mercredi 30 décembre 2015

Le chef des chiens refuse le dialogue


Ce n'est pas la première fois qu'une délégation d'humains cherche à négocier avec des représentants du monde animal :  "Les   Mélanésiens de  Nouvelle-Calédonie n'avaient jamais vu de chien. En  1845, les missionnaires, pour se débarrasser de l'« importunité  »  des  indigènes,  firent  venir,  par  la  corvette  Le  Rhin, une troupe  de  chiens.  Le  chien  le plus entreprenant pour courir sus aux  indigènes et  leur  mordre  les mollets fut nommé  Rhin.  Or,  un jour,  nous raconte  un capitaine naufragé qui séjourna plusieurs mois à Balade chez les missionnaires, un chef des  environs  arriva en ambassadeur,   avec l'étoffe  blanche  (écorce battue de Broussonetia) ·sur le bras, demandant une audience au « chef des chiens », c'est à dire à Rhin, pour faire la paix et instituer de bons rapports avec les chiens. On le conduisit à Rhin,  mais  la  paix  ne  fut  sans  doute  pas  conclue puisque  l'année suivante , la mission  fut  détruite  et  celui qui excitait  le plus  les chiens contre les indigènes,  le frère de Blaise  Marmoiton,  fut  tué  ainsi  que Rhin."*

* André Georges Haudricourt. "Domestication des animaux, culture des plantes et traitement d'autrui", in L'Homme II (1) 1962 p. 49  


lundi 28 décembre 2015

La part du Loup


Dans une grange du côté de La Grave (ou peut être Saint-Véran),  une délégation de bergers  a séquestré pendant quinze heures le chef d'une meute de loups.  "C'est  pour attirer l'attention des autorités publiques sur la présence inopportune de ce noble prédateur dans nos alpages", a déclaré le porte-parole des bergers. Le représentant des loups, de son côté, a dénoncé les conditions lamentables dans lesquelles il travaille, avec des skieurs partout, des caméras cachées dans les bois et la concurrence déloyale des chiens errants. Il a ensuite cité un passage de l'anthropologue toulousaine Marlène Albert-Llorca* rappelant que dans les sociétés traditionnelles on prévoyait une "part du loup". "Par rapport à cette coutume ancestrale, a-t-il poursuivi,  la situation actuelle est une rupture de contrat". Les uns comme les autres  comptent beaucoup sur le  nouveau  président de la région Paca pour régler le conflit.


*Marlène Albert-Llorca, L'ordre des choses. Les récits d'origine des animaux et des plantes en Europe, Paris, CTHS, 1991

samedi 26 décembre 2015

Questions d'éthique animale



Peut-on encore employer  la formule  : " Réchauffer un serpent dans son sein" ?

Une réponse au choix.


  Non,  cela stigmatise la communauté des serpents.

 Les serpents réchauffés ne mordent pas.

 Si le serpent a mordu, c'est qu'il avait des problèmes.


jeudi 24 décembre 2015

Dobrynya et les autres



On attribue au ministre de l'Intérieur italien Angelino Alfano la phrase suivante : "Mieux vaut perdre cent chiens qu'un agent de police", ce qui signifie, en généralisant, "mieux vaut perdre cent chiens qu'un être humain".  L'opinion publique a réagi de façon très contrastée. Alfano, prudemment,  a démenti. Pour certains c'est évident : la vie d'un être humain et celle d'un non-humain  n'ont pas de commune mesure (elles sont littéralement incommensurables). Pour d'autres ça se discute : combien de vies canines vaut une vie humaine? Cent? Mille? Dix mille?*


* Je trouve le prénom Angelino très joli.

mardi 22 décembre 2015

Des chats au Paradis?



Lorsque j'étais petit, même si on en parlait très bien, je n'avais pas hâte d'aller au Paradis. Je ne sous-estimais pas ses aspects positifs, pour autant : "Ce qui est bien, c'est que je retrouverai ma grand-mère, qui tenait beaucoup au Paradis. Et il y aura aussi mon chat blanc, lâchement assassiné sous mes yeux  par un braque-pointer lequel en revanche,  après ce geste inqualifiable, est sûrement allé en enfer".   Un jour - j'avais peut-être dix ans -  pendant un cours de religion on m'a annoncé que les animaux ne vont pas au Paradis :" C'est vrai? Et pourquoi? Parce que ce n'est pas prévu, un point c'est tout".  J'ai pensé, en italien :"Ma allora, se non ci sono i gatti, che razza di paradiso è?" . 

Après je me suis dit : "De toute façon, s'il n'y a pas mon chat, je n'y irai pas non plus".

dimanche 20 décembre 2015

Noël approche. Bon anniversaire aux Benandanti, loups-garous et autres intermédiaires avec le monde invisible.


Dans les campagnes  du Frioul, au XVIe siècle, il était encore possible de rencontrer des Benandanti. À l'instar des chamans,  les Benandanti avaient le pouvoir de quitter leur corps et de se déplacer en esprit. Les jeudis des Quatre Temps*, en rêve,   ils se réunissaient dans  un lieu convenu pour combattre les forces du mal. Ils étaient armés de branches de fenouil. Leurs ennemis  brandissaient des tiges de sorgho. Le succès annuel de la récolte dépendait du résultat de la bataille. S'agissait-il des derniers représentant d'une religion préchrétienne ou  plutôt, comme le pensait l'Église, des membres d'une congrégation satanique se rendant périodiquement au sabbat des sorcières?  Dans le doute, le Saint Office en fit bruler un certain nombre sur la place publique. 

Selon la tradition, tout le monde ne peut pas devenir Benandante. De préférence, écrit Carlo Ginzburg, les Benandanti naissent coiffés (liés à leur placenta ils n'ont pas complètement quitté l'au-delà, ce qui leur permet passer d'une dimension  à l'autre sans difficulté). Ils partagent cette caractéristique avec les loups-garous, qui naissent  entre la fin de la vieille année et le début de la nouvelle en profitant d'une courte fenêtre de 12 jours.  C'est grâce à cette "marginalité"  que les loups-garous transmigrent avec aisance  du monde humain au monde animal et vice versa.

Je suis né quelques jours après la "courte fenêtre". Parfois je me demande si je dois considérer ce rendez-vous manqué avec le chamanisme  comme une chance ou comme  un handicap.

*Dans les calendrier catholique la formule  Quatre Temps fait référence aux temps de jeûne prévus au début des quatre saisons.
* Cf. Carlo Ginzburg, Les batailles nocturnes, Paris, Verdier, 1980.

jeudi 17 décembre 2015

Cachez cette décapitation que je ne saurais voir



Dans un travail qui a déjà quelques années je m'interrogeais sur l'utilisation "pornographique" de la souffrance animale.  Accuser de sadisme tous ceux qui mettent au premier plan, pour des nobles raisons, les actes de barbarie,  serait injuste.  On peut néanmoins soupçonner certains "montreurs de sévices" de squatter la souffrance d'autrui à des fins personnels ou d'être fascinés par le spectacle qu'ils dénoncent ("Cachez cette décapitation que je ne saurais voir").  Ce n'est surement pas le cas de Madame Le Pen dont le seul objectif, en postant sur le net des scènes de décapitation, était d'illustrer la distance qui sépare les illuminés de DAESH des militants du Front National. Mais dans d'autre cas  le doute reste légitime.

Sur ce thème,  je renvoie à une chanson géniale et truculente de Sanseverino  :  "Les films de Guerre".


Les films de guerre c'est c'que j'préfère
Les films de guerre c'est c'que j'préfère

On dirait d'la bande dessinée,
On voit des prisonniers des bras arrachés,
Ils nous font quand même coucou
Derrière les barbelés
Pas rancuniers les gars
Merci
J'vous rappellerai

mardi 15 décembre 2015

Deviendrons-nous tous végétariens?


Mouton à queue grasse (1682). 
Illustration extraite de l'ouvrage d'Aïda Kanafani-Zahar : Le mouton et le mûrier. Rituel du sacrifice dans la montagne libanaise. Paris PUF, 1999.


J'ai parlé du sacrifice du mouton mais c'était un prétexte pour parler des élections régionales qui m'ont laissé un goût amer : j'ai découvert qu'un Français sur trois ne me donne aucune envie de boire un verre avec lui  (ce qui est réciproque, d'ailleurs).  Je reviens donc aux moutons.  Depuis des siècles, dans les monts du Liban, on a pris l'habitude de gaver un mouton avec des feuilles de murier, de vigne, de figuier et autres gourmandises. Le gavage produit de la graisse, qui s'accumule notamment dans la queue de l'animal, particulièrement précieuse pour la préparation et la conservation des aliments. Le succès de l'opération porte sur le maternage : plus le mouton  est aimé et soigné par la femme qui s'en occupe, plus il prospère. Inutile de préciser que, au moment du sacrifice, livrer ce "proche de l'homme"  à son destin est un acte qui ne va pas de soi  : " Un jour avant l'abattage, écrit Aïda Kanafani-Zahar, la femme 'fait une crise'. Elle ne l'empêche pas, elle essaie de le retarder; elle a un peu peur, tout juste espère-t-elle  faire reculer la date fatidique. Elle invoque le temps froid qui améliorera les performances d'engraissement. Elle accompagne ses gestes  nourriciers par des chansons tristes, en répétant : 'la pauvre, aujourd'hui tu manges et bientôt tu seras mort'".  Le rituel règle et "protège" la mise à mort en lui donnant une légitimité. Mais les gestes de la tradition, parfois, ne suffisent plus. " (...) Certaines femmes rurales qui, enfants, ont été témoin de cette pratique sont devenues végétariennes. Pour d'autres - poursuit l'ethnologue - le gavage du mouton a servi comme point de départ à une action pour dénoncer certaines coutumes traditionnelles" (p.131-132).

dimanche 13 décembre 2015

L'animal mort et son charme



Détail d'une image publicitaire dont j'ai perdu la source

Exhibé sans pudeur,  imité, reproduit en plastique, en verre, en métal, apprécié par les artistes et les décorateurs, le trophée  est à la mode. Autrement dit, l'animal mort, en dépit des changements de sensibilité, reste un objet de fascination.  Comment expliquer cet engouement? Vous en saurez peut-être un peu plus en participant demain, lundi 14 décembre, au séminaire "L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi. Négocier avec le vivant". Intitulé de mon intervention : « Une vie après la mort. Du bon usage des bêtes empaillées» EHESS, salle 5, 105 bd Raspail 75006 Paris, de 15 h à 17 h.

samedi 12 décembre 2015

Les animaux de France et les élections régionales



Agneau sacrificiel dans une chapelle des côtes bretonnes.
 Cliché : Sergio Dalla Bernardina 2012

Chez les animaux on attend aussi avec impatience le résultat des élections. Certains, notamment chez les moutons, pensent que si l'extrême droite sort gagnante, ce sera peut-être la fin  des abattages rituels. D'autres, plus fatalistes,  remarquent que le dimanche de Pâques  les Chrétiens aussi - y compris les Catholiques intégristes qui adorent les traditions et la messe en latin ( Agnus Deiqui tollis peccata mundi etc.) - mangent  du mouton.  En tout cas, si le FN devait l'emporter, les animaux comptent sur des transferts d'argent : là où l'on arrêtera de financer  les organismes qui poursuivent des buts antipatriotiques (universités, bibliothèques, théâtres, musées ...)  il y aura peut-être plus d'argent  pour les fondations apolitiques.  Ils songent tout particulièrement à une fondation philanthropique gérée par une célébrité qui s'est illustrée  dans la lutte contre l'hippophagie et contre la fête de l'Aïd el-Kebir. C'est une fondation  qui soigne les rescapés, adopte les orphelins et accepte même les bâtards (pourvu qu'il s'agisse de "non-humains"). J'ai tendu l'oreille mais je n’ai pu comprendre le nom prononcé.


vendredi 11 décembre 2015

La Repubblica exagère


Chien fidèle (et son maître)  Coll. Sergio Dalla Bernardina

Je trouve que La Repubblica, avec ses histoires d'animaux parfaitement prévisibles, commence à  exagérer. Hier on nous a parlé de Wendy, schnauzer nain qui sait dire maman et papa dans le dialecte de Vicence. On a consacré un reportage photographique à Edo, dalmatien albinos qui rougit de plaisir  lorsqu'on lui dit "bravo!". Nous avons appris que des éthologues japonais ont découvert dans une île du Pacifique une communauté de bovidés pratiquant la lamentation funéraire (tout comme nous). Note triste (fallait-il en parler?)  : terrassé par un motard, Geppetto, sanglier fantaisiste qui depuis quelques semaines amusait les automobilistes  en transit entre Rome et Castelgandolfo,  n'a pas survécu à ses blessures*


* Pour être sincère, je ne peux pas garantir l'authenticité de ces articles. J'en profite en tout cas pour lancer une souscription : nous pourrions dresser pour les collaborateurs de La Repubblica  un catalogue des  stéréotypés animaliers : "Il meurt de chagrin  sur le tombeau de son maître", "Abandonné à Catane il revient à Bergame"  "Sauvé dans la neige alors qu'il était raide mort, on l'a appelé Lazarus", "Il vole l'Espresso dans la boite aux lettres du voisin" etc.

mercredi 9 décembre 2015

Se déstresser


William Hogarth « The Painter and His Pug » (1745). 


L'Express  du 22 avril 2013 nous livre l'information suivante:

" L'université canadienne Dalhousie met à la disposition des étudiants une salle de détente dans laquelle ils peuvent venir caresser des chiens pour se déstresser avant les examens (...) Grâce à un partenariat avec l'association Therapeutic Paws of Canada, trois chiens ont été amenés dans la salle pour la session d'examens de décembre. Ils ont fait un tabac, attirant près de 500 étudiants rien que le premier jour !  (http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/idees-business/un-chenil-anti-stress_1513859.html)


"Amours ancillaires : Relations galantes ayant pour objet des servantes."C'est pourquoi il ne fut jamais si ardent à caresser la servante que dans les dernières années de sa vieillesse qu'il avait assis sa situation de fortune, et s'en donna d'autant plus librement que ces amours ancillaires lui semblaient, par leur peu d'importance, échapper à toute espèce de reproche". (M. Aymé, La Jument verte,1933, p. 26). (Cf. le site du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales). 

dimanche 6 décembre 2015

C'est la Saint-Nicolas




Je m'en souviens  encore comme si c'était aujourd'hui. Le 6 décembre on fêtait la Saint-Nicolas. La veille, nous posions sur le balcon un verre de vin pour le saint et une brassée de  foin pour son âne. On achetait le vin naturel, produit à partir des principes de l'agriculture biodynamique de Rudolf Steiner,  chez Petitescaves.com (Grande passion & Vins naturels). Le foin bio, séché en grange au printemps, au meilleur stade de sa valeur alimentaire,  venait de chez  Hami form (livraison gratuite dès 39 ).
Je suppose que mon père buvait le vin. Je n'ai jamais compris qui broutait le foin.

vendredi 4 décembre 2015

Un homme complet


Le prince Harris et l'éléphant. Image hagiographique diffusée par la famille royale britannique

"I take a life to save a life" a déclaré le prince Harris à propos du Taliban qu'il a tué depuis son hélicoptère Apache pendant une mission en Afghanistan. La férocité, comme le rappelle Richard Marienstras à propos de Shakespeare, le drame élisabéthain et l'idéologie anglaise au XVIe et XVIIe siècle (Le proche et le lointain, Minuit, 1981), est un attribut de la personne royale. Et le Taliban, pourrait-on ajouter, l'avait bien cherchée, d'autant plus que selon  l'Huffington Post il s'agissait d'un chef (les princes ne tuent que des chefs - petits moyens ou grands selon les cas). Mais lorsqu'on représente la famille royale, la férocité en guerre  doit être compensée par l'humanitarisme en temps de paix. Dans un reportage repris par plusieurs quotidiens Harris montre ainsi sa bonté en luttant contre le braconnage.  En visite au Kruger National Park, en Afrique du Sud,   il  s'allonge ému sur le corps d'un éléphant sous sédatif. On le voit ensuite serrer la main à un petit chien, à un petit noir,  à Desmond Tutu, prix Nobel pour la paix. Vraiment un homme exemplaire.


P.S. Si j'étais un  Apache, serais-je fier d'avoir donné mon nom à un hélicoptère?

mardi 1 décembre 2015

La Bonne nouvelle


Giotto di Bondone :  " Ezio Mauro, directeur de La Repubblica
évangélisant ses lecteurs ".

Remis à la mode par les sociologues, le terme habitus, désigne une disposition d'esprit partagée par un groupe, une classe sociale, une communauté. Transmis culturellement, l'habitus s'incarne dans l'individu et devient une seconde nature.

Il y a encore peu de temps, les Italiens allaient à la messe. Pendant la prêche, qui contribuait largement à leur "formatage", ils écoutaient des histoires édifiantes. Elles n'influaient pas forcément sur leur comportement, mais elles leur faisaient du bien (cela fait toujours du bien d'entendre des histoires édifiantes).  Le  lecteur de La Repubblica a gardé cette habitude.  Il s'est laïcisé, c'est vrai, mais il a encore besoin de la bonne nouvelle. Périodiquement, il ouvre son bréviaire, il baisse sa vigilance critique et  se laisse bercer dans un monde de "cagnolini e cagnetti, micini e micetti".  Pendant la prêche du 29 novembre, La Repubblica lui a parlé de Presley, un danois  qui, tout en pesant 85 kilos, a peur de l'aspirateur et des chiens  plus petits que lui. Après on est passé à Angel, petite chienne affamée sauvée de justesse par les membres de Rescue From The Hart   (organisation no profit). Même histoire pour Gito, un bébé orang-outan  mal nourri et déshydraté, repéré par les volontaires de l' International Animal Rescue (IAR) et amené d'urgence dans le centre de réhabilitation de  Ketapang, dans le Borneo occidental. On  a appris que tout se passe bien, en revanche,  pour Morena, l'oursonne orpheline qui a récupéré 22 kilos en deux mois et qui retrouvera bientôt sa liberté.

Ite, missa est.