vendredi 31 janvier 2020

Animistes bien de chez nous


L’animisme, pour nous, c’est chez les autres. Pendant un long moment d’ailleurs, pour éviter tout malentendu, les missionnaires ont préféré parler de « fétichisme ». Même chez nous, cependant, ceux qui croient à l'existence des âmes ne manquent pas.


Ceci,  pour présenter notre  séminaire de lundi prochain :

Séminaire EHESS-IIAC-LACI

De l’humain animalisé au vivant humanisé

Lundi 3 février de 15h à 17h
(salle 2, 105 bd Raspail 75006 Paris)

Grégory Delaplace

« Un certain type de chose. Enquêter dans les maisons hantées de l’Angleterre de l’après-guerre ».

Depuis sa création à Londres en 1882, la Société pour la recherche psychique répond aux demandes d’enquêtes de particuliers que certaines expériences, plus ou moins effrayantes, ont conduits à suspecter que leur maison pouvait être « hantée ». À partir de la description des enquêtes menées entre 1946 et 1949 par un jeune enquêteur sceptique, il s’agira de rendre compte des différents dispositifs par lesquels ces expériences en viennent à être qualifiées comme un certain type de chose par les témoins de ces phénomènes d’apparitions et par les enquêteurs qu’ils sollicitent.

mercredi 29 janvier 2020

Venez voir dans mon jardin (des panthères partout)

 


Cette fois c’est plus vrai que vrai.  Une nouvelle panthère vient d’être aperçue dans les campagnes italiennes (le réchauffement climatique ?). Elle traîne dans les environs  de San Severo,  dans les Pouilles. Elle s’est échappée, dit-on, de la maison d’un chef mafieux. Je pense à l'imaginaire  kitch de ces mafieux : «  Que puis-je faire pour prouver ma puissance ?  J’installe une panthère dans ma propriété. Oui, parce que moi aussi, à ma façon, je suis un petit empereur romain ». Que lisent d’ailleurs les chefs mafieux dans les moments de détente ? Les mémoires d’Adrien*. Sincèrement préoccupé, le maire de San Severo,  Francesco Miglio, a conseillé à ses concitoyens  de prier Saint Antoine, protecteur des animaux.

Et à quel saint faut-il s’adresser pour se libérer de la mafia ?



* D’autres me suggèrent : Les mémoires de Tarzan, ou Mimi la souris

lundi 27 janvier 2020

Questions d'éthique canine. A-t-on le devoir d'aimer son maître?




Je l’aimais beaucoup, ce chien. Il s’appelait Samuele.  Il s’échappait sans arrêt du jardin  mais, normalement,  on arrivait à le récupérer. Un jour il a disparu pour de bon. Cette disparition m’a rempli de tristesse. Quelques semaines plus tard – bonne nouvelle - un agriculteur nous a contactés : « Votre chien est chez moi ».    J’étais ému et rayonnant. Mon père aussi. Sam  était derrière un grillage avec deux ou trois congénères. « Ciao Sam, ciao bello, sei contento? ». Il est sorti sans se presser et nous a regardés à peine, en faisant semblant de ne pas nous connaître.

samedi 25 janvier 2020

L’affaire de l’Aisne (race et culture chez les chiens)



C’est du voyeurisme, si l’on  veut. Mais je suis avec curiosité l’histoire de Curtis, ce Staffordshire courageux qui a défendu jusqu’au bout sa maîtresse dévorée par une meute de chiens courants  (selon la thèses soutenue par un certain nombre de citoyens français). Je vais livrer mon point de vue. Je croyais, sans en avoir les preuves, à l’innocence des chiens de chasse. Plein de préjugés comme je le suis vis à vis des chiens de défense, j’avais même osé imaginer que Curtis et ses copains avaient quelque chose à nous raconter à propos de cette affaire, et que les autorités faisaient de leur mieux pour retarder un coup de théâtre risquant de ridiculiser une partie significative de l'électorat*.  Il s’avère  que plusieurs journaux, depuis, ont fait de leur mieux pour renforcer les soupçons vis-à-vis des chiens courants.  Ne pouvant pas les suspecter de manipuler l’information (ce serait infâme)  je me vois obligé  de reconnaître que je m’étais trompé.  J’attends donc les noms et les photos de ces chiens de chasse sans cœur et sans retenue. Qu'est-ce qui  peut les avoir poussés à se comporter si cruellement? Ce n’est pas la race, bien évidemment. Ça doit être la culture, peut-être, ou la religion ...

* Fondations, associations, organismes philanthropiques s'étant déchaînés contre  les chiens courants et, par métonymie, contre la chasse.

jeudi 23 janvier 2020

Une panthère dans nos prés (ça fait peur, mais c’est BIO)



 

Animal mystérieux que j’ai surpris l’autre jour à proximité du Muséum d’histoire naturelle

J’en ai déjà parlé. Parmi les rumeurs les plus classiques collectionnées par Véronique Campion-Vincent  et Jean-Bruno Renard* il y a l’apparition inquiétante, ponctuellement certifiée  par des témoins dignes de foi, de prédateurs exotiques qui n’auraient aucune raison d'être-là. On les appelle les « félins-mystères ». Le dernier a été pris en photo dans la Maremme toscane il y a moins d’une semaine. Les autorités sont formelles : il s’agit bien d’une panthère.  

* De source sûre. Nouvelles rumeurs d’aujourd’hui. Paris, Payot, 2002

mardi 21 janvier 2020

A-t-on encore besoin des animaux ? Perspectivisme occidental




Miguel Vallinas, Retrato 53


Dans la vision du monde de certains amérindiens, si j’ai bien compris, l’animal  est une personne au même titre que l'humain.  Ce qui change est juste le support physique. Dans la vision du monde  de certains occidentaux, en revanche, la personne n’est qu’un masque qui cache l’animal. C'est le cas des Furries qui se déguisent en animaux pour retrouver leur vraie nature*.  Ils rappellent les  berserkir, célèbres guerriers-fauves des sagas nordiques. Mais ils sont nettement plus gentils. 



Cf. , à ce propos, l'article de  Mariane Celka :  “Aimer l'animal jusqu'à la zoophrénie”, in De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques » 2020 (à paraître).

dimanche 19 janvier 2020

Du bon usage de notre chien





Michael Sowa – La Voix de son Maître

Séminaire "De l’humain animalisé au vivant humanisé" (EHESS, de 15 h à 17 h, salle 2, 105 bd Raspail 75006 Paris) 

La séance de demain, lundi 20 janvier, a pour titre : « Du bon usage (moral) de notre chien ». Je poursuivrai ma réflexion autour de  la rhétorique animalitaire  et  des alliances ambigües que nous entretenons avec nos animaux de compagnie.

vendredi 17 janvier 2020

Crimes de Noël (et comment les effacer)



C’est toujours comme ça. On introduit le sapin de Noël dans la maison, on cohabite  pendant deux ou trois semaines et on finit par familiariser. Après il faut s’en débarrasser. Moi, pour le sortir proprement, j’avais pris l’habitude de le couper en morceaux comme on le fait dans certaines ambassades. Cette année, pour être plus humain, je l’ai transformé en porte-manteau.


mercredi 15 janvier 2020

L'œcuménisme des vins "nature"


 
Vin "nature" avant la lettre dans un tableau de Caravaggio

L’univers exploré par Christelle Pineau dans son article « Des animaux, des vignes, des humains : correspondances “naturelles” »* nous rappelle à quel point le discours sur l’animal est chargé aujourd’hui de connotations morales et politiques au sens noble du terme.  Les producteurs de vins « nature », ces puristes de la vinification excluant de leur démarche tout apport chimique, projettent sur leurs animaux (des chevaux, des cochons, des moutons, des oies qui les aident dans leur activité), la même empathie, le même respect et la même affection qu’ils réservent à leur vigne (une vigne presque anthropomorphisée).  Cela semble remettre en cause, en même temps que le « modèle naturaliste » (pour reprendre la formule de Philippe Descola), les modalités des  rapports interspécifiques : « C’est une équipe plutôt soudée – déclare un des interlocuteurs de Christelle Pineau en parlant de ses associés  humains et non humains – tout le monde est convaincu par la démarche, y’a une vraie richesse, un vrai échange, y’a pas de hiérarchie dans notre équipe, tout le monde a son mot à dire, tout le monde a des propositions à faire … ». 

Pourquoi mettre en doute la sincérité de ce témoin ? Spontanément, je crois à ce qu’il dit :  son discours doit avoir  une incidence réelle sur sa manière de se rapporter aux plantes et aux animaux.  En même temps – je me vois obligé d’y penser – ça me rappelle la rhétorique interclassiste** des PDG de Toyota ou de FIAT (« Chez nous, c’est une grande famille … ») ou l’utopie égalitaire du Club Méditerranée (« Ici tout le monde se tutoie … »). S’en tenir aux déclarations des acteurs ou tout salir, même ce qu’il y a de plus noble et généreux,  en exerçant le doute permanent ? Comment sortir de cette impasse ?

* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître).
** Transformée ici en rhétorique interspécifique.


lundi 13 janvier 2020

À l’époque où la terre était encore molle (comment tuer un caméléon?)







Dans son article « Le caméléon, un inchassable-intouchable devenu NAC (Nouvel animal de compagnie), Michèle Cros nous apprend qu’en Afrique de l’Ouest, en pays lobi burkinabé, le caméléon, contrairement à la plupart de petits animaux, est un intouchable. À côté de son transformisme bien connu, il  présente toute une série d’autres traits surprenants comme par exemple le fait qu’il  : « ne meurt jamais de lui-même à moins qu’il ne soit tué, il continue à vivre indéfiniment » et qu’il marche précautionneusement parce qu’il est né aux temps où la terre était encore molle. Nous découvrons à la fin qu’être caméléon et NAC, en Occident, est relativement fréquent,   mais que le bichonner c’est cruel parce que ce petit dinosaure n’aime pas être manipulé et préfère la solitude. Comment s’y prendre si on veut tuer un caméléon ? Vous le saurez en lisant l’article*.

* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques », 2020 (à paraître).

samedi 11 janvier 2020

Musique et bien-être animal




 

Piano droit squatté par des rongeurs


« Ah le piano. Ça fait longtemps, hein. Très longtemps.  On va voir s’il se souvient encore de "Rain and Tears" ou de "Bridge over troubled water" … ». En fait, il ne se souvenait plus de rien, sauf de la vie industrieuse qui, pendant quelques temps, avait mené dans ses cavités une colonie de souris.  

jeudi 9 janvier 2020

Amusons-nous (la Muse et la Muselière)





La formule  « Tu es ma Muse » est discriminatoire.  Elle laisse entendre que la créativité est masculine. Elle implique aussi l’idée qu’il y a des gens inspirés (les poètes, par exemple), et d’autres qui ne le sont pas. Toujours est-il que certaines personnes fonctionnent pour nous  comme des Muses. Elles portent sur nos propos un regard bienveillant nous donnant l’illusion d’avoir quelque chose à dire. D’autres ont du mal à nous écouter et nous ramènent  aussitôt à notre banalité : « Ça on le savait déjà … », « C’est excessif  … », « C’est juste ton point de vue …». Face à ce manque d'empathie, on a envie de la fermer. Ce ne sont pas nos Muses, ces personnes-là, ce sont  nos Muselières.

mardi 7 janvier 2020

Trop d’intellos (et pas assez de McDo). Bombardons le Louvre





Après l'abbaye de Montecassino, le Louvre

C’est hallucinant. Pour faire peur aux Iraniens Donald Trump  menace d’anéantir des sites « de très haut niveau et très importants pour la culture iranienne ». L’idée que ces sites puissent être importants non seulement pour les Iraniens mais pour l’ensemble de l’humanité (y compris pour les Américains) dépasse  l'entendement de cet ancien homme d'affaires et animateur télé*.
On a beaucoup épilogué autour de l’étroitesse d’esprit des Talibans se permettant de détruire (au nom de leurs connaissances précises sur les intentions de Dieu) les célèbres  Bouddhas de Bâmiyân classés patrimoine mondial de l'UNESCO.  Et voilà Trump qui se met en compétition. 

* Plein  de grandes qualités, par ailleurs, sinon pourquoi aurait-on voté pour lui?

dimanche 5 janvier 2020

Le premier écologiste de France





Le premier écologiste d'Italie


Quel crédit faut-il donner à la formule : « Les chasseurs sont les premiers écologistes de France » ? D’un côté, si l’on pense à multitude de tireurs génériques qui se réunissent le dimanche pour mettre  à mort des sangliers des décharges  (nouvelle variété qui prolifère dans l’espace périurbain »ou des faisans engourdis  par la sur-domestication, on aurait envie de répondre à la question par un large sourire. Les vrais connaisseurs du comportement animal, de la météorologie, des écosystèmes … les vrais ornithologues, les vrais éthologues, éventuellement, sont les piégeurs, les oiseleurs et autres braconniers détestés par le « vrai chasseur »  (qui se réclamait plutôt, jusqu’à la semaine passée ou presque, de la figure du « sportman »).  D’un autre côté, cependant, on ne peut que reconnaître l’efficacité des mesures prises par les chasseurs à partir des années 1960, ayant permis le retour et la multiplication  de nombreuses espèces (et ce ne sont pas les cerfs ou les chevreuils qui diront le contraire). Le chasseur, si on veut prendre au sérieux cette généralisation, est ambivalent : d’un côté il aime protéger, de l’autre il aime tuer. Cette duplicité fait  penser, avec tout le respect, à ces chiens des maisons pavillonnaires  qui aboient très fort d’un air menaçant tout en remuant leur queue en signe de joie.

Dans son article « Gestion de la chasse et gestion des chasseurs » Andrea Zuppi* souligne très bien cette ambivalence telle qu’il a pu l’observer pendant son enquête dans les Pyrénées françaises. J’ai beaucoup aimé le passage où, en suggérant l'existence d'autres mobiles, il écrit « Quand un animal est abattu, aucun chasseur ne se félicite avec son collègue en lui disant : “Bien joué, mon vieux, c’est un joli coup pour la gestion du biotope».

* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître).

vendredi 3 janvier 2020

Le charme anthropophage de la chasse à courre






Bernard Boutet de Monvel (1935) Diane et Actéon
La chasse à courre c’est théâtral. Et ça se filme très bien. Lorsqu’on veut rappeler aux gens que la chasse est culture et tradition, on parle de la chasse à courre.  On peut dire plein de choses sérieuses sur cette chasse « qui ne prévoit même pas la consommation de la proie tellement  elle est sportive et désintéressée ». Moi je dirai une chose pas sérieuse du tout, apte à offusquer les veneurs les plus ouverts et sereins. Dans mes recherches, j’ai évoqué à plusieurs reprises la facilité avec laquelle le chasseur anthropomorphise sa proie*.  Or, quoi de plus anthropomorphe que la grand gibier ? Un des plaisirs de la chasse à courre est de poursuivre et de mettre à mort un « presqu’humain ». Mais manger du presqu’humain ce serait du « presque cannibalisme ». Mieux vaut alors donner le tout aux chiens.

J’y songeais l’autre jour en lisant ce  passage de Cindy Cadoret dans l’article « La chasse et la pêche comme rites initiatiques dans la mythologie irlandaise »**. On y découvre qu’aux temps des origines évoqués par les mythes irlandais et christianisés par des moines entre le VIIIéme et le XIIème siècle, le fait d’avoir un ancêtre animal est ce qu’il y a de plus courant :

« Le Cycle de Leinster est aussi dit Cycle Ossianique du nom d’Oisín qui en est souvent le conteur. Le personnage présente une affinité particulière avec les cervidés. Le récit de sa naissance l’explique. Lors d’une chasse sur les collines d’Allen, les Fíanna traquent une biche. Bran et Sgéolan se lancent à sa poursuite. Les deux chiens, due à la nature humaine de leur mère (…) ont un pouvoir particulier : ils sont capables de différencier un homme métamorphosé d’un véritable animal. Sans blesser la biche ils s’adonnent plutôt à des jeux autour d’elle. Devant ce fait, Finn ordonne que la biche ne soit pas abattue. Et pour cause, l’animal recouvre sa forme humaine. Il s’agit d’une jeune femme, qui lui explique qu’elle fut transformée ainsi par un sorcier qu’elle a refusé d’épouser (…). Sensible à ses charmes, Finn en fait son épouse. Leur enfant sera nommé Oisín, « petit cerf ». « Il sera non seulement excellent chasseur, mais est aussi identifié à l’animal lui-même de par la malédiction de sa mère ».



*Cf. par exemple : "Sur qui tire le chasseur ? Jouissances dans les bois",  Terrain n. 67, pp. 168-185

** De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques » 2020 (à paraître).