jeudi 29 octobre 2015

Le paysan réhabilité


 Vaches bretonnes (cliché:Sergio Dalla Bernardina).
 
Les paysans savent depuis toujours que les animaux ont une intériorité, le folklore ne parle que de cela. Ils savent, par exemple,  que la nuit de noël il suffit de rentrer dans une étable pour entendre les bêtes converser (mais mieux vaut ne pas le faire, ce qu'elles se disent est terrifiant). Le discours courant ne fait que confirmer cette évidence : "Bien sûr que les vaches ont une personnalité : Linda, là-bas, qui nous surveille de loin ... elle  est rancunière. Tu lui fais un tort? Elle s'en souvient six mois plus tard et elle se venge. La Noiraude, par contre,  est très maline. Elle a appris à défoncer les clôtures avec ses cornes, qui ne craignent pas l'électricité. Les bêtes ont de la jugeote, ça c'est sûr ".


Oui, les bêtes ont de la jugeote. Le problème est que, plus  on nous le rappelle, plus on a du  mal à les manger.

mardi 27 octobre 2015

Walt Disney réhabilité.



La découverte que les animaux ont un "self", une morale et une capacité à se projeter dans le futur réhabilite, du point de vue des sciences naturelles,  Walt Disney. Autrefois, les spécialistes du monde animal nous invitaient à  ne pas imiter le cartoonist américain : "Les vrais renards ne se comportent pas comme Robin des Bois ... ".   Aujourd'hui  ils continuent de nous mettre en garde (l'univers des autres animaux n'étant pas exactement comme le nôtre),  mais avec moins de conviction : "Certains renards, dans des circonstances particulières, peuvent se comporter comme Robin des Bois...". 

lundi 26 octobre 2015

La réhabilitation de l'animal 2




La recherche sur les facultés psychiques des animaux ne fait que progresser. Aujourd'hui on est prêts à reconnaître qu'ils raisonnent et qu'ils développent, à leur manière,  une "culture". Certains macaques japonais, par exemple,  apprennent à leur progéniture comment laver les pommes de terre avant de les manger (ils transmettent ainsi un savoir faire d'une génération à l'autre). D'autres animaux manient sans problème de centaines de symboles. D'autres encore se séparent de leurs morts avec des pratiques qui ont tout l'air de rituels funéraires. Les anthropologues (Florent Kohler, par exemple) s'intéressent à cette question et se demandent si on ne pourrait pas utiliser les théories et les méthodes de l'anthropologie pour étudier les sociétés animales.

dimanche 25 octobre 2015

La réhabilitation de l'animal


Aigle perfide (coll. Sergio Dalla Bernardina)

Au XIXème siècle, avec l'habitude d'anthropomorphiser les animaux,  on prétendait que les chats étaient sadiques.  Les aigles aussi avaient une mauvaise réputation : selon les témoins de l'époque, ils approchaient leurs victimes en émettant "le cri sinistre d'un maniaque" (je cite à mémoire). Après, sont arrivés les spécialistes du monde animal. Ils nous ont expliqué que la pulsion prédatrice, chez les chats, les aigles et autres carnassiers, fait partie du "programme" et n'est pas accompagnée d'intentions cruelles.   

vendredi 23 octobre 2015

Toujours sur l'âme chez les animaux


Hier matin, sur le plancher de mon bureau, j'ai aperçu une tête de cerf polychrome, en carton-pâte, qui normalement est accrochée au mur. Elle eu envie de sortir, je suppose.

jeudi 22 octobre 2015

Ironique/irénique




Ironie : "Manière de railler, de se moquer, en ne donnant pas aux mots leur valeur réelle ou complète, ou faisant entendre la contraire de ce que l'on dit" (Dictionnaire Larousse de la langue française).

Irénique : "Adjectif (latin ecclésiastique irenicus, du grec eirênikos, pacifique). Qui veut éviter les excès d'une attitude purement polémique" (ibid.).

J'ai toujours admiré le caractère irénique des articles sur l'environnement publiés dans le quotidien La Repubblica par le journaliste Antonio Cianciullo. Ses commentaires pleins de sagesse révèlent une disposition d'esprit proche de la sainteté. Dans un article récent, par exemple, il déplore que peu de gens pénètrent dans les bois sans avoir préalablement lu le "guide pour gérer les rencontres avec la faune sauvage" : A spasso nel bosco con la Forestale. Cela éviterait des drames et des polémiques inutiles.

En Italie, Riri Fifi et Loulou s'appellent Qui, Quo et Qua.  Avant de s'aventurer dans la verdure ils lisent  le Manuale delle giovani marmotte (Manuel des jeunes marmottes*). Et ils ont raison : jusqu'à maintenant, en effet,  rien de grave ne leur est jamais arrivé.

*Comment s'appelle-t-il en français?


(Antonio Cianciullo, Il mio Blog/Incontri con l'orso - Eco-logica - Blog - Repubblica.it.html 18 octobre).

mardi 20 octobre 2015

"T'as vu l'ours?"




Ours idéal-typique 


Personnellement  je ne crains pas les ours. La possibilité d'être agressé par un ours dans la chaîne alpine dépasse à peine celle d'être écrasé par une météorite. Si pendant mes promenades en montagne je devais être assailli par un ours, il ne faudrait pas en vouloir au Ministère de l'environnement mais aux caprices du  destin.
Le vrai problème, avec les ours, c'est qu'ils attirent les badauds  :
 - Mais comment, tu as été à  Vérone et tu n'as pas visité l'arène? Et a Pise? T'as  vu la tour de Pise, j'espère. 
- Bien sûr, il ne manquerait pas que ça.
- Et au Trentin, t'es-tu promené dans les terres de l'ours?
- Evidemment, j'ai même acheté des chaussons exprès et une petite caméra, au cas où.
- Et as-tu vu des ours?
- Eh ben  ... presque. J'ai vu des traces, je crois. Et le moniteur nature nous a même montré une crotte. Une vraie.


Ça a l'air ridicule, mais il ne faut pas trop ricaner :  face à une nature  "sauvage" qui ressemble de plus en plus à Yellowstone,  nous sommes tous des badauds.

lundi 19 octobre 2015

Ours-garous?


Ours Gentils

Si dans mon dernier billet je qualifiais les chiffres de madame Tironi d' "idéologiques", c'est qu'ils détournent l'attention d'un fait qui a son importance : l'ours peut tuer  ses victimes sans pour autant les manger, ce qui fausse les statistiques. C'est le cas de Bruno, qui a liquidé le yak de l' alpiniste Reinhold Messner avant de s'enfuir en Bavière, de Dino, qui a supprimé 14 ânes et plusieurs brebis en quelques jours (mais seulement celles qui portaient une clochette), de Yurka qui tout en étant très sociable, a euthanasié elle aussi, au cours de sa carrière,  quelques vaches et quelques brebis.  Au niveau paysan  on reste alors méfiant (mais les paysans, on le sait,  sont crédules) :

 « J’avais six cochons de 70-80 kilos et la truie de deux quintaux et demi. Comme d’habitude le matin, un peu après cinq heures, c’était au mois de juin et il venait de faire jour, je vais donner un coup d’œil et je les vois tous morts, tous massacrés. Certains étaient dans la maisonnette, certains dehors. Morts … la truie et trois autres étaient encore vivants, mais il a fallu les abattre parce qu’ils étaient tous massacrés. Remarque, je ne sais pas quoi dire parce qu’ici, que l’on sache, il n’y a jamais eu d’ours. On parlait des ours, mais en référence à d’autres zones. Et je me suis interrogé sur la bête qui … parce que une truie de deux quintaux et demi a aussi une certaine capacité de se défendre, elle devient même plus méchante et agressive lorsqu’elle a des petits à défendre. (…) Cela ne peut être que l’ours, je me suis dit, car quinze jours plus tôt, de l’autre côté du Biaena (c’est une montagne du Trentin n.d.a.), il avait dévoré les moutons de Gobbi. (…) Pour sortir il s’était glissé sous le treillis en y laissant quelques poils. Les agents du service faunistique des Eaux et Forêts  sont venus voir. Ils ont regardé les empreintes : c’était bien l’ours ». Entretien d'Alessandro Bisoffi avec un éleveur du Trentin ( Tesi di laurea in storia, Venezia, Università Ca’ Foscari, 2003/2004) p. 38 )


dimanche 18 octobre 2015

L'ours : un végétarien qui s'ignore?


Double oxymore : missionnaire/chasseur et ours/végétarien. 

Dans un article du Corriere della Sera on line du16 octobre signé par Anna Mannucci (oui c'est la même), Madame Elena Tironi "La signora degli orsi"  démystifie une croyance  millénaire : " Ces animaux sont officiellement qualifiés de "grands carnivores", déclare-t-elle, mais "cette définition est idéologique parce que leur diète, en réalité, est composée de  64% de végétaux, 17% d'insectes et 6% d'animaux déjà morts".  Je remarque au passage qu'avec une alimentation de ce genre la viande d'ours doit être succulente. Pour être franc, je trouve  ces données vaguement idéologiques. Mais les préjugés, on le sait, sont difficiles à dissiper.


http://27esimaora.corriere.it/articolo/elena-la-signora-degli-orsi-in-un-ufficio-di-tutte-donne-lottiamo-contro-allarmismi-ingiustificati/

samedi 17 octobre 2015

Bêtes symétriques (et inversées).


Si le Créateur existe,  il doit être structuraliste. Prenons l'ours et le loup.  A priori on n'y pense pas, mais ils ont été conçus l'un par rapport  à l'autre.  L'ours est individualiste. Il se déplace  en petit comité, avec sa compagne et ses deux enfants (ce  que les anthropologues définissent comme une famille nucléaire). Le loup, collectiviste, préfère la meute. L'un, plantigrade,  tend à la verticalité. Les autres rampent à la  queue leu leu dans la plus stricte horizontalité.  L'un - tout le monde le sait -  tue proprement :  il se limite à prélever une petite brebis, lorsqu'il en a besoin,  et l'amène silencieusement  dans les bois (enfin, sur ce point il faudrait demander des confirmations aux bergers ...). Les autres aiment le sang, se remplissent joyeusement la panse  et se livrent à des carnages parfaitement inutiles.  Par rapport à son corps, l'ours  a la tête petite. Le loup, affecté d'incontinence anale (dans l'imaginaire folklorique),  est une grande gueule béante. Sur le plan symbolique, le premier représente l'animal qui aspire à l'humanité. Le second, l'humain qui sombre dans la bestialité. Le chaînon intermédiaire est le loup-garou.   


Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'ethnologue Sophie Bobbé dans son ouvrage : L'ours et le loup, essai d'anthropologie symbolique. Paris, MSH/INRA, 2002

jeudi 15 octobre 2015

Cecil 3. Le bien contre le mal.


Après la mort du lion Cecil on a vu circuler  la pétition lancée par une citoyenne américaine (elle s'appelle Cheryl Semcer) : "Justice pour Cecil, le célèbre lion massacré par un chasseur de trophées au Zimbabwe !". Très suivie, cette pétition a dépassé les 1.340.000  signatures (Edward Snowden  n'est qu'à 167.000). Il y a trois mois, en souscrivant cette pétition, Cecile Lemaire, une citoyenne française, écrivait : "Moi je dit Chasse à l'homme mondiale contre Walter Palmer". 75 personnes ont sympathisé avec elle.  Moins drastique, Monsieur Vincent Millet s'est limité à suggérer la castration du dentiste :  "Je propose que l'on coupe les couilles de Walter James Palmer".  67 prosélytes ont partagé son avis. (Cf. https://www.change.org/p/justice-pour-cecil du 15 octobre).

Entretemps, comme on peut le lire dans Science et avenir du 13 octobre, "Le Zimbabwe a renoncé  (...) à poursuivre en justice le dentiste et chasseur américain qui a tué en juillet l'emblématique lion Cecil, car "ses papiers étaient en règle" et il ignorait qu'il commettait une infraction. "Il s'avère que Palmer est venu au Zimbabwe parce que tous ses papiers étaient en règle", a affirmé la ministre de l'Environnement Oppah Muchinguri à la presse à Harare". Bref, pour reprendre la formule de Monsieur Millet, si l'on a envie de "couper les couilles de quelqu'un", il faut peut-être  chercher ailleurs.

lundi 12 octobre 2015

Aux armes, citoyens.



Mas 36, cliché Sergio Dalla Bernardina  

Aujourd'hui j'aurais voulu parler de  cet étudiant de géographie, habillé en marron, qu'un chasseur isérois a confondu avec un chevreuil.   Mais l'évènement, dans sa  "banalité" tragique, ne peut pas être réglé en quelques lignes. A la place, je propose une photo que je viens de prendre au marché aux puces de Brest (le commerçant, très gentil, m'a permis de ne pas acheter l'artefact en question). Pour quelqu'un qui, comme moi, travaille depuis un bon moment sur les trophées et  sur l'anthropomorphisation des animaux et des armes (oui, on anthropomorphise aussi les armes) il s'agit d'une petite merveille. Ce n'est pas un fusil de chasse, il faut le préciser, mais un fusil de l'armée de terre. J'ai mon opinion sur les significations de cette "mise en mémoire" mais j'aimerais bien que quelqu'un me donne son interprétation. 

dimanche 11 octobre 2015

De quoi être fier





J'ai toujours du mal avec des formules du genre : « J'appartiens à une certaine communauté et j'en suis fier » - « Je suis Corse et j'en suis fier", par exemple (ou Breton, ou Alpin comme c'est mon cas). Si on est fier d'être alpin, c'est qu'on aurait honte d'être né en Camargue ou dans le Marais poitevin (« Ceux de là bas sont bien aussi, mais un peu moins que nous ... »). Si on estime, en revanche, que tout le monde doit être fier de ce qu'il est, alors cette fierté ne sert strictement à rien.


Aujourd'hui c'est la Veggie pride, jour de la fierté végétarienne, végétalienne, vegane, antispéciste etc. En ce qui me concerne, je suis partagé. Après tout ce qu'on dit, j'ai un peu honte de continuer à manger des animaux. Mais je suis fier que sur le plan de la sensibilité et de la morale, dans notre société, il y ait tant de gens meilleurs que moi.

samedi 10 octobre 2015

Chiens volants




"Ce chien là, avec cette marque humide sur le dos .   C'est pas normal. C'est pas normal du tout. Et l'autre, qui dort debout. C'est pas normal  non plus. La tâche sur le dos, d'ailleurs,  a la forme d'une selle, ça se voit très bien.  Le jour ils montent la garde. La nuit ils amènent  les Maciare rencontrer d'autres sorcières dans la montagne là-haut,  près du bois de San Chirico".


Tout le monde le savait à  Tricarico, en Basilicate,  dans les années 50.

vendredi 9 octobre 2015

Collectifs


Collectif errant quelque part au Sahel vers la fin du XIXe siècle.

L'opposition humains/animaux perd de plus en plus de sa pertinence. Et d'ailleurs on ne parle presque plus d'humains ou d'animaux séparément. Le terme  à la mode, pour évoquer leurs interactions, est celui de "Collectif".  Mais on peut dire aussi "Consortium", qui est plus poétique : sont membres d'un consortium ceux qui partagent un même destin. Les Nuer et leurs vaches, les bergers corses et leurs moutons, les gaveurs d'oies périgourdins et leurs oies constituent des "collectifs". Ils co-évoluent. Depuis que l'on a compris cette évidence on ne peut plus penser les uns sans tenir compte des autres (chaque collectif étant constitué par des humains, des animaux, des plantes  et autres artefacts susceptibles de recevoir un signal et de réagir).   


Je ne sais pas pourquoi mais le mot "Collectif", employé comme substantif,  me rappelle à chaque fois la formule "Collectif antifasciste". Je doute qu'il s'agisse d'une catégorie efficace dans l'étude de ce genre de réalités.

mardi 6 octobre 2015

L'âme du tatou


Est-ce que les animaux ont une âme?  Lorsqu'on entend le son d'un charango, fabriqué avec la carapace d'un tatou, la réponse est évidente :  l'âme de la bestiole n'a pas quitté l'instrument. C'est ainsi que certains charangos  sont timides, d'autres  extravertis. Il y en a d'enthousiastes et de contemplatifs. Tout dépend du vécu du tatou. Cela doit être tout aussi vrai pour ces instruments à vent qui disposent d'un réservoir en peau animale (l'âme aimant les cavités). Selon les races et les tempéraments, vraisemblablement, il existe   des cornemuses flegmatiques, sanguines, colériques et mélancoliques.

Pour en avoir la certitude, il faudrait demander aux spécialistes. Mais alors à qui? Aux zoologistes ou aux musicologues?

dimanche 4 octobre 2015

Beaux corps ou corbeaux?



Ce n'est pas parce que deux messages se ressemblent que leur contenu est forcément identique.  Mais cela peut arriver. A première vue, tout semble séparer l'action antispéciste des performances de Lady Gaga (encore elle, oui, mais c'est pour la dernière fois ou presque, je le promets). Les analogies cependant ne manquent  pas.  Derrière le bifteck, comme derrière la peinture rouge, des corps bien humains se donnent à voir. Celui de Lady Gaga n'a pas besoin de présentations. Ceux des militants pour la cause animale sont amoncelés comme des cadavres. Ils représentent un massacre, c'est vrai, mais ils font  aussi penser  à ces ébats collectifs, pratiqués par les Eskimos et commentés par Marcel Mauss,  qui ont fait fantasmer des générations de missionnaires.  La vision d'un corps féminin à peine dissimulé sous des tranches de bœuf est offerte aux lecteurs de Vogue Homme Japan. Des corps jeunes et beaux sont montrés aux journalistes et regardés par les passants avec délectation. Dans les deux cas, on aurait envie de se demander si la mort de l'animal n'est pas détournée à des fins narcissiques :   "Je donne mon corps à la science", dit le philanthrope.   "Et moi je donne mon corps à la morale, dit le zoophile (au sens platonicien du terme),   a ne coûte pas grand-chose et ça peut rapporter gros".  

vendredi 2 octobre 2015

Beauté et bonté


Les amis des animaux se sont réunis il y a quelques jours dans la place du Palais Royal  pour protester contre l'abattage et la consommation des non-humains. Dans le reportage qui leur a été  consacré par le quotidien La Repubblica ils sont tous avenants, comme s'ils avaient été choisis pour l'occasion. On dirait une troupe de théâtre. Sont-ils tous beaux "par nature"?  Ceci prouverait l'équivalence entre la beauté de l'âme et la beauté du corps.

Voir : Parigi rosso sangue: la spettacolare protesta degli animalisti ...

www.repubblica.it/esteri/2015/09/27/.../parigi.../1/

jeudi 1 octobre 2015

Entre compassion et cruauté


 Ayant égaré  la photo de Saint Barthélémy qui se fait écorcher vif, je l'ai remplacée  par celle de Saint Jean Baptiste  qui se fait décapiter. L’effet « gore » est à peu près le même. (Cliché : Sergio Dalla Bernardina)


Je ne suis pas obsédé par Lady Gaga, mais je trouve que  sa mise excentrique de 2011 (sa mise en bifteck ou double sens du terme) est un bon objet de méditation. Face au spectacle de la souffrance (celle du bovin qui a fourni la viande, le cas échéant), les personnes sensibles éprouvent de la compassion (compatir = souffrir avec). Mais se limitent-t-elles à souffrir? N'y aurait-il pas aussi, quelque part,  de la jubilation? « Ils croyaient faire œuvre pie et édifiante en accumulant supplices et tortures, et la nudité des bourreaux leur paraissait n'être qu'une concession tolérable au goût du temps », écrit  Philippe Ariès à propos de la pitié religieuse au XVIIe siècle (qui n’était pas dépourvue, selon l’historien, de composantes « sadiques » et « nécrophiles »).  (L'homme devant la mort, "Points",  Seuil Paris, 1977, t. 2, p. 86). 

J'ai perçu cette même ambiguïté à Bonifacio, en Corse, dans une sculpture baroque reproduisant le supplice de saint Barthélémy. Le saint est écorché vif. Un chien tire un lambeau de sa peau. La scène est très réaliste. La partie du corps mise à nu  fait penser à de la viande. Confronté à cette vision sanglante le fidèle s’émeut et « souffre avec ». Souffrance et délectation.