samedi 19 mars 2016

Je suis prédateur et je le reste (dans le verbe et dans le geste)


Le sentiment de la nature chez Rousseau (le Douanier)

En Italie on dit : "Il lupo perde il pelo ma non il vizio" (Le loup perd son poil mais pas son vice). Les Français disent : "Chassez le naturel, il revient au galop". Dans les deux cas il est question d'instinct, de nature. Sur le moment je ne saurais pas dire si la pulsion prédatrice fait partie de la nature humaine (il faudrait que j'y réfléchisse pendant quelques minutes pour ne pas dire des bêtises), mais les résultats du dernier Oasis Photocontest, sorte de Prix Oscar de la photo naturaliste, semble bien aller dans ce sens.   Un jury international composé d'éminents spécialistes à trié 25.OOO images. Il y avait donc de quoi choisir. Le gagnant absolu, l'espagnol Felipe Foncueva, a obtenu le  Swarovski Oasis Photographer 2015, avec l'image d'un oiseau marin capturant un poisson. L'italien Pierluigi Rizzato, a gagné le Best Italian Oasis Photographer 2015 en immortalisant une lionne qui poursuit une gazelle.   Le prix Oasis Magazine Photographer 2015 a été décerné à Stefano Quirini pour son cliché représentant un balbuzard pêcheur, épouvanté par un canard, qui laisse tomber sa proie décapitée.

Bref, l'homme contemporain n'aime pas trop la chasse, il reste juste  un peu voyeur sur les bords.


Les photos, cela dit, sont remarquables. Cf. l'article de La Repubblica: http://www.repubblica.it/ambiente/2016/03/17/foto/a_due_italiani_gli_oscar_della_fotografia_naturalistica_ecco_gli_scatti_piu_belli_del_2015-135711545/1/?ref=HRESS-45#1

8 commentaires:

  1. Impressionnantes photos en effet. Après les fous de Grand Bassam, Côte d'Ivoire, le fou de Bassan, océan. Au risque de faire partie des voyeurs, je la trouve magnifique cette photo,(celle de Felipe Foncueva), mais ne la comprends pas : est-ce bien un oiseau miniature sur son flan ?
    Je vais sûrement dire des bêtises (mais c'est une question d'habitude), je pense que l'inflation d'images, photographiques, cinématographiques, qui tapissent de plusieurs couches nos existences, permet un voyeurisme tempéré. On a moins besoin d'aller assister en foules compactes et euphoriques aux supplices des condamnés en place publique. Il y a bien les coupeurs de tête contemporains, mais dans leur quête de pureté impossible à atteindre, parfois après une vie très dissolue, ils sont dans une frustration permanente qui les rend fous.
    Et il y a Claude Barzotti. Son tub n'était pas encore sorti quand j'ai passé 2 semaines à Rome en 84, après l'enchantement de Florence puis de Sienne. Sinon, j'aurais essayé de ne pas rater les tifosi. J'avais déjà dû faire un trait sur la Chapelle Sixtine, en travaux.

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    1. Je partage votre remarque. Officiellement réprouvée, la scène sanglante est désormais partout et dépasse largement nos "besoins". Il y a quelques temps, je concluais un article par la formule "Fin de la chasse et triomphe du cynégétique" : exhibée par les naturalistes, par les amis des animaux, par les antispécistes, par les éthologues, par les philosophes animaliers (je ne sais pas si j'inaugure cette formule ou si elle existe déjà), la mise à mort des animaux est partout. On n'a donc plus besoin du chasseur. Quant à Barzotti, vos avez deviné, c'est bien à sa chanson que je pensais. J'y reviendrai demain.

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  2. Il y a une connotation morale dans le proverbe italien absente du proverbe français.

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  3. Il y a aussi, il me semble, quelque chose ayant trait à éphémère, à l'instantanéité dans ces photographies. Même dans cette photo représentant deux trains bondés, qui pourrait représenter une sorte de misère durable (c'est un véritable cliché sur l'Inde ces trains), un individu saute d'un train à l'autre et est lui-aussi "saisi au vol", faisant apparaître l'instant présent dans cette histoire quasi-immobile.
    On dirait que l'art photographique n'est donc pas censé saisir une vérité éternelle mais plutôt un instant particulièrement fugace : un jeu de lumière ponctuel, le moment exact de la mise à mort. C'est bien sûr un défi technique de saisir aussi nettement un instant si court mais cela va au-delà je crois. La mise à mort renvoie à l'aspect éphémère de la vie, dans un moment clé de basculement. C'est, à mon sens, une esthétique de vie autant que de mort.

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  4. Je voulais parler du "flanc" de l'oiseau.

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  5. Ce que vous dites me fait penser à la célèbre photo de Robert Capa "The falling soldier" (1936). Cela pose la question essentielle des intentions (latentes et manifestes) de l'auteur de l'image et de son public. Je conviens avec vous que le caractère plus ou moins vital ou mortifère d'un cliché dépend des projections qu'on lui associe.

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    1. Merci de m'avoir indiqué cette très belle photo ! Il me semble, mais peut-être que j'interprète mal qu'elle s'inscrit dans un imaginaire révolutionnaire romantique assez différent des photos qui ont été retenues, mais mettant tous deux en tension mort et vie.
      La peinture du Douanier Rousseau à l'inverse mais plutôt en avant, selon moi, une sorte de spectacle de la terreur. Cela me fait penser à un poème de Leconte de Lisle dans ses Poèmes barbares, et qui s'intitule "Le rêve du Jaguar", que je me permets de citer ici pour ceux que ça intéresserait :
      Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
      Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
      Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches,
      Bercent le perroquet splendide et querelleur,
      L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
      C'est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
      Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
      Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
      Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ;
      Et, du mufle béant par la soif alourdi,
      Un souffle rauque et bref, d'une brusque secousse,
      Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
      Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse.
      En un creux du bois sombre interdit au soleil
      Il s'affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
      D'un large coup de langue il se lustre la patte ;
      Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ;
      Et, dans l'illusion de ses forces inertes,
      Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
      Il rêve qu'au milieu des plantations vertes,
      Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants
      Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.

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