jeudi 28 juin 2018

Un sale bête, l'envie (neuvième épisode)




"C’est comme si un mécène te finançait généreusement"

Un jour de déprime, alors que le griffon lui rappelait encore une  fois ses droits, il n’en put plus et lui livra sa pensée : «  Ecoute, tu revendiques tes droits mais tu as aussi quelques devoirs. Tu promets, tu promets et tu ne ramènes jamais rien.  La chasse est un art, d’accord. Mais c’est comme si un mécène te finançait généreusement sans pouvoir se réjouir du moindre résultat. Tu te donnes un ton de grand chasseur mais on n'a jamais vu l'ombre, que sais-je ... d'un petit lapin, d'une caille, d'un hérisson ... même pas d'une taupe  ». Le griffon blanc, à ces paroles, devint tout rouge. « Comment oses-tu dire ça ? » ulula-t-il. « Ça, tu le payera pour le reste de ta vie ». « Mais écoute, je n’ai fait que dire la vérité, juste pour rappeler le cadre de tes revendications». « Et comment oses-tu dire la vérité ? On ne dit jamais la vérité aux gens ! Tu es mon assassin ! ». Le griffon blanc avait finalement trouvé un prétexte pour justifier son hostilité. 

mardi 26 juin 2018

Mon chien est plus triste que le tien


Chien corse d'une tristesse modérée (avec son propriétaire).

Ça alors,  j'étais sûr que "le chien le plus triste du monde" était Madame Eyebrows un bulldog anglais starisé par Istagram (cf. par exemple The Sun du 7 avril), alors que  c’est Brando,   un molossoïde corse résidant dans les Pouilles et transféré tout récemment en Toscane (La Repubblica du 4 mai).


Je suis triste pour la propriétaire de Madame Eyebrows qui a perdu son titre.   

dimanche 24 juin 2018

Une sale bête : l'envie (huitième épisode).



Clocher qui énervait le chien qui énervait le voisin.

Il faut dire que le braque n’avait pas eu que de la chance dans sa vie. Il arpentait les collines avec grâce et zèle, c’est vrai, mais en boitant un peu : quelques années auparavant il avait été renversé par une voiture et la rééducation de la patte n’avait pas trop bien marché. Et après il y  avait cette histoire du voisin qui voulait le pendre parce le dimanche, dérangé par le bruit, il aboyait contre le clocher. Il cherchait à éloigner ces pensées sombres en se concentrant sur les chasses à venir :  " On pourrait commencer par le bas et obliger les perdreaux à remonter ... il faudrait  visiter ce vallon qui sent la menthe. Si j'étais un lièvre, c'est bien là que je me cacherais ". Mais la trêve était courte : la vie intérieure du braque,  désormais, était hantée par les yeux jaunâtres du griffon qui projetait sa rancune jusque dans ses rêves.

vendredi 22 juin 2018

Le poulpe et moi



Ce qui restait du poulpe après l'avoir mangé

"Cela pèse combien votre poulpe? Mois je dirais six cent grammes".  Coup de chance, c'était exactement ça. On aurait pu croire que je m'y connaissais. Je l'ai cuit à feu très bas et je l'ai mangé à  moi tout seul en écoutant la radio. À la fin  je me suis dit : "Un poulpe, quand même, ce n'est pas un poulet". Ça n'avait pas beaucoup de sens,  mais ça sonnait bien.

mercredi 20 juin 2018

Une sale bête : l'envie (septième épisode)



Une fois rentré dans le jardin, le braque aurait eu tendance à éponger les mesquineries  de son copain : « Allons, la vie est courte, le jardin est accueillant et dans le vaste monde il y a des belles collines partout ». Mais le griffon ne l’entendait pas ainsi : « Comment, oses-tu être heureux, se disait-il, alors que tu es à l’origine de mon chagrin ? C’est honteux.  Je suis indigné ».
C’est toujours pratique d’être indigné, lorsqu’on a quelque chose à se faire pardonner. L’important c’est de le rester. Une fois l’indignation disparue, en fait, on se retrouve tout seul face à  ses responsabilités.

Profitant de l’indignation, le griffon décida qu’il avait droit à vingt pour cent de nourriture en plus par rapport à son camarade. « Mais ne partage-t-on pas équitablement ? lui demandait le braque. « Eh bien non, mon cher, parce que moi j’ai souffert ! Et il faut que ça se sache ». Lorsqu’il croisait d’autres chiens il en profitait pour leur dire : « vous voyez ce braque qui gigote là-bas, qui fait son intéressant … oui, cet exhibitionniste là-bas … eh bien, c’est mon tortionnaire ». Alors le braque approchait pour apporter quelques précisions : « Son  tortionnaire? Vous ne pouvez pas imaginer ... ».  Sa voix était couverte par celle du griffon qui criait : « Ne l'écoutez pas, c'est un manipulateur! ».

lundi 18 juin 2018

Des chats et des squats





Sorte de "Notre-Dame-des-Landes" pour chats tout près d'un centre commercial en Italie du Nord-Est.

samedi 16 juin 2018

Une sale bête : l'envie (sixième épisode)




Le griffon assiste à la scène rongé par la jalousie

De temps en temps - c’était bien le but  -  un oiseau s’envolait. Monsieur Olivier le tuait et allait se féliciter avec le braque. Le griffon suivait la scène de loin, rongé par la jalousie. Pour boycotter ces événements insupportables il avait recours à deux techniques. L’une, violente, consistait à lui mordiller l’oreille (celle du braque) en l’obligeant à ne pas quitter le chemin. Parfois, caché par les buissons, il tirait même le coureur par une patte.  L’autre technique, que les psychologues qualifient de "chantage masochiste", consistait à s’enfuir : « Vous vous félicitez ? Et moi alors? Si c’est comme ça, je vais me faire écraser par un camion ... ». Face à cette éventualité, Monsieur Olivier était obligé d’enfermer le braque dans la voiture pour aller  récupérer le suicidaire. En le ramenant il lui demandait : «Mais pourquoi te comportes-tu comme ça ?». Dans le regard triste du chien on lisait  la réponse » : « J’ai eu une enfance terrible ».  Ce n'était même  pas vrai.

jeudi 14 juin 2018

Des loups et des cyclistes


Dessein de Dino Buzzati extrait de l'ouvrage I miracoli di Val Morel 

Les  « Miracles de Val Morel »  est une collection d’ex-voto, conçus et  dessinés par Dino Buzzati,  décrivant  des sauvetages miraculeux qui auraient eu lieu dans un coin perdu des Préalpes de Vénétie. C’est précisément dans le Val Morel que le 31 mai dernier Monsieur Mirko Vedana a été poursuivi par deux loups. La route, heureusement, était en pente, et Monsieur Vedana, qui est un cycliste chevronné, a pu s’en sortir. Il venait de passer tout près d’une chapelle. Une intervention surnaturelle n’est donc pas à exclure. En tout cas, cela mérite bien  un ex-voto. 

J’en profite pour rappeler aux amis des loups que l’irréparable approche. A quand la première victime ? 



mardi 12 juin 2018

Une sale bête : l'envie (cinquième épisode)


La colline où Monsieur Olivier avançait

Mais la dure réalité refaisait surface en période de chasse. Monsieur Olivier avançait sans hâte sur le chemin qui traversait la colline. Le braque montait et redescendait la pente comme un yoyo. Le griffon, stressé par la multiplicité des options possibles, faisait juste semblant de chasser. Il restait derrière son maître en se demandant s’il aurait été plus sage de chercher le gibier du côté de l’ombre ou du côté du soleil, dans les bois ou dans les prés. « Avant de commencer, pensait-il judicieusement, il faudra que je me documente». Le braque, motivé par la passion et par le sens de la dignité, se décarcassait. Le griffon, exaspéré, trouvait qu’il en faisait trop : « Quelle ordure ce type … il ne pense qu’à sa carrière ! ».


dimanche 10 juin 2018

Snipers pride dans les Territoires occupés (histoires de lemmings ).



Les scientifiques semblent avoir prouvé que le suicide de  masse des lemmings* n’est qu’une croyance. Les lemmings en fait ne se suicident pas. J’y pensais  l’autre soir en entendant à la radio l’évocation des scènes  terribles filmées en Palestine : des  familles avancent désarmées vers les barbelés israéliens  tout en sachant que les snipers   tirent à balles réelles. Ce n'est pas un suicide de masse **.

* Petits rongeurs des Pays nordiques qui auraient inspiré  l’histoire du joueur de flûte de Hamelin
** Désolé de revenir sur cette histoire atroce, mais on ne peut pas massacrer des innocents et espérer que la semaine suivante tout soit déjà oublié.


vendredi 8 juin 2018

Une sale bête : l'envie (quatrième épisode)


Chien issu d'un très bon chenil

Persécuté par la malchance ou victime d’un complot, toujours est-il que le griffon blanc ne progressait pas. Parfois il regardait Monsieur Olivier d’un air rassurant, comme pour lui dire : « ne t’inquiète pas, je sais ce que je fais, les résultats vont venir ». Monsieur Olivier s’efforçait de le croire (« il est quand même issu d’un très bon chenil », se répétait-il). Le griffon aussi croyait à ces promesses, ce qui lui permettait d’entretenir sa haine (« Pour qui se prend-il, ce mégalomane ? Un jour je lui ferai voir …»     ) et de poursuivre ses rêveries sans rendre des comptes à personne.

mercredi 6 juin 2018

Une sale bête : l'envie (épisode n. 3)



Braque allemand exerçant avec passion son métier et ne comprenant pas la haine du griffon blanc.

L’étape suivante, dans les fantasmes de ce griffon paranoïaque, fut l’élaboration d’une théorie du complot : « Si l’autre réussit, c’est qu’on le privilégie. On le caresse plus que moi, on lui donne à manger plus qu’à moi, on lui parle plus qu’à moi. Et qu’est-ce qu’on lui chuchote à l’oreille, tout doucement pour que je n’entende pas ?  On lui suggère les lieux où on a lâché le gibier, c’est évident. Il suffit de voir l’assurance avec laquelle, ponctuellement,  il se dirige   où moi même je voulais me rendre. Ce chien me copie ! ».

lundi 4 juin 2018

Salvini, les « vrais mâles italiens » et le gibier


J’emprunte cette image à Der Spiegel. Elle représente l’Italie qui se suicide en entraînant avec elle l’Europe toute entière.

L'histoire de chiens jaloux que je suis en train  de raconter s'enrichit de jour en jour et risque de monopoliser ce blog. Je vais donc proposer des intervalles. Voici le premier. 


Ciel, à qui ai-je fini par ressembler ? J’ai honte de moi. De temps en temps, pour polémiquer un peu,  j’aime rappeler le plaisir que j’éprouve  en dégustant  un bon civet de lièvre ou une bécasse rôtie. Je viens de découvrir que Matteo Salvini, le pittoresque démagogue italien dont on entendra parler beaucoup dans les mois à venir, invite les « vrais mâles italiens  à manger de la viande, et notamment du gibier ». Et voici que manger de la viande, et notamment du gibier, devient à mes yeux une pratique obscène.

Peut-on continuer à consommer du gibier sans s’identifier à un « vrai mâle italien » ?

samedi 2 juin 2018

Une sale bête : l'envie (deuxième épisode).



Si je savais dessiner je proposerais un dessin. Pour symboliser l'envie, je me suis vu obligé de colorier ce pauvre chien en vert.

Je viens de découvrir que cette histoire de Monsieur Olivier et de son chien envieux est un peu plus longue que prévu. Elle nous occupera pendant deux semaines.  Je découvre en même temps, avec grande inquiétude, la gravité de la situation politique italienne :  un gouvernement populiste (pas d’Europe, pas d’étrangers, pas de  …) s’est donné comme  ministre de l’Intérieur un individu d’extrême droite (ce n’est pas une blague, on va en voir de toutes les couleurs)*. C’est dire si les pulsions irrationnelles jouent un rôle important dans la détermination de nos choix. Ce qui  nous permet de revenir à notre histoire.

°°°
Il n’était pas stupide, le griffon blanc. C’est, tout simplement, qu’il n’était pas très doué à la chasse. Il aurait fait, qui sait, un bon chien renifleur, un partenaire idéal pour la « pet therapy », même un chien savant peut-être, mais surtout pas un chien d’arrêt. Cependant, puisque les autres par vocation voulaient devenir des chiens d’arrêt, il fallait à tout prix qu’il le devienne aussi.  Dans un premier temps, incapable de reconnaître ses limites, il mit ses échecs sur le compte du hasard: « mon collègue a de la chance, alors que moi … ». Après, selon une logique bien connue par les spécialistes des sociétés traditionnelles,  il se dit que s’il n’avait pas de chance, c’est que toute la chance disponible avait été confisquée par le braque.  Tout en l’admirant (parce que l’on admire ceux qui ont de la chance, même s’ils ne la méritent pas), il commença à le détester. 

(L'histoire continue) 

* Le choix du terme "individu" en dit loin sur le caractère partisan de mon blog. Ce que j'aime beaucoup, dans les blogs, c'est leur caractère partisan.

°°° 


Je profite de cette circonstance politique pour suspendre la traduction de mes textes en italien (c'est ridicule, je sais). Elle recommencera bientôt, à la proclamation  du gouvernement qui suivra.