lundi 5 septembre 2022

L’inquiétante étrangeté deuxième session (10.) Apples

 

Au début des années 1970, lorsque la maison fut bâtie, on adorait le progrès. La modernité était bien plus intéressante que la tradition. Les paysans achetaient leurs fruits au supermarché* et les mamans gavaient leurs nourrissons avec du lait artificiel*.

Les agronomes veillaient zélés à la production de fruits impeccables, tous des mêmes dimensions, qui ne pourrissaient jamais et rejoignaient, dans leur paraître, la perfection du plastic. Puisque, côté musique, nous étions plutôt « rock and roll »  (pas tous) , nous avons planté un pommier susceptible de produire les mêmes pommes vertes qui trônaient sur les disques des Beatles. Il y  avait là-dedans un message alternatif : « Tu vois ? C’est vert et pourtant c’est sucré. Il ne faut pas croire aux apparences ». Pendant un certain temps, nous avons fait semblant d’apprécier ces pommes alternatives et de les trouver, à leur manière, savoureuses (même si quelqu’un parmi nous prétendait qu’elles sentaient le vinyle). Nous avons fini par reconnaître que l’apparence et la substance, dans ces pommes,  convergeaient :   elles étaient vertes et acerbes à la fois. Elles étaient tout aussi acerbes qu’une pomme traditionnelle qui n’a pas atteint sa maturité. Et ceci - on avait beau patienter - jusqu'au moment où elles tombaient de l’arbre par senescence. (À suivre)

 

* Pas tous, c’est vrai.

** Une frange encore plus branchée, simultanément, prônait le retour au lait maternel.


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