mercredi 31 mai 2023

Rewilding, survival … la nature est anglophone

 


On a parlé de  rewilding, hier matin. J'ai appris que l'on réensauvage le monde un peu partout. Mais à vue de nez, sans trop de concertation. L’important c’est de réensauvager.  Et après,  quand le coin a atteint un niveau d'ensauvagement suffisant,  on fait du survival. 

Quelqu’un, pendant la discussion,  s’est plaint des réensauvagements ratés :  « Chez-moi, par exemple, dans les Pyrénées, on a voulu remettre les ours, mais ce n’était pas les bons. Ils n’étaient pas d'ici … ». Les ours de chez soi sont les plus authentiques. C'est bien connu.

dimanche 28 mai 2023

L’importance d’être sauvage




Être sauvage, autrefois, n’était pas très chic (sauf chez une minorité de philosophes contestataires et pendant une courte période). Aujourd’hui, en revanche,  c’est de plus en plus apprécié. J’en parlerai mardi prochain dans  le cadre de la table ronde : « Recomposition  de l’imaginaire du sauvage à l’époque de l’anthropocène » organisée par le laboratoire Héritages (culture/s, patrimoine/s, création/s)*.  La rencontre aura lieu dans la Médiathèque du patrimoine et de la photographie 11 rue du Séminaire de Conflans, 94 220 Charenton-le-Pont. Voici le programme : 

* Unité mixte de recherche portée par CY Cergy Paris Université, le Centre national de la recherche scientifique et le ministère de la Culture.

vendredi 26 mai 2023

Anthroposcène(s) à l’université de Toulouse

 

 


Image extraite de l'exposition de Philippe Bertin Anthroposcène(s)

 
Parmi les différents événements collatéraux, le 147e congrès national des sociétés historiques et scientifiques (Effondrements et ruptures, université Toulouse – Jean-Jaurès, 23-27 mai) a proposé  à son public l’exposition photographique  de  Philippe Bertin.  «Anthroposcène(s). Je n’étais pas au courant de cette initiative. J’ai visité l’installation avec beaucoup d’intérêt. Et ceci, d’autant plus que  j'ai rédigé les  quelques mots qui l’accompagnent. J'ai constaté la grande pertinence de ces images, froides et prophétiques, dans un brainstorming consacré aux effondrements, ruptures et autres apocalypses.

 





mercredi 24 mai 2023

Faut-il réhabiliter le sens commun?



Jean- Michel Folon : Foule II

 

Est-ce que l’acteur social a tojours raison ? C’est la fausse question que j’aborderai demain, 25 mai, dans le cadre du 147e congrès du CTHS « Effondrements et ruptures » (Toulouse, 23-26 mai 2023).

Voici le programme de notre atelier :

Ruptures épistémologiques. Faut-il croire les acteurs sociaux ?

Atelier du matin :

Sergio Dalla Bernardina  Professeur d’ethnologie à l’UBO, LAP (EHESS-CNRS)

Le roi est-il vraiment nu ? Sagesse populaire et épistémologie.

La mode est à la réhabilitation des savoirs profanes, comme on les appelait autrefois dans certains milieux scientifiques. C’est que les profanes, souligne-t-on aujourd’hui, ne sont pas profanes du tout.  C’est même le contraire : ils vivent dans un monde construit par eux-mêmes, comment pourraient-ils ne pas le comprendre ? Le vrai profane, éventuellement,  est l’anthropologue, notamment lorsqu’il utilise des catégories allogènes pour décrire les réalités indigènes. Et encore plus  lorsqu’il prétend voir des choses que ses « observés » ne voient pas et dont ils nient farouchement l’existence. Ça aurait été le cas de René Girard, par exemple,  s’il avait prétendu commenter la chasse à courre ou la tauromachie à partir de son arsenal conceptuel. Puisque Girard ne l’a pas fait, nous tenterons de le faire à  sa place. Pour plaisanter, mais jusqu’à un certain point.

Benoît Fliche (Directeur de recherche au CNRS, anthropologue, IDEMEC CNRS-AMU)

Que faire du sujet de l’inconscient en Anthropologie ?

Que faire du sujet de l’inconscient en Anthropologie ? La question n’est pas redoutable en raison d’un choix qu’il conviendrait de faire mais parce qu’elle repose sur trois « absences », ou angles morts, dans les trois domaines que nous sommes supposés articuler dans cette question. L’anthropologie semble d’abord avoir un premier angle mort, à savoir qu’elle manque elle-même, paradoxalement, d’une
anthropologie une théorie de l’humain à la différence de la psychanalyse qui s’en est constituée une, fondée essentiellement sur une théorisation de l’inconscient. Deuxième absence :  l’inconscient. Là encore, de quoi parle-t-on si ce n’est d’un manque ? Sommes-nous devant des chaînes opératoires leroi-gourhaniennes incorporées, des habitus (Bourdieu) ou dans des schèmes collectifs que traversent les individus (Jung) ou encore dans une organisation topologique des signifiants (Lacan)? Enfin le sujet. Si l’anthropologie peut arriver à croire qu’elle fait son œuvre et si l’inconscient peut revêtir une acception plus ou moins consensuelle, le sujet divise, avec deux sens principaux en concurrence, l’un qui le voudrait conscient et maître de lui, un sujet de la conscience donc, et l’autre qui l’appréhenderait comme inconscient et agit par une autre scène. Tout se passe comme si lorsque l’un est présent alors l’autre manque. Pour reprendre l’image de Barthes et du train, soit nous arrivons à voir notre reflet dans la glace soit nous admirons le paysage mais les deux sont difficilement perceptibles simultanément. A l’absence de l’un répond la présence de l’autre. Mon propos sera au final de montrer comment l’articulation de ces trois manques permettra de définir un bord à la question posée. 

Véronique Dassié  Chargée de recherche au CNRS (Héritages : Culture/s, Patrimoine/s, Création/s (UMR 9022)

Faire ou être fait par le terrain : collecte de données, co-écritures et expertises, vers quels positionnements ?

A partir de multiples situations de terrain, je reviendrai sur les conditions de faire de la recherche en lien avec les personnes rencontrées sur ce qu’il est convenu d’appeler un « terrain ». Les conditions d’accès à la parole des informateurs dépendent en effet de leurs propres attentes vis-à-vis de la recherche. De plus, la collecte de « données » de l’ethnologue croise aussi les démarches d’autres collecteurs, engagés au nom de l’art, d’une mémoire ou d’une pratique, produisant des alliances imprévues autour de la recherche.  Questionner ces alliances est d’autant plus important que se multiplient aussi, notamment dans le cadre des prises de paroles sur l’environnement, des formes d’expression « borderlines » de la recherche. Sous couvert de restitutions alternatives et de vulgarisation, se déploient une parole et des écrits revendiqués comme  scientifiques mais dont les conditions de production mériteraient d’être interrogées à l’aune des enjeux de la starification académique. L’objet scientifique, en l’occurrence les forêts, s’y avère finalement être le théâtre de projections sociétales et politiques implicites.

Raffaele Alberto Ventura

PhD Candidate, Mutamento Sociale e Politico. Dipartimento Culture, Politica e Società dell'Università di Torino. Dipartimento di Scienze politiche e sociali dell'Università di Firenze. Laboratoire d'Anthropologie Politique, EHESS Paris

Thomas Hobbes, un intellectuel populiste?

Le philosophe anglais était le représentant d’une classe intellectuelle surnuméraire qui, ne pouvant évoluer professionnellement à l'intérieur du paradigme de la théologie scolastique, finit par l’attaquer en refusant ses fondements épistémologiques. C'est ainsi qu'il peut produire de l'innovation et un changement de paradigme. Son Léviathan constitue une attaque au savoir universitaire de son temps, et peut nous servir comme cas d’étude pour examiner la stratégie rhétorique portée par un outsider afin de delégitimer un paradigme dominant sans en accepter ni les procédures ni les acquis. Il permet d’étudier les conditions socio-historiques d'émergence de certains modules rhétoriques récurrents, que l’on retrouve aussi dans le populisme scientifique contemporain.

Atelier de l’après-midi.

Joël Candau Pr. émérite Université Côte d'Azur - MSHS Sud-Est. Laboratoire d'Anthropologie et de Psychologie Cognitives et Sociales (UPR 7278)

Pensée savante et pensée sachante.

« Tous les hommes ont, par nature, le désir de connaître ». Dans cet incipit du livre A de la Métaphysique, Aristote met l’accent sur notre libido sciendi. Lévi-Strauss (1962 : 23) reprend cette idée d’un « appétit de connaître pour le plaisir de connaître », révélateur d’une « attitude d’esprit véritablement scientifique ». Les processus évolutifs ont fait des humains des êtres sachants. Cette aptitude à une connaissance congruente avec la structure du monde est manifeste dans les savoirs naturalistes, souvent proches du savoir scientifique. Les sciences modernes ont d’ailleurs pour origine les savoirs établis par des chasseurs-cueilleurs, des paysans, des marins, des mineurs, des forgerons, etc. Si la soif de connaissance propre à l’humain a fait ses preuves dans l’incessante activité d’exploration de Gaïa, en va-t-il de même pour l’appréhension du monde social ? Celle-ci, a-t-on souvent argué, est contaminée par la force des préjugés, des croyances naïves et de tout ce qu’on range un peu vite sous l’étiquette dépréciative du « sens commun ». Pourtant, ici encore, on peut montrer que notre histoire évolutive a contribué à rendre assez juste notre compréhension des comportements sociaux. Bref, les êtres humains ont tous une compétence de sachants, qu’il s’agisse du monde physique ou du monde social. La possibilité d’une « continuité entre la pensée « naturelle » et la pensée scientifique » (Piaget 1990 : 228) invalide tout systématisme dans le recours à la rupture épistémologique et amène à questionner le degré de pertinence de l’opposition emic vs etic, un topos de notre discipline.

Références :

Lévi-Strauss C. 1962. La Pensée sauvage. Paris, Plon.

Piaget J. 1990. in Jean Piaget et al. Morphismes et catégories. Neuchâtel, Delachaux & Niestlé.

Catherine-Marie Dubreuil (Anthropologue)

De l'antispécisme au wokisme: esquisse d'une comparaison, entre continuité et ruptures.

La convergence des luttes revendiquée par les "guerriers de la justice sociale", ou "justice social warriors", c'est à dire les wokistes, n'est pas sans rappeler l'exigence de "lutte globale", associée au militantisme antispéciste français dès les années 80. Ils ont en effet le même goût pour les remises en question, sociales, politiques, culturelles, au nom d'un engagement, en faveur de tous les dominés (antispécistes), de toutes les "victimes" (wokistes). Ils partagent l'écriture inclusive, le choix d'un militantisme polymorphe et ses conséquences, comme source de tiraillements et de rivalité entre les protagonistes. En particulier, la difficile cohabitation féministes /antispécistes, qui non seulement perdure mais s'est amplifiée. Un examen plus approfondi des revendications, des méthodes et des postures, semble indiquer que les points communs s'arrêtent là. Le positionnement par rapport au savoir, à la science, à la raison, est radicalement opposé: références incontournables pour les uns, propos subjectifs douteux pour les autres. Il n'est plus question de critique sociale mais de"déconstruction" systématique. Le souci obsédant de l'argumentation des antispécistes se heurte désormais au refus de dialogue et aux intimidations d'une partie de la sphère "vegan-woke", qui les considère comme des " hommes cisgenres, blancs, dotés d'un capital culturel et social important", et donc comme des complices du système victimaire qu'ils dénoncent.

Hugo Verrier, doctorant en science politique au Centre Émile Durkheim - Université de Bordeaux

Peut-on (encore) leur faire confiance ? Performativité et usages scientifiques des discours politiques

Pour donner suite à une enquête de sociologie visuelle et textuelle menée sur un corpus de professions de foi de candidats « LREM » aux élections législatives de 2017, je souhaite discuter l’intérêt d’une étude d’un discours a priori intentionnel : le discours politique. Celui-ci agit sous le coup de deux types de remarques, mettant à mal son objectivation scientifique. Une première remarque souligne la spécificité intrinsèque de la parole politique : agissant dans le champ de la représentation, celle-ci serait condamnée au fétichisme (Bourdieu, 1984). Une deuxième insiste sur le phénomène récent d’uniformisation des discours politiques, induit par la professionnalisation tendancielle du champ et le recours accru aux stratégies professionnelles de communication (Collovald, 1988 ; Demazière, Le Lidec, 2014). En faisant le choix de les prendre au sérieux, ma recherche considère les discours de propagande électorale comme des actes de lutte pour la définition de la légitimité politique (Agrikoliansky, 1994). Dès lors, il ne s’agit pas pour le chercheur de valider ou d’invalider les conceptions normatives du rôle de représentant que mobilisent les acteurs ; il s’agit au contraire de rendre compte, à partir de ces discours, de la volatilité de ces définitions légitimes, généralement proférées sur le mode de l’allant-de-soi, de l’évidence à faire perdurer ou advenir. Plus largement, je souhaite défendre qu’une exégèse aussi limitée nous renseigne, en parallèle, sur les évolutions dans le champ de la représentation, permettant de dépasser le discours des acteurs pris immédiatement.

_____________

Serge Remy Ngaba, Université Pontificale Grégorienne – Rome, Italie

Théoriser l’activisme et l’alternance politiques au loin. Expertise militante et désidérabilité sociale chez des activistes camerounais en France

La présente communication analyse le niveau d’abstraction démontré par des activistes diasporiques camerounais engagés dans une lutte politique pour l’alternance politique au Cameroun, leur pays d’origine reconnu pour ses habitudes autoritaires. Pendant qu’un « sens commun » fait des milieux diasporiques contestataires africains des repères de chômeurs, d’illettrés, de sans-papiers en quête de papiers, ou des délinquants déguisés en réfugiés alors qu’ils sont en mal avec la justice de leur pays, une pénétration de ces milieux, par l’entrée des camerounais de France, bouscule ces certitudes premières. L’activisme, comme engagement politique sur les terrains du virtuel, des manifestations et d’empêchements tous azimut, devient une véritable politique. La nécessité d’une alternance, qui prend des sens communautaires et d’alternative, ou se réduit à une proposition partisane exclusive, est posée par des activistes ayant gagné en expertise militante. Se situant tous du côté de la justice sociale et démocratique (désidérabilité sociale), ils esquissent des théories fort intéressantes sur la conception de l’activisme et de l’alternance. L’hypothèse qui est engagée consiste à voir comment, loin d’être des écervelés, les activistes diasporiques camerounais de France élaborent des connaissances empiriques de l’activisme et de l’alternance selon leurs parcours migratoire et contestataire respectif. Méthodologiquement, la réflexion s’appuie sur sept entretiens semi directifs avec des activistes, l’observation directe d’une manifestation d’activistes contestataires tenue le 17 septembre 2022 à Paris, place de la République, et un suivi régulier des pages Facebook des activistes interviewés. Ces techniques de collecte de données ont été implémentées dans le cadre d’une recherche doctorale en cours de finalisation, portant sur la participation politique des camerounais de France.

 

 


samedi 20 mai 2023

Le droit d'être là (annonce)

 

`

Sentier corse en voie de disparition (cliché SDB)

La participation à la journée d’études « Ruralités contemporaines  en question(s) » du 22 mai remplacera la séance du séminaire « De l’humain animalisé à l’animal humanisé » prévue le même jour entre 12h30 et 14h30. Elle permettra aussi de rattraper le deux séances qui, en raison d’un calendrier peu propice, n’ont pas pu être assurées.    

 

Journée d’études du Séminaire Ruralités contemporaines en question (s) 22 mai 2023 13h30-18h

Campus Condorcet, salle 100

Cours des Humanités

93322 AUBERVILLIERS

www.campus-condorcet.fr

(contact : Sophie Bobbé, 06 07 72 04 42)

 

Le droit d’être là : conflictualités territoriales et modes de légitimation.

La discussion sur le droit de propriété privatif tel que mis en exergue par la déclaration des Droit de l’Homme et du citoyen, la montée en puissance du thème des communs, et plus généralement l’affirmation d’une philosophie morale inscrivant l’humain comme une composante du vivant parmi d’autres, ont exacerbé les enjeux autour des espaces naturels les plus convoités et les plus pratiqués : tourisme, mais aussi activités sportives de glisse, d’escalade, de marche etc. Toutefois les campagnes restent des territoires vécus, des lieux d’activités productives où perdurent d’anciens loisirs tenaces. Et la rencontre entre des esthètes visiteurs et ces « autres », chasseurs, pêcheurs, bergers ou agriculteurs-éleveurs peut tourner à la confrontation. Nous souhaitons évoquer la thématique des conflits d’usage qui opposent des arguments contrastés à « être là », entre l’autochtonie revendiquée et le principe d’universalité de la « nature ». Il s’agira, au travers de quelques exemples, d’aborder ces frottements entre différentes cultures de la nature et les discours qui servent à les rendre légitimes. Cela nous permettra aussi de nous interroger sur les droits et les limites du regard « savant » prétendant surplomber, au nom de la science, les argumentaires des locuteurs « profanes ».

 

13h45-14h15 : Pierre Alphandéry, Sophie Bobbé : Introduction

 

14h15-15h00 : Laurence Boutinot, Christophe Baticle

L’autochtonie reconnue des « Pygmées » et sa discussion locale en Afrique centrale : les enjeux matériels et symboliques d’une catégorisation internationale

Les populations qu’on dénommait naguère « Pygmées » font désormais l’objet d’une reconnaissance internationale au travers de leur intégration au sein des dits « peuples autochtones », mais également via les procédures de protection du patrimoine culturel immatériel et plus globalement ils bénéficient d’une image positive au titre de leur mode de vie, vu comme éco-friendly.

Mais sur les terrains de l’Afrique centrale, l’absence de population d’origine européenne ayant fait souche trouble l’opposition entre peuples autochtones et « autres ». Quant à la dimension de vulnérabilité qui est attachée à la définition de l’autochtonie, elle peut s’avérer relative dans un contexte de précarité généralisée.

En d’autres termes, c’est là où l’autochtonie pourrait apparaître comme la plus évidente qu’elle se trouve discutée. Nous viserons ainsi à montrer que subsiste une vulnérabilité culturelle vis-à-vis de laquelle la fantasmagorie occidentale fonctionne à plein. Aussi, l’enjeu in fine se situera sur les questions territoriales, ici la forêt. Car cette vulnérabilité matérielle doit beaucoup aux richesses des espaces sur lesquels sont installés les Ba’Aka : richesses économiques et environnementales dont ils sont de plus en plus souvent exclus.

15h-15h30 : Pause

15h30-16h15: Sergio Dalla Bernardina

« Je suis d’ici et je sais ce que je dis ». Vérités indigènes et mensonges ethnologiques (ou vice-versa)

Si l’ethnologue se rend sur le terrain, c’est bien pour recueillir le point de vue autochtone et le transcrire fidèlement. Plus il se lance dans des abstractions, plus il généralise, plus il objective, plus il trahit le sentiment de ses « informateurs ». C’est une manière de présenter les choses, mais il y en a une autre : elle part du présupposé que les acteurs sociaux sont par nature, donc par nécessité, enclins à l’oubli, à la transfiguration de leur histoire, à la répétition mimétique de la version officielle. En matière d’écologie, le décalage entre les témoignages contemporains et la réalité ethnographique qu’ils prétendent représenter est parfois évident. L’ethnologue qui, fort de sa documentation, remet en cause le discours ambiant (« Il y a trente ans, au sujet de la chasse, vous ne disiez pas la même chose … ») passe pour un original ou un dilettante, alors que, à sa manière, il contribue à raviver la mémoire locale.

16h15-17h00 : Hélène Melin

Les sentiers ruraux en Corse : entre usages traditionnels, ouverture au tourisme et réappropriations locales. Quelles légitimités de présence ? Le cas de la Balagne

Les sentiers en Corse sont nombreux et présents depuis toujours, permettant la communication entre villages, hameaux et plus largement micro-régions, pour des activités de commerce, l’activité agro-pastorale, de pêche, les sociabilités locales. Ils sont inscrits dans le territoire comme un marqueur culturel fort. Cependant, avec l’avènement du tourisme de masse à partir des années 1960, précédé dès le début du 20ème siècle d’une crise de l’économie traditionnelle et d’une émigration corse importante, les chemins ont peu à peu disparu, physiquement comme symbo-liquement, de l’imaginaire et des pratiques locales. Cette invisibilisation ne s’est cependant pas traduite par un arrêt total des usages de ces sentiers par une partie de la population, mais ceux-ci sont devenus marginaux. Parallèlement, la mise en tourisme de la Corse, via la création du GR 20 dans les années 1970, sentier de grande randonnée traversant l’île par ses montagnes, a contribué à l’arrivée de nouvelles pratiques excursionnistes exogènes, peu partagées localement. Jusqu’au début des années 2000, les pratiques récréatives sur les sentiers sont principalement le fait de visiteurs extérieurs à l’île sur des tracés longs et en dehors des foyers de peuplement.

Puis des habitants, individuellement ou organisés en association, réinvestissent des chemins de proximité, pour divers motifs. Ils contribuent peu à peu à une valorisation de ces tracés et des patrimoines ruraux associés, dont les acteurs politiques et institutionnels vont s’emparer pour opérer une nouvelle forme de mise en tourisme des lieux, dans une optique de soutenabilité de l’économie touristique et une diversification des périodes et des lieux fréquentés. Un foisonnement de projets et d’actions autour des sentiers est à présent constaté. Leurs formes et les acteurs engagés questionnent les sens accordés à ces chemins, leurs finalités et plus largement permet d’aborder la question de la préservation et de la visibilisation de la culture et de l’histoire corses versus celle de l’ouverture à l’autre. Se pose la question d’une légitimité de présence et d’action sur les chemins et on assiste à un processus marqué de « corsisation » des lieux et des usages, allant dans le sens d’une réappropriation – un riacquistu – des lieux.

17h-18h : Débat

vendredi 19 mai 2023

Décorations d’intérieur

 


On accroche, on signifie. Deux proies ? Deux trophées ? Je cherche le lien. Le chamois aussi, on dirait.

mardi 16 mai 2023

Vers une redéfinition des frontières? (Annonce)

Séminaire De l'humain animalisé à l'animal humanisé

Mercredi 17 mai, de 8h30  à 10h30, Centre des Colloques Salle 3.06


Sergio Dalla Bernardina

 

L’imaginaire zoophile et l’ordre du monde.

 

Dans la vision du monde occidentale, ne serait-ce que sur le plan officiel, une frontière indépassable  sépare les humains des autres animaux. L’imaginaire  a toujours été plus souple : la mythologie et le folklore regorgent  d’histoires que la morale contemporaine qualifierait d’ « ambiguës » mettant en  scène sans pudeur des liaisons interspécifiques.


dimanche 14 mai 2023

Cancel culture et cartomancie



Je propose de supprimer certaines cartes du tarot. Elles suggèrent des comportements inappropriés vis-à-vis de nos amis les animaux*.

* Je suis bête, j'aurais dû  dire : "les autres animaux".

vendredi 12 mai 2023

Devenir végétarien à l’insu de son plein gré

 

Paolo Dalla Bernardina : Cadavre de veau

 

Je brandis ma carnivorité  comme un étendard, mais en étalant ma fierté je dévoile mes incertitudes. J’en veux aux antispécistes qui m’obligent à réfléchir sur ma proximité ontologique avec le  jarret de porc qui rôtit dans le four. Et je porte sur les végétariens un regard soupçonneux, comme si derrière leur choix il y  avait des raisons qu’ils ignorent et que moi - allez savoir pourquoi - je serais censé connaître.

Vers la fin de sa brève trajectoire terrestre mon frère Paolo,  en raison de la sympathie qu’il éprouvait pour les humains, les bêtes et la création en général, était en train de glisser vers le végétarisme. Il ne faisait pas trop de vagues. Il n’en parlait jamais et je me demandais s’il en était conscient. Je viens de tomber sur ce dessin qu’il a réalisé à Paris en 1977 après un passage au  supermarché. Il semble lever tous les doutes. Il s’inscrit dans une tradition d’ « éclaireurs » qui remonte au moins à Pythagore (« Ouvrez les yeux sur l'identité des  malheureux que vous mangez :  ils sont nos semblables! ») et anticipe le cliché du « cadavre en barquette »  mis en scène avec succès par les animalistes contemporains.

 

 

mardi 9 mai 2023

Coup de théâtre : blanchissement d’une ourse injustement accusée d’homicide.

 

 

Création numérique  de l’artiste hongroise Sarolta Bàn

Voici une bonne nouvelle. Les experts ont tranché : l’ourse accusée d’avoir tué un randonneur dans la région de Trente, dans les Alpes italiennes, était innocente.

Le vrai responsable est un ours.

dimanche 7 mai 2023

Manger au plus proche (Ichtyophagie rituelle)

 

Les sensibilités changent.  Autrefois on aurait trouvé immoral de laisser pourrir un animal comestible sur la plage sans en profiter (que sa mort prématurée serve à quelque chose, au moins). Mais le dauphin, c’est vrai, est  un proche de l’homme. Pour faire les choses correctement, il aurait fallu incinérer le défunt, organiser un rituel approprié, médiatiser le deuil (« Venez assister au spectacle émouvant de notre tristesse ») et disperser les cendres sur la surface marine - au risque que le trépassé se dise : « Avec ces gesticulations ridicules on se fout de ma gueule ». 

La solution adoptée par le pêcheur à la retraite interpellé par la police de Douarnenez est tout aussi respectueuse, voire plus humaine  : c’est un cas évident de cannibalisme funéraire.

vendredi 5 mai 2023

Les nouveaux horizons du pittoresque


Ce n’est pas du Land art, c'est peut-être moins conceptuel, mais la poétique de l’éphémère est bien là. Les adeptes du Street art déploient leur grâce  et leur talent  en pleine gratuité. Ils choisissent les endroits les moins conventionnels, les murs en décomposition, les espaces enlaidis par l’activité humaine. Ils y installent leurs créatures (étincelantes, au départ, ravies d’être au monde et  sentant la peinture fraiche ...). Après ils s’en vont. On dirait qu’ils les abandonnent. Le public occasionnel aurait envie de sauver ces fresques à ciel ouvert, de les  protéger des intempériesC’est drôlement beau, quel dommage … »). Mais la pérennité n’est pas le but des graffeurs. Les herbes folles sont déjà là et commencent à  ronger la peinture. Encouragée par la pluie  la mousse attaque les murs. Le lierre rampe et ira tout engloutir. L’œuvre de ces « flambeurs » est un hymne à la dépense improductive. C’est un discours sur la vanité de l’effort humain pour laisser des traces.  De l’art réaliste, finalement.

 


 

mercredi 3 mai 2023

Les vaches par exemple

 


L'inquiétante étrangeté d'une vache corse

Je complète ici ma série consacrée aux copies que je viens de corriger, activité passionnante et laborieuse à la fois émaillée par des moments de vrai bonheur.

- Comme le loup peut potentiellement cibler du bétail, les vaches par exemple, il porte atteinte à l’humain indirectement.

- Concernant le loup, nous sommes plus ou moins indifférents si un loup sauvage chasse une vache d’exploitation, mais nous ne sommes pas indifférents si un chasseur chasse un loup.

- En effet, la nouvelle cohabitation entre humains et animaux sauvages fait s’insurger certains habitants des zones concernées, notamment les agriculteurs et les parents, qui s’inquiètent alors de la sécurité de leur bétail et de leurs enfants. C’est ce qu’on appelle l’inquiétante étrangeté.

lundi 1 mai 2023

Se telefonando (autour des aléas de la transmission orale)


 

Lorsque j’étais petit, en Italie, je jouais au « téléphone  sans fil »* :  on prononçait à voix basse un mot qui, transmis d’un joueur à l’autre, subissait des transformations hilarantes.  Ça me revient à l’esprit en lisant les copies concernant mon cours de cette année sur la question environnementale. Il y avait un micro, pourtant, mais le résultat est tout aussi surprenant. C’est l’acoustique de la salle, je crois. Voici quelques échantillons  :

 

- La glace fond et les poissons se font moins nombreux.

 

- Des poulpes envahissent la rade de Brest portant atteinte à la biodiversité. Faut-il les sortir de l’eau afin de les empêcher de nuire ?

 

- Par exemple en Corse nous faisons face à la mythification rurale. Ils se battent presque entre eux pour savoir qui sera le chasseur le plus rural.

 

- Dans certains pays le braconnage est interdit.

  (À suivre).

 

* Ailleurs on l'appelle autrement. J'y reviendrai.