mercredi 6 avril 2016

Qui se cache derrière le bon Dieu?



Gentile Da Fabriano (1370-1427). Scène allégorique

Qui se cache en réalité, derrière l'âne et le bœuf de la crèche? On m'a fait part d'une interprétation différente par rapport à celle proposée  par Emmanuel Désveaux dans : Avant le genre,  triptyque d'anthropologie hardcore* (selon lequel le couple animalier symboliserait  la convoitise proscrite par le dixième commandement). C'est une lecture plus proche de la tradition exégétique :   "Le bœuf, dit St Grégoire de Nysse, c'est le Juif enchaîné par la loi; l'Ane, porteur des lourds fardeaux, c'est celui que chargeait le poids de l'idolâtrie", à savoir le païen*. Rien à voir, donc, avec le désir, l'érotisme et la fécondation. Dans les deux cas l'animal remplit une fonction allégorique : il intervient dans le tableau pour représenter autre chose que lui-même. La Nativité toute entière, finalement,  devient une grande allégorie signifiant autre chose que son contenu manifeste. Qui se cache alors derrière la Sainte Vierge? Qui se cache derrière Saint Joseph? Qui se cache derrière l'enfant Jésus? etc.

*Paris Editions de l'EHESS, 2013


*René Grousset, "Le bœuf et l'âne à la nativité du Christ",    Mélanges d'archéologie et d'histoire  Année 1884  Volume 4  Numéro 1  pp. 334-344. Merci à Martyne Perrot, qui a beaucoup travaillé sur la phénoménologie des fêtes de Noël (parmi ses ouvres les plus récentes : Le cadeau de Noël. Histoire d'une invention, Paris, Éditions Autrement, 2013) et qui m'a signalé ce document.

Inutile de préciser que s'il n'y a pas de recherche des significations inconscientes il il n'y a plus de sciences humaines et sociales.

2 commentaires:

  1. Molière aurait vécu à l'heure actuelle, peut-être aurait-il fait des ethnologues (parmi d'autres) les héros d'une de ses pièces. Je ne dénigre pas l'ethnologie (bien au contraire) mais je ne peux pas m'empêcher d'éprouver parfois une certaine gêne devant des interprétations qui doivent sans doute davantage aux fantasmes du savant qu'aux représentations de ceux qu'il a interrogé (ou à son goût pour l'écriture, je ne jette pas la pierre: le commentaire est peut-être une auto-critique déguisée...)

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    1. J'ai caricaturé les choses pour susciter des réactions (merci pour la vôtre) et pour montrer à quel point la démarche des anthropologues peut troubler le sens commun (le sens commun, comme le rappelle Durkheim, étant le pire ennemi des sciences sociales). En tout cas, pour juger de la pertinence des thèses de Désveaux, mieux vaut lire son ouvrage. Personnellement, son idée de voir dans la scène de la Nativité une allégorie du désir (et de ce qu'il ne faut surtout pas désirer) me paraît novatrice et stimulante.

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