage de la brosse : «  La brosse n’est pas pour vous, c’est pour brosser votre voisin. Celui-ci doit se tenir immobile pendant  que vous le brossez très lentement du haut en bas. Très lentement pour ne pas disperser les particules radioactives ».





samedi 28 mars 2020

D’un masque à l’autre 3) Confiance et déception




D’un autre côté, pendant un certain temps, j’ai eu une grande confiance envers les masques à gaz. J’étais convaincu que,  à l’instar des autres fournitures de l’armée, ils  étaient   indestructibles. C’est ainsi que, le jour où on nous a emmenés au champ de tir pour que l’on prenne connaissance de notre équipement, j’ai soumis mon masque à  une série d’épreuves assez rudes. Je ne l’ai pas fait exprès. Le masque est toujours resté dans son étui, accroché à ma ceinture. Mais, tout au long de la journée, il m’a accompagné pendant les  bonds,  les rampements et autres galipettes qui me semblaient convenir à la situation. Ce n’est que dans le car, avant de rejoindre la caserne, que j’ai jeté un regard furtif à l’intérieur de la sacoche : mon pauvre masque à gaz avait perdu une lentille et l’autre était sérieusement abimée. Je l’ai déposé dans l’entrepôt, avec nonchalance,  en espérant que personne ne vérifie son état  et que la guerre n’éclate pas le lendemain.

jeudi 26 mars 2020

D'un masque à l'autre à l'époque du coronavirus. 2) La forme et la fonction


La Place Wilson, à Brest, le 25 mars 2020

Qui l’aurait cru? À 9h30 du matin la place Wilson, ensoleillée, est parfaitement vide. Je n’ai pas le droit de déambuler comme d'habitude. La radio dit que la situation reste grave et qu’il n’y a pas de masques pour tout le monde. Mon esprit divague. Par association d’idées, je passe à une autre histoire de masques et de confinements. Je sais que ce n’est pas le meilleur moment pour faire de l’humour, d’autant plus que mon histoire est plutôt idiote. Je la raconte également, en guise d’exorcisme.  

J’ai toujours éprouvé des sentiments ambivalents vis-à-vis des  masques à gaz. D’un côté ils suscitent ma méfiance. Depuis mon enfance (il y en avait deux dans le grenier, on jouait avec),  je suis frappé par le décalage entre leur forme et leur fonction. La fonction est de nous tenir en vie. Mais la forme, manifestement, est  celle d’une  tête de mort. Il suffit de mettre un masque à gaz pour ressembler à un zombie. En donnant libre cours à l’imagination,  en se laissant bercer par la pensée magique, on pourrait se demander si la forme, à la limite,  ne risque pas de porter préjudice à la fonction. (À suivre)

mardi 24 mars 2020

D’un masque à l’autre à l’époque du coronavirus. 1) Préambule




Mètre étalon

Les animaux, de préférence, ne s’exposent pas trop.  Avant de bouger, ils attendent que leur proie soit assez proche, ou que  le danger se soit éloigné. Ça dépend beaucoup  de l’espèce.   Il y en a de lents et de rapides, d’individualistes et de grégaires. À quel animal je ressemble dans mes rapports au coronavirus ? Je ne saurais dire.  Ces derniers temps, comme tout le monde, je sors peu. Je prends mes précautions. Si je dois communiquer avec quelqu’un (l’employée du supermarché où je fais mes courses, par exemple),  je tiens scrupuleusement la distance et je me demande si un mètre suffit *.  Je me plie volontiers à cette mesure,  même si je crains que ce ne soit  qu’un palliatif. Sa logique incertaine  me rappelle un souvenir de l’époque où, pour ne pas subir les rigueurs de la loi, j’ai accepté d’effectuer mon service militaire. (La suite après-demain).

* Elle se pose la même question, bien entendu.

dimanche 22 mars 2020

Retrouvailles romaines



La dame est sortie furieuse de sa boutique : « Pourquoi avez-vous pris cette photo ? Qu’est-ce qu’il y a d’intéressant dans cette pauvre plante martyrisée? Ma io lo so chi è quel disgraziato che me l’ha dipinta  di rosso. È uno del quartiere, qui, uno mezzo matto - (Je sais, moi,  qui est l’ordure qui me l’a peinte en rouge. C’est un type du quartier, ici, un mec à moitié fou) » . J’ai cherché à lui expliquer  que ça me rappelait une autre plante, identique,  dont j’avais la nostalgie*. Mais je ne suis pas sûr de l’avoir convaincue.

* Ces plantes-là, à vrai dire, sont toutes pareilles.

vendredi 20 mars 2020

Le courage civil (encore sur la distanciation sociale)


Résultat de recherche d'images pour "chapeau davy Crockett"
C’était au collège. On attendait patiemment, un derrière l’autre, l’ouverture de la salle de classe. Un retardataire s’est joint à nous avec un joli chapeau à la Davy Crocket.  Un copain lui a demandé : « Où as-tu trouvé le courage civil de porter un chapeau de ce genre ? »*

C’est la question que je pose à l’inventeur de l’expression « distanciation sociale » censée  décrire les mesures à prendre pour endiguer le virus :  « Où avez-vous trouvé le courage civil de nous proposer  une formule de ce genre ? »**

* À cette époque on était loin de se préoccuper du bien-être animal, c’était juste pour des raisons esthétiques.

** « Le courage civil », c’est fabuleux. Depuis, j’utilise cette locution avec la même fréquence que : « À l’insu de mon plein gré » (autre trouvaille géniale …) .  « Où as-tu trouvé le courage civil d'acheter cette armoire ? ». « Où a-t-il trouvé le courage civil de nous conseiller ce film?".

mercredi 18 mars 2020

Égalitarisme et pandémie



Groupuscule d'oiseaux grégaires et cygne (qui tient à garder ses distances).

 Question :  qui a choisi la formule  « distanciation sociale » pour indiquer les mesures  à adopter  contre la diffusion du coronavirus ?*

* Ce n'est pas Marx, ce n'est pas Durkheim, ce n'est même pas Bourdieu.

lundi 16 mars 2020

Irons-nous tous au Paradis? Tout dépend du prix (Trump, le coronavirus et la mère de Saint Pierre).




Échelle menant au Paradis récemment rachetée par une firme américaine (en noir, les employés censés éloigner les intrus).
C’est hallucinant. Les Allemands pensent pouvoir réaliser un vaccin contre le coronavirus d’ici quelques mois (ce qui nous réconforte un peu). En apprenant la nouvelle, Trump a proposé de l’acheter et d’en  garder l’exclusivité pour les Américains. Cela me rappelle une vieille légende que je reporte ici dans sa version corse*:

LA MÈRE DE SAINT PIERRE

La mère de saint Pierre avait été si méchante pendant sa vie, que Dieu ne voulut pas la laisser entrer  au Paradis après sa mort.   Saint Pierre en fut bien attristé : il ne mangeait plus  et maigrissait à vue d'œil.   Le Seigneur s'en aperçut et lui dit :   «  Pierre, pourquoi donc es-tu si triste ? »  Et Pierre lui répondit :   « Seigneur, ne voyez-vous pas tous les supplices  que ma mère endure aux enfers ? ».   «  J'en suis bien désolé, mais elle n'a que ce qu'elle  mérite. Dis-moi, Pierre, a-t-elle seulement fait une  bonne action pendant sa vie? Cherche, et si tu en  trouves une, si petite qu'elle soit, je te promets de la  faire entrer au ciel ».   Saint Pierre se mit aussitôt à feuilleter le livre où  était écrite toute la vie de sa mère.   Il tourne et retourne les pages, mais pas la moindre  bonne action. Enfin, à force de chercher, il réussit à  trouver qu'un jour elle avait donné une feuille de poireau à un malheureux qui mourait de faim. Triomphant, plein de joie, saint Pierre courut vers  le Seigneur :   « Seigneur, Seigneur, elle a donné une feuille de  poireau » « Eh bien ! ce sera cette feuille de poireau qui la  sauvera ».   A l’instant, saint Pierre prit une feuille de poireau  qui s'allongea, s'allongea tant et tellement qu'elle  arriva jusqu'aux enfers.   La mère du saint s'y suspendit sans perdre de temps.  La voyant monter au ciel, un premier damné s'accrocha à elle, un second suivit, puis un troisième, puis  un quatrième, etc.   La feuille de poireau enlevait tout le monde.   En chemin, la méchante femme s'aperçut qu'on la  suivait. Furieuse elle donne de grands coups de pieds,   « Lâchez-moi, ce n'est pas pour vous que mon fils a  envoyé cette feuille ».   «  Laissez-les monter, ma mère, disait saint Pierre;  ne soyez pas si ingrate ».   Mais sa mère n'écoutait rien et continuait à donner  de grands coups de pieds afin qu'aucun malheureux ne  pût se sauver avec elle.   «  Eh bien ! Pierre, dit alors le Seigneur, que dis-tu  de cela ? »   Pierre baissa tristement la tête ; puis, lâchant la  feuille de poireau, il laissa retomber sa mère au fond  des enfers.   (J.B. Frédéric Ortoli, Contes populaires de l'île de Corse  -1883).

* Il me semble que le poireau, dans la version italienne,  est remplacé par un oignon.

samedi 14 mars 2020

Curtis et Dreyfus, même combat ?



Paysage avec chien (il s'agit, selon toute vraisemblance, d'un croisement entre un lévrier whippet et un patterdale terrier - à moins que ce ne soit un staffordshire)

 « Curtis ferait un coupable idéal », titre l'Union (SFR Presse) du 28 janvier 2020.  Même formule dans la Voix du Nord : « (…) Le comportement de ce jeune pitbull de 2 ans interroge : selon Christophe Ellul - le compagnon d’Elisa qui avait découvert son corps - Curtis est même devenu le “coupable idéal  ” ».*
Cette histoire du coupable idéal me rappelle quelque chose. J'entame une recherche rapide sur Google. 
1) Wikipédia : « Le coupable idéal est identifié : le capitaine Alfred Dreyfus, polytechnicien et artilleur, de confession israélite et alsacien d'origine, issu de la méritocratie ... ». 
2) Le Figaro Culture : « L'affaire Dreyfus racontée en podcast, épisode 1: - Un coupable idéal”».  
3) L’Histoire :  « Mais les enquêteurs étaient, pour la plupart, antisémites, et Dreyfus faisait un coupable idéal ; ils s'accrochèrent donc à leur certitude ».***
Curtis aussi, on dirait, a trouvé ses  Émiles Zola. (****)
**www.lefigaro.fr › Culture7 nov. 2019
(****) Ce qui mérite notre intérêt n'est pas le fait divers, bien évidemment  (les victimes de chiens "de garde et défense" qui passent à l'acte ne sont malheureusement pas rares - parfois c'est un gamin,  parfois c'est un passant, souvent c'est un autre chien ...) mais  les réactions étonnantes de l'opinion publique.

jeudi 12 mars 2020

Lapins

 

J’allume la télé. J’apprends que dans l’île de Sein il y a plein de trous. C’est à cause des lapins, paraît-il.

mardi 10 mars 2020

Le Staffordshire. Un pitbull comme tous les autres ?


 
Chien courant injustement accusé qui attend sa réhabilitation
Le coronavirus me distrait et risque de me détourner de l’affaire Pilarski. Je regarde les photos sur Google images :  Elisa et Curtis, Curtis et Elisa.  Non, ça ne peut pas être lui. Ce serait atroce et très embarrassant à la fois. Embarrassant pour Brigitte Bardot, par exemple, qui devrait revenir sur la déclaration  suivante : 

«  Mais le plus sordide, l’horreur même, s’est déroulé samedi à Saint-Pierre d’Aigle dans l’Aisne, lorsqu’une jeune femme enceinte de six mois partie promener son chien s’est retrouvée prise pour cible par la meute de chiens de l’équipage de chasse à courre « le rallye de la passion ». Cette jeune femme et son enfant n’ont pas survécu à cette attaque, victimes de trop nombreuses morsures. J’en suis, comme tous les Français, bouleversée et profondément scandalisée. Combien de drames devrons-nous subir, combien de temps encore les politiques se soumettront à ces « saigneurs » qui répandent la mort dans nos forêts ? Madame la Ministre, vous avez le devoir d’agir d’urgence, suspendez immédiatement toute autorisation de chasse à courre pour cette saison ». Brigitte Bardot, extrait d’une lettre ouverte adressée au Ministre de la Transition écologique publiée le 19 novembre 2019

dimanche 8 mars 2020

Des saints et des fauves (comment entrer dans la légende)



 
Avant de devenir le secrétaire du pape Damase, Saint Jérôme avait vécu en ermite  dans un désert syrien et apprivoisé un lion. Je découvre que Saint Pérec aussi, avant de se rendre à Rome, avait passé une période dans la Wilderness et apprivoisé des animaux  sauvages. Dans les deux cas, c’était pour améliorer leur CV. Aujourd’hui il y a les échanges Erasmus.

vendredi 6 mars 2020

La vache idéale


 

Je tombe sur une affiche du Salon de l’ agriculture. En bas à droite je lis : « Idéale, 6 ans, Charolaise ».  Je me demande : « idéale dans quel sens ? Pour faire du roastbeef ? ». Je trouve la formule déplacée*. On m’explique que « Idéale », en réalité,  est  juste le nom de la vache.


*  On pense certaines choses, à la limite, mais on ne les dit pas.

mercredi 4 mars 2020

Les bases sociologiques de la rivalité entre les coqs


  
  Coq se mettant au premier plan
 « Les hommes, qui tirent parti de tout, pour leur amusement, ont bien su mettre en œuvre cette antipathie invincible que la Nature a établi entre un coq et un coq ; ils ont cultivé cette haine avec tant d'art que les combats de deux oiseaux de basse-court sont devenus des spectacles dignes d'intéresser des peuples, même des peuples polis ».*
Sommes-nous sûrs  que cette antipathie entre les coqs est d’origine naturelle? Allons, ne soyons pas essentialistes... 

 * Leclerc de Buffon et C.S. Sonnini, Histoire naturelle des oiseaux, t. 5, Paris, an ix de la république.

dimanche 1 mars 2020

Vertimus


Je profite de cet espace pour annoncer la prochaine séance de notre séminaire. La question des frontières ontologiques, à  cette occasion, sera abordée au prisme de l'art contemporain.