lundi 30 décembre 2019

Du bien-être des mouches (et de leur suppression éthique)



 
J'ai emprunté cette image au site : https://antimouche.fr/comment-fabriquer-un-ruban-anti-mouche-naturel-maison/
Il est de bon ton, dans l’anthropologie classique, de présenter les chasseurs-cueilleurs comme de grands amis du gibier et les éleveurs comme de grands amis du bétail (je caricature à peine). Il arrive cependant que l’ethnographe laïque et désenchanté soit obligé de reconnaître, ici et là,  l’existence de comportements « moins catholiques ». Les paysans mongols  décrits par Typhaine Cann dans son article « Pour en finir avec les mouches »*par exemple,  montrent vis à vis de leurs  animaux de rente une « indifférence étonnante compte tenu de la proximité, comme s’il fallait se garder de regarder les bêtes autrement que de la viande sur pattes (ce qu’elles deviennent effectivement chaque fois que le congélateur commence à se vider) ». Ceci mène l’ethnologue à se questionner, plus généralement,  sur le statut ontologique des espèces gênantes et marginales  :  
« Comment concilier cette attitude avec la théorie bouddhiste de la réincarnation ? Et est-ce que cela vaut aussi pour les mouches ? »
* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître).

dimanche 29 décembre 2019

Des vautours qui se prennent pour des aigles (un cas d'hybris chez les nécrophages)




Le cas  du vautour fauve nous offre un bel exemple de changement de statut. C’en est fini de la mauvaise réputation qui pesait sur cet oiseau nécrophage, strictement charognard, rangé dans la catégorie  des tireurs-fouilleurs. Loin d’être apparenté à un nuisible,  il aide désormais les éleveurs en leur offrant ses services d’équarrisseur écologique   :  « Par l’acte volontaire de dépose sur une placette (officielle ou non) – écrit Sophie Bobbé dans son article “ Le sauvage dans tous ses états” - loin d’être un simple nourrisseur, l’éleveur reconnaît  l’utilité du nécrophage alors considéré non seulement comme un commensal, mais surtout comme un auxiliaire. Il intègre le vautour à son système pastoral, au même titre que le chien de protection ou le chien de conduite ».

Le statut de vautour fauve change tellement vite qu’on n’a pas le temps de s’habituer. Il semblerait en fait que, lorsqu’il ne trouve rien à manger, l’équarrisseur écologique accélère le processus de « cadavérisation » de son aliment (un veau, par exemple, un cheval …), en l’attaquant lorsqu’il est encore vivant.  De charognard qu’il était, il devient ainsi carnassier.


* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître).

vendredi 27 décembre 2019

La reconnaissance du sexe du soigneur chez les grands primates


Colantanio (moitié du XVe siècle). Saint Jérôme patron (virtuel) des soigneurs d'animaux


En lisant l’article de Bastien Picard « Savoir interagir : ethnographie des relations entre soigneurs et animaux de zoo »*  je suis ébloui par la quantité de compétences requises pour s’occuper des bêtes en captivité. Il faut développer des savoirs comportementaux et sociaux et des savoirs techniques. Il faut savoir reconnaître, établir des bonnes relations et prendre soin. Il faut être capable de ne pas confondre ses valeurs, en matière par exemple de genre, ou d’égalité sociale, avec les dispositions affectives et psychologiques des bêtes « soignées » : « Savoir nourrir un groupe de gorilles dépend d’un savoir social : sa structure en harem oblige à servir le mâle en premier afin d’éviter les agressions ». « La reconnaissance individuelle passe aussi par la reconnaissance du sexe du soigneur, ce qui aura un impact sur les interactions. Chez les primates, le fait d’être un homme (sur un plan visuel ou olfactif) pourra augmenter l’agressivité de certains mâles et provoquer l’intérêt de certaines femelles. De même, être une femme pourra déclencher la “colère“, disent les soigneurs, de certaines femelles ».

Certes que ces non-humains … Sous prétexte que « c’est naturel » ils se permettent des conduites sexistes, antidémocratiques, possessives, discriminatoires. Le temps est venu de les éduquer.

* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître).

mercredi 25 décembre 2019

Le lynchage médiatique de J.K. Rowling (mais pour la bonne cause)


J.K Rowling décevant ses lecteurs par des propos inappropriés

«Habillez-vous comme vous voulez. Appelez-vous comme vous voulez. Couchez avec n'importe quel adulte consentant qui vous plaira. Vivez votre meilleure vie dans la paix et la sécurité. Mais forcer les femmes à quitter leur travail pour avoir déclaré que le sexe est réel?».
Dans cette déclaration  de J.K. Rowling, manifestement, il n’y a aucune remise en cause des  droits des transgenders (ce qui serait  en contradiction, d’ailleurs,  avec ses prises de position habituelles). Il y a juste de  l’indignation face à l’idée que l’on puisse sanctionner quelqu’un pour avoir exprimé une opinion "essentialiste", certes, mais extrêmement courante.  Ce qui motive la  réaction de la célèbre romancière est ce manque de tolérance rappelant d’autres régimes et à d’autres époques. La manière aveugle et sectaire avec laquelle les propos de J.K. Rowling ont été repris me fait peur. La formule voltairienne (apocryphe, paraît-il) : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » est devenue  :  « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites - espèce de réactionnaire borné - et je ferai de mon mieux pour vous empêcher de parler »*.

* Réactionnaire est parfois celui qui le dit.

lundi 23 décembre 2019

Mangeons sain et à bon marché (pour un Noël éco-responsable)

 

Enluminure extraite d’Histoire d'Olivier de Castille et d'Artus d'Algarbe, folio 181v

Tous les ans, en France, les collisions avec du gibier se comptent par  dizaines de milliers. Le citoyen éco-responsable ne peut que regretter cet énorme gaspillage de protéines nobles. Heureusement il y a un remède.  Dans le site de l’Office national de la biodiversité je viens  de lire :
« Que faire d’un animal sauvage trouvé mort ou blessé dans la nature ? (…) Dans le cas d’une espèce chassable, s’il s’agit d’un grand gibier, l’automobiliste l’ayant percuté et désirant le transporter pour sa consommation personnelle, doit impérativement prévenir les services de la gendarmerie ou de la police nationale ».
Ayant obtempéré aux  consignes de l’État, une fois rentré à la maison avec, par exemple, un marcassin, il pourra l’accommoder à la manière suivante **: 

 

** Marcel Butler, La bonne cuisine pour tous, ou l’art de bien vivre à bon marché, Paris, Hachette, 1867, p. 110

samedi 21 décembre 2019

Le chien de chasse : un collabo ?





Christophe Baticle définit   la hutte et les palombières comme des  « dispositifs qui utilisent des animaux partenaires involontaires, mais essentiels pour rapprocher le ciel des fusils ». Dans son article « Jouer avec l’animal, penser à partir des dispositifs spatio-temporels des chasses aux migrateurs »*, il souligne la complicité du binôme chasseur/appelant et la complexité d’un jeu qui, pour être compris, demande que l’on prenne en compte les intentions des oiseaux, leurs initiatives, leur « agentivité ».

Je trouve le terme « involontaire » très approprié : l’oiseau, spontanément, ne resterait pas-là.

Pour les chiens de chasse c’est différent. Ça peut paraître abject, mais on dirait qu’ils sont contents. 

* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître)

jeudi 19 décembre 2019

Chasses héroïques (la chasse aux canards et ses dangers)



 
Chasse à la canardière sur un plan d'eau italien

Si le statut des animaux sauvages a changé  - de simples ressources (ou de « nuisibles ») ils sont devenus des  « non humains » - il n'empêche que même autrefois, pour les tuer,  il fallait donner des explications. Pendant longtemps, deux stratégies discursives ont permis  de justifier la mise à mort "gratuite" du gibier :  la rhétorique amoureuse (la chasse/passion, la proie comme objet de désir) et la rhétorique militaire (la chasse comme duel  entre nobles rivaux)*. L’article de Fanny Pacreau  « Le lac de Grand-Lieu et ses oiseaux d’eau (Loire-Atlantique)»** nous offre deux beaux exemples d'héroïsation de la chasse au gibier d'eau.
Chez le baron Félix Platel qui dans les années 1880 décrit ses chasses à Grand-Lieu dans les pages du Figaro, la stratégie de légitimation  consiste à magnifier la proie : « Au moment ultime, où il saisit sa proie par le cou, l’oiseau devient colossal ». L’autre expédient, tout aussi classique, revient à emphatiser les dangers encourus « “Cette chasse où les bateaux vont l’un sur l’autre est assurément dangereuse ”».
On pourrait paraphraser ce propos par la formule : « Cette fois c’est le canard qui est mort,  mais ça aurait bien pu être moi ».

 * Je developpe ce thème, par exemple, dans L’utopie de la nature. Chasseurs, écologistes, touristes, Paris, Imago, 1996. Cf aussi : « Sur qui tire le chasseur ? Jouissances dans les bois »,  Terrain n. 67, pp. 168-185.
** De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques » 2020 (à paraître).

mardi 17 décembre 2019

La quête de plénitude chez les sangliers


Sanglier regagnant le territoire  du vide chez Gaston Fébus


Une fois reconnu à l’animal son statut d’interlocuteur, il faut bien lui octroyer un territoire. Ce droit, les sangliers, le revendiquent haut et fort.


Mon hypothèse – écrit Pierre-Yves Péchoux  dans son article « Sangliers et chasseurs en Corbières “d'en haut”, Aude »* – est que l’enjeu de la chasse est d’ordre territorial, expression d’un conflit qui porte sur l’ajustement de deux espaces et sur l’interprétation de leurs oppositions topologiques : l’un tenu pour plein, celui de la vigne et de ses travailleurs, l’autre imaginé comme vide : celui de la végétation spontanée et de la faune des animaux sauvages, dont c’est une partie du domaine ». D’un côté la forêt qui tend à reprendre ses droits, de l’autre la vigne. D’un côté les humains, de l’autre la communauté des sangliers qui « transgressent de plus en plus les limites de leur espace forestier ». 


* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques »
2020 (à paraître).

dimanche 15 décembre 2019

Phénoménologie de la vache. Syncrétisme et acculturation




Disons-le clairement : la vache archétypale n’existe pas*. Il n’y a que des vaches localisées, à géométrie variable, dont le statut change en fonction du contexte.

Dans son article : « Le couple boeuf-cheval et les impérialismes américains, ou l’origine de la plus-value du capitalisme financier »** Frédéric Saumade s’attarde sur les implications idéologiques et économiques des transferts d’animaux d’un continent à l’autre. Une fois introduits en Amérique et s’adaptant au nouveau contexte environnemental, les bovins européens ont été soumis à deux formes d’exploitation presque antithétiques : « (…) Le modèle fermier anglo-normand [qui] est indissociable de la morale puritaine du travail productif et de l’éthique de sensibilité à l’égard des animaux domestiques (…), et le modèle américain du ranching, issu de la conjonction de l’élevage extensif ibérique, de la culture cynégétique-guerrière des Indiens, [et] de l’esprit de conquête économique des Anglo-Américains, [qui ] se situe sur la frontière de la domesticité et du sauvage ».

La protection d’un côté, la semi-liberté de l’autre (les deux chèrement payées à la fin). Si j’étais une vache j’aurais du mal à choisir.
Enfin non. Tout compte fait, je choisirais l'Amérique et les Cow-boys. En errant allègrement entre la Louisiane et l'Alabama j'écouterais Oh, Susanna dans la version de James Taylor.

* Sauf chez les Peuls, nous en avons déjà parlé.
** De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale. Paris, (Sergio Dalla Bernardina éd.) éditions du CTHS en ligne, 2020 (à paraître).

vendredi 13 décembre 2019

Trophées sur pattes


 
 Deux trophées sur pattes au zoo de Vincennes

Une des principales questions  qui émergent de la lecture de la publication collective De la bête au non-humain*, dont j'anticipe ici quelques éléments,    est la suivante :  à partir de quel moment les animaux  quittent leur statut d’objets, de comparses, de grégaires, pour devenir des interlocuteurs ?*

Dans son article :  « L’empire des bêtes. Zoos coloniaux et circulations d’animaux entre la France et l’Afrique (1930-1960) » Julien Bondaz croise l’anthropologie et l’histoire en nous parlant d’un temps où chasser les animaux était un geste politique. Les montrer aussi avait une portée politique. La mise en exposition des animaux sauvages à l’époque coloniale remplissait plusieurs fonctions. Dans la métropole, nourrie en bêtes exotiques par les explorateurs, les diplomates, les colons,  les missionnaires et les scientifiques elle « donnait à voir au public occidental un résumé du continent africain ».  Ces différentes sources d’approvisionnement fonctionnaient comme « (…) autant d’entreprises de requalification des animaux sauvages en marchandises, en “trophées vivants” ou en spécimens scientifiques, et, au final, en animaux de zoo».



* De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale. Paris, (Sergio Dalla Bernardina éd.) éditions du CTHS en ligne, 2020 (à paraître).

** Une des possibles réponses étant : « Ils ne sont pas devenus des interlocuteurs, ils l'ont toujours été … ». L'autre, plus perfide:  " Nous faisons juste semblant qu'ils soient devenus des interlocuteurs, mais ils restent foncièrement des assistés, des subalternes, des instruments ...".


jeudi 12 décembre 2019

De la bête au non-humain


Troupeau de cochons en Corse

 
Collectif de non-humains dans l'Île de Beauté  

Juste après les vacances de Noël le  CTHS (Comité des Travaux Historiques et Scientifiques) publiera en ligne le volume De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale. Cela reprend un certain nombre de communications  qui ont été présentées dans le cadre du  congrès de Rouen de 2016 consacré à  L’Animal et l’Homme.  Pour en donner un avant-gout je citerai dans les prochains billets quelques passages ayant retenu mon attention dans la lecture du manuscrit.

Je commencerai par quelques lignes  de mon introduction évoquant le contexte :

« Il fut un temps où les rôles étaient plus clairs. Les sciences humaines s’occupaient des humains, les sciences naturelles s’occupaient des autres espèces. Même les anthropologues, les historiens, les sociologues s’intéressaient aux animaux, certes. Aurait-on pu étudier la mythologie et le folklore, les sociétés de chasseurs-cueilleurs, le pastoralisme, sans rendre compte de la centralité occupée par les « non-humains » dans ces univers? Mais le rôle qui incombait à ces « proches de l’homme » était secondaire, instrumental : animaux/ressource, animaux/outil de travail, animaux/support métaphorique, … les animaux, au mieux, comme ancêtres mythiques, comme figures projectives ou comme interlocuteurs fictifs ».

mardi 10 décembre 2019

Folklore et propagande




Lorsque je songe à l’antisémitisme, instinctivement,  je l’associe aux Walkyries,  aux sagas germaniques, aux croix gammées. C’est pourquoi, j’ai du mal à comprendre que dans des villes comme Vérone – ce qu’il y a de plus latin et de plus chrétien - les antisémites ne manquent pas.  J’ai trouvé quelques éléments de réponse dans le recueil de Joan Amades que je mentionnais l’autre jour* :

« Pourquoi c’est un péché de tuer les moineaux » :

« Dès que Judas eut vendu Jésus, le moineau courut au jardin des Oliviers pour le prévenir qu’il était en danger et devait essayer de se sauver. Il n’arrêta pas de voler autour de lui et de dire « Jueus, jueus, jueus ! (Les juifs, les juifs, les juifs !).  Cette bonne action lui valut d’être béni par Jésus, et c’est pourquoi on pêche si on tue un moineau » (p. 146).

Dans ces récits folkloriques  la stigmatisation des juifs   est fréquente. Mais cela touche aussi d’autres minorités :

« Comment un gitan fut changé en coucou » :

« Une troupe de gitans vint adorer l’enfant Jésus, et l’un d’eux profita d’un moment de distraction pour mettre dans sa poche l’or que les rois avaient apporté en offrande. Marie le maudit et le changea en coucou. Aujourd’hui il a tous les traits des gitans et il n'a pas de queue, comme les gens de cette race. Tout comme les gitans, qui restent à l’écart des gens, il vit loin des autres oiseaux. (…). (p. 84) ».
Je m'imagine les responsables de l’orthodoxie chrétienne  en train de concevoir  et diffuser ces blagues ethniques aux conséquences catastrophiques.

*(Joan Amades, L'origine des bêtes, Petite cosmogonie catalane. Traduit et préfacé  par Marlène Albert-Llorca.  Carcassonne, GARAE/HESIODE, 1988, p. 272-272).

dimanche 8 décembre 2019

Le serpent, le lézard et l’amour fraternel




Voici la réponse à une question que je me posais depuis longtemps.


Pourquoi le serpent n’a pas de pattes ?


"Le lézard et le serpent sont frères. Le lézard est un brave garçon et il a un cœur d’or, alors que le serpent est méchant, traitre et hypocrite. Pour pouvoir marcher sans faire du bruit et se déplacer partout sans être vu ni entendu, le serpent se coupa les pattes. Avant qu’il ne le fasse, son frère le lézard lui avait recommandé avec insistance de ne pas réaliser son projet, et l’avait prévenu qu’il le haïrait et ne le considérerait plus comme son frère s’il le faisait. Mais la méchanceté fut plus forte que l’amour fraternel. Le serpent n’écouta pas le conseil de son frère : depuis ils sont fâchés et ne peuvent plus se voir"*.

(Joan Amades, L'origine des bêtes, Petite cosmogonie catalane. Traduit et préfacé  par Marlène Albert-Llorca.  Carcassonne, GARAE/HESIODE, 1988, p. 272-272).

* Dans une version recueillie par l'Abbé Migne en  1863 le serpent se coupe les pattes pour faire, ce sont ses mots,  du "chantage masochiste" : ("Je n'ai plus de pattes, soyez compatissants "). Une version plus récente, citée à plusieurs reprises par Paul Sébillot, dit que s'il s'est coupé les pattes c'est pour incriminer le lézard dont il était jaloux : " Regardez ce qu'il m'a fait ...").

vendredi 6 décembre 2019

C'est la Saint Nicolas


 

Saint Nicolas avec trois enfants

J’allais oublier. Aujourd’hui c’est la Saint Nicolas. C’était important pour nous, dans les Alpes du Nord-Est,  de fêter Saint Nicolas. Et ça nous paraissait absurde qu’à Vérone,  à sa place, on puisse fêter  Sainte Lucie. Bande d’idolâtres !


Il était trois petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs.

S'en vont au soir chez un boucher.
«
Boucher, voudrais-tu nous loger?
Entrez, entrez, petits enfants,
Il y a de la place assurément.»

Ils n'étaient pas sitôt entrés,
Que le boucher les a tués,
Les a coupés en petits morceaux,
Mis au saloir comme pourceaux.

Saint Nicolas au bout d'sept ans,
Saint Nicolas vint dans ce champ.
Il s'en alla chez le boucher
:
«
Boucher, voudrais-tu me loger?»

«
Entrez, entrez, saint Nicolas,
Il y a d'la place, il n'en manque pas.
»
Il n'était pas sitôt entré,
Qu'il a demandé à souper.

«
Voulez-vous un morceau d'jambon?
Je n'en veux pas, il n'est pas bon.
Voulez vous un morceau de veau
?
Je n'en veux pas, il n'est pas beau
!

Du p'tit salé je veux avoir,
Qu'il y a sept ans qu'est dans l'saloir.
Quand le boucher entendit cela,
Hors de sa porte il s'enfuya.

«
Boucher, boucher, ne t'enfuis pas,
Repens-toi, Dieu te pardonn'ra.
»
Saint Nicolas posa trois doigts.
Dessus le bord de ce saloir
:

Le premier dit: «
J'ai bien dormi!»
Le second dit: «
Et moi aussi!»
Et le troisième répondit
:
«
Je croyais être en paradis!»


Ces bouchers, quand même, cela  commence à bien faire.

mercredi 4 décembre 2019

Des fausses idées circulent autour de certains chiens





 Aristochien de Thierry Poncelet


« Le chien mord  toujours les misérables», dit un  proverbe italien.

Mais quel chien ?  Et quels misérables? Et  à quel titre ? Cela me paraît tout aussi injuste et discriminatoire que le proverbe  :  «  Le misérable  mord toujours le chien » que je viens d'inventer à l'instant.

Cela dit,  dans ma vie je crois bien avoir croisé deux ou trois chiens qui se comportaient comme dans le proverbe. Mais on peut les considérer comme des cas isolés*.

*Et de toute façon, il ne faut pas colporter ces proverbes qui ne font que renforcer le cliché.

lundi 2 décembre 2019

Melentendus équestres





A caval donato non si guarda in bocca, dit-on en Italie. Le fait est que Donato, en italien, n'est pas seulement un adjectif mais aussi un prénom. C’est ainsi que pendant longtemps j’ai imaginé l’existence d’un cheval légendaire, portant le nom de Donato,  dans la bouche duquel, allez savoir pourquoi,  il ne fallait pas regarder.  J’ai compris mon erreur en découvrant  le proverbe  français : « A cheval donné on ne regarde pas les dents".

samedi 30 novembre 2019

La farce des dindons


 

« Tiens – m’étais-je dit - Karen Knorr a fait une nouvelle installation au Musée de la Chasse et de la nature ». J’ai tout de suite compris que ce n’était pas le cas. Il s’agissait des deux dindons graciés cette année par Donald Trump à l’occasion du Thanks Giving et hébergés pendant une nuit dans un hôtel de luxe.
C’est trop facile et pas marrant à la fois, mais j’ai pensé aux 25 condamnés exécutés dans les prisons américaines en 2018*.
*Question annexe : puis-je être simultanément favorable à la consommation de dindons et hostile à la peine de mort ? Ma réponse est oui (on y reviendra).

jeudi 28 novembre 2019

"Gardez moi de mes amis"

 

Voici une invitation au séminaire de lundi prochain

Séminaire EHESS-IIAC-LACI

De l’humain animalisé au vivant humanisé

Séance du 2 décembre de 15h à 17h (salle 2, 105 bd Raspail 75006 Paris)

Sergio Dalla Bernardina  (IIAC-LACI EHESS)

"Gardez moi de mes amis" (l’amitié/homme animal, ses aspects émouvants,  ses implications opportunistes).


Depuis qu’on a compris à quel point les (autres) animaux sont proches de nous, l’anthropologie n’est plus la même. On raisonne en termes de collectifs, on s’adresse aux autres espèces comme à de véritables interlocuteurs, on s’excuse auprès des paysans et des « primitifs » de ne pas avoir compris, lorsqu’ils prêtaient aux bêtes des sentiments, des intentions, une conscience,  qu’ils avaient raison.  Attendris par cette découverte – voici  une bonne nouvelle dans la morosité ambiante -  les spécialistes des sciences humaines  multiplient les événements pour célébrer la « nouvelle entente », le « nouveau contrat ». Puisque la question animale est devenue un enjeu et, par là, un territoire à conquérir et à défendre, ils se disputent aussi  autour des méthodes et des postures légitimes (« Touche pas à mes animaux  … » « C’est moi qui les ai vus le premier »). On abordera la question suivante : est-ce que, au sein de tant d’enthousiasme, il y a encore une place pour  le regard éloigné? Peut-on rester ironique? Peut-on, sans devenir inaudible, sans se faire expulser de la chorale, mettre l’accent sur les aspects mesquins et instrumentaux de l’amitié homme/animal ?

mardi 26 novembre 2019

Délit de facies



 

Je reconnais qu’il n’est pas sérieux de se référer à Gustave Le Bon, père de la psychologie sociale, à qui l’on doit toute une série de propos réactionnaires et racistes. J’aime bien cependant son  idée que les individus, quand ils se mettent ensemble pour former une foule, sont moins futés que lorsqu’ils  agissent séparément. Mais là aussi il faut nuancer. Parfois les gens se réunissent avec un esprit de lyncheurs. Et c’est un lynchage médiatique qu’ont subi l’autre jour les chiens courants qui se trouvaient dans la forêt de Retz, pas très loin du ravin où gisait le corps inanimé d’une jeune promeneuse*. Parfois, en revanche, ils se réunissent pour la bonne cause. C’est le cas  des   30.000 signataires de la pétition qui circule dans le net pour libérer Curtis,  le Staffordshire de la promeneuse, injustement retenu à la fourrière en raison des préjugés qui traînent autour de cette race canine. Pour l’instant, à vrai dire,  on ne sait pas grand chose sur l’identité des responsables. Mais a priori, par rapport à la position des lyncheurs, je préfère celle des « innocentistes ».
Pourvu  que ce ne soient  pas les mêmes.   

* Voir les billets précédents.