jeudi 30 avril 2020

Le petit bestiaire du port de commerce



 
On se promène  pendant une heure, c’est tout. A-t-on le droit d’aller jusqu’à la jetée ?  Qui sait ? Les versions divergent. Dans le doute, on y va. Dans le trajet, mine de rien, on croise plein de bestioles. Des pies, des pigeons ramiers, des goélands, des muges qui font des ronds tout près des bateaux.  Des maquereaux. Une méduse (grosse).   Et même ce drôle d’oiseau que tout le monde connaît,  ici en Bretagne, sauf moi. En tout cas, cela fait du bien de sortir.  

mardi 28 avril 2020

Le savoir des anciens (si les conseils thérapeutiques du Président américain ne devaient pas suffire)



 
Pigeon ne croyant qu'à moitié aux médecines  alternatives

 “À Guernesey, pour faire disparaître une affection assez peu définie, connue sous le nom de mal volant, le patient frictionne le siège de la maladie avec une poule noire, qui doit avoir été achetée, mais non donnée. Après l’opération elle ne doit être ni gardée ni tuée, mais il faut en faire cadeau à quelqu’un. L’usage d’appliquer sur le mal un pigeon fendu est plus ancien que le procès où il est ainsi décrit : « Barbe Dorée qui fur bruslée à Senlis en 1577, confessa avoir guari quelques-uns qu’elle avoit ensorcelez après avoir fendu un pigeon et mis sur l’estomac du patient en disant ces mots : Au nom du Père, du fils etc., de monsieur Saint Anthoine et de monsieur saint Michel l’Ange, tu puisses guérir du mal ». Cent ans plus tard, en cas de fièvre continue, on fendait un pigeonneau par la moitié  et on le plaçait sous la plante des pieds du malade, la tête tournée vers le talon”. (Paul Sébillot, Le Folk-Lore de la France: La Faune et la Flore - Tome troisième)

samedi 25 avril 2020

Proposition sarcastique : faut-il injecter du désinfectant dans la boîte crânienne de certains décideurs ?



Pour illustrer le fonctionnement de la pensée magique, l'anthropologue James George Frazer proposait, parmi d’innombrables exemples, la coutume observée dans plusieurs régions du globe de soigner, en même temps que la blessure, l’objet qui l’a provoquée (la lame qui a coupé le doigt, la barrière métallique qui a esquinté le cheval etc.).
Je ne suis pas magicien, mais je comprends très vite.  Je suggère donc de combattre le coronavirus en soumettant la communauté des  pangolins à des séances de  bronzage U.V.

jeudi 23 avril 2020

"Qui es-tu?" - "Je me promène"



 
Le mot « confinement » me fait penser au terme italien « confino ». Les « confinati » pendant le fascisme, étaient ces opposants politiques que le régime reléguait dans les endroits les plus écartés avec l’obligation de ne pas bouger :

« Lorsque, les premiers jours, il m’arrivait de rencontrer sur le sentier, en dehors du village, quelque vieux paysan qui ne me connaissait pas encore, il arrêtait son âne pour me saluer et me disait : “ Qui es-tu, Où vas-tu ? – Je me promène, répondais-je. Je suis un interné. – Un exilé ?  (Les paysans d’ici ne disent pas internés mais exilés.) Un exilé ? Dommage ! Quelqu’un à Rome qui te voulait du mal. ” Et il n’ajoutait rien d’autre, mais il repartait sur son âne, me regardant avec un sourire de compassion fraternelle ».   Carlo Levi, le Christ s’est arrêté à Eboli,  (Gallimard 1948 - Folio p. 85-87).

Le contraire de confinato est sconfinato, comme le ciel.

mardi 21 avril 2020

Julian Assange, saint patron des confinés





Je pense à Julian Assange, ce matin. C’est le confiné par définition. Je trouve dans son parcours un scénario christique, avec ses Hérodes, ses Judas, ses Ponces Pilates, son Calvaire ses  soldats.  Tout est là. C’est un martyre moderne. Pour le faire taire définitivement, pour effacer, avec sa disparition, le souvenir des initiatives  qui ont rendu possible  sa capture et sa détention, il y aurait un moyen très simple, aujourd’hui.

dimanche 19 avril 2020

Paysages urbains




Je ne suis même pas de Brest, de quoi je me mêle ? Toujours est-il qu'il y a quelques jours  j’ai pris cette photo en me disant : « C’est beau, quand même. Ce serait vraiment dommage que la bâtiment qui va occuper ce ciel bleu soit trop large  et trop haut ».
On verra.

vendredi 17 avril 2020

Une faim de loup (c'est qu'ils font beaucoup de sport)




Cette année on n’a pas trop disserté autour  des agneaux de Pâques et de la cruauté de ceux qui, au lieu de les caresser, les mangent.  On n'a pas trop parlé non plus  des loups,  qui mangent aussi les agneaux  mais tout naturellement, dans un cadre moral qui n’est pas le même. Hier, à Chies d’Alpago (c'est un bourg italien),  les loups ont mangé six agneaux. Et ils ont mangé aussi leurs mamans, qui s’appelaient  Bisa et Diana.  C’est dire s’ils avaient faim, ces diablotins.

mercredi 15 avril 2020

Être plante aujourd'hui


 
 Plante qui a la chance de ne pas vivre dans une maison secondaire
C’est dérisoire, certes, face à la gravité de ce qui est en train de se passer. Mais je trouve juste, néanmoins, d'avoir une pensée pour les plantes d’appartement qui sont en train d’agoniser  dans les bureaux, les commerces fermés, les maisons secondaires.

lundi 13 avril 2020

Les chasseurs : les premiers flics de France ? (2 le symbolique )


 
Chasseurs assermentés se préparant à contrôler les joggers abusifs dans une forêt tyrolienne

(Suite du billet précédent) Il va sans dire que  Monsieur le Préfet a pris cette initiative pour des raisons objectives et incontestables : il s’agissait  de faire surveiller les bois par des personnes compétentes et fiables. Mais c’était sans compter avec le symbolique. C’était sans penser aux associations d’idées qui se nouent dans l’imaginaire collectif sans qu’on puisse les contenir par des arrêtés préfectoraux. Face à la pandémie, en fait, les citoyens aiment bien qu’il y ait des contrôles, même dans les bois.   Ce qu’ils n’aiment pas, c’est que ces contrôles soient exercés par les chasseurs. Pourquoi ?  Mais c’est évident. Parce que les chasseurs,  pour une bonne partie des Français, n’ont plus aucun  droit de circuler dans les bois (ni dans les campagnes, ni dans les jardins publics  et autres surfaces verdoyantes). Ils sont juste tolérés, et ils devraient remercier le ciel de pouvoir encore exercer. Qu’ils prétendent contrôler leurs compatriotes, ça, alors … ce serait  le comble*.

Et après, bien sûr,  ces initiatives techniquement irréprochables mais  très chargées symboliquement  risquent d’alimenter des délires malsains du genre : « Pourquoi a-t-on sollicité cette catégorie de citoyens ? Parce que,  armés et en treillis, ils sont déjà un peu plus " flics " que les autres?  Parce qu’ils savent se faire respecter? Parce qu’ils ont le sens de l’ordre et de la hiérarchie ? Parce qu’ils votent volontiers à droite et sont donc plus « patriotes » que les néo-druides ou les militants de Greenpeace ? ». Voici qui ranime de vieux stéréotypes :  précisément ces clichés associant la chasse au pouvoir et à l’univers militaire  dont le chasseur moderne, pacifiste  et éco-responsable, veut aujourd’hui se débarrasser.

* Je n’ai rien contre la chasse, je me limite à reporter la pensée courante.

samedi 11 avril 2020

Les chasseurs : les premiers flics de France ? (1 le factuel)




Le Chasseur Français et la question du droit d'accès à la nature
Cela fait des années, désormais, que les chasseurs cherchent à se faire bien voir. Pendant un long moment ils ont insisté sur le caractère sportif et désintéressé de leur passion. Après, pour se faire accepter par une opinion publique de plus en plus hostile, ils ont commencé à mettre en avant l’argument des traditions ancestrales, dont ils seraient les dépositaires. Parallèlement, ils sont devenus écologistes. Ils l’ont toujours été, d’ailleurs, comme le proclament aujourd’hui leurs représentants.  Et pourquoi pas? Tout n’est pas faux, dans leurs  plaidoiries.

Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont  de moins en moins aimés et qu’ils font de leur mieux pour corriger  ce sentiment. Mais voilà  que, au beau milieu de leurs  efforts pour devenir sympathiques,  les représentants de l’autorité, par inadvertance,  sont venus  leur casser  la baraque.

Il semblerait en fait que le préfet de Seine-et-Marne, ait décidé « de réquisitionner pour au moins trois week-end – je cite le périodique Marianne * -  des chasseurs et gardes-chasse de son département pour surveiller la population, en supplément des forces de l’ordre ». Pas tous les chasseurs - il faut le préciser -  seulement les chasseurs assermentés. La crème, disons. (La suite après demain).

jeudi 9 avril 2020

Faire corps



 
C’est une capture d’écran. Je ne sais plus où je l’ai prise. Elle date un peu, sans doute. Elle me fait penser à Jean-Paul Sartre accusant  Claude Lévi-Strauss d’étudier les hommes comme si c’étaient des fourmis.

mardi 7 avril 2020

Manger sain, manger domestique



À partir du  24 février, la Chine a interdit le commerce et la consommation d’animaux sauvages. C'est pour des raisons valables, bien entendu, mais qui ne sont pas sans nous rappeler la pensée mythique, qui verrait dans la pandémie une sanction surnaturelle : "Avez-vous mélangé le domestique et le sauvage? Eh bien, voici les conséquences".
J’y pense en regardant ces goélands que, de toute façon, je ne mangerais pas.

dimanche 5 avril 2020

Lire la presse, lire le ciel


 Nuages brestois
Comment meubler mon confinement?  J’écoute les infos comme tout le monde. Mais ce que j’entends, malheureusement, est très confus. Les autorités sont confuses. Les commentateurs aussi. Ce n’est pas de leur faute. C’est la réalité qui est confuse*. Tant qu’à faire, je scrute la forme des nuages et je cherche à l’interpréter.
* Sauf pour les leaders populistes qui eux, en revanche, ont tout compris (c’est un complot …  il n’y avait qu’à …  il faut murer les frontières … à mort les cosmopolites … ).

vendredi 3 avril 2020

D’un masque à l’autre 6) Contre le pessimisme

(Dernier segment) Avec les rescapés, on est  passé à la phase du brossage. Là aussi on a dû regretter quelques pertes, parce que ceux qui n’avaient pas compris la consigne se sont mis  à fourbir leur camarade comme si c’était une pièce d’argenterie. « Mais peut-on être plus crétin ? », hurlait l’officier, « Maintenant il y a de la poussière radioactive partout ».  À un moment il nous a tourné le dos,  deux recrues indisciplinées ont commencé à se brosser mutuellement comme deux ratons laveurs.  On cherchait à ne pas rire, mais c’était difficile.

Nous avons regagné notre dortoir avec quelques doutes sur l’efficacité de l’exercice. Mais nous avions tort. Sur le plan pratique les  dispositifs de ce genre présentent peut-être des failles, mais sur le plan psychologique ils remplissent une fonction essentielle : en ritualisant nos conduites, en nous proposant un cadre gestuel, un « mode d’emploi »,  ils nous permettent  d’atténuer notre angoisse.

mercredi 1 avril 2020

D’un masque à l’autre 5) L’importance des statistiques



Masque taoïste contre les esprits malveillants

On a  commencé la manœuvre : tout le monde a mis son masque. L’officier est passé dans les rangs pour vérifier le résultat. « Toi, ça va, mais il faut serrer davantage ». Il s'est  approché du suivant. D’une main ferme, il a saisi son masque mal installé et l’a tiré vers le bas,  comme si c’était une cravate à élastique, en lui disant : « Toi en revanche tu es mort ».  Le soldat refusait de mourir : « Attendez … je cherche à le mettre un peu plus droit … ». « Toi tu es mort, un point c’est tout. Et maintenant tu t’allonges par terre parce que je dois faire les stat' ».  Après, en haussant la voix pour que tout le monde l’entende, il a déclaré : « Ceux qui sont morts s’allongent par terre parce que je dois faire les statistiques ».