vendredi 1 avril 2016

Moins de chats vivants = moins de chats morts


Cortège de Gattare avant leur réhabilitation de la part des autorité italiennes

Autrefois les  Gattare, les femmes à chats, étaient considérées comme des sorcières. Il y en avait une à Milan, en rue Pontaccio, qui infectait la cour avec ses cadavres de poulet bien alignés. C'était juste à côté d'une galerie d'art contemporain  mais ce n'était pas  du body art. A Marseille, dans le quartier du Panier, j'en ai connue une autre qui semblait sortir d'un roman de Victor Hugo. Pâle, à peine habillée, elle rôdait  derrière la place des Pistoles avec ses barquettes de sardines pourries qui dégageaient des miasmes hallucinogènes. En la voyant les gens  criaient : "Au bûcher, au bûcher ... ".

Aujourd'hui le statut des femmes à chats n'est plus le même. Comme nous l'apprend Anna Mannucci, qui en est la plus grande spécialiste, les gattare  de Rome  sont devenues des fonctionnaires de l' État censées protéger la communauté des chats du Colisée, élevée au rang de "Patrimoine national". Voici ce qu'elle écrit à propos de la conception du monde des gattare.

« [Chez les chats] la mortalité néo-natale et infantile est un fait extrêmement naturel et utile au maintien de l’équilibre démographique. Sur une portée de cinq chatons, pratiquement quatre environ, mais parfois tous, meurent rapidement. De privations, faim et maladies, donc avec beaucoup de souffrance. Si les petits sont soignés, nourris et arrivent à survivre, bientôt ils se reproduisent à leur tour.  La population augmente vertigineusement, avec tout ce que cela comporte. La « gattara » saisit cela clairement, elle voit, dans le concret, la dialectique entre éros et thanatos, leur réciproque et tragique nécessité. On pourrait dire que la « gattara » est malthusienne. La « gattara » moderne agit par la prévention, elle fait stériliser les chattes (même les males, mais c’est moins urgent). De cette manière, elle cherche à interrompre le flux des naissances et donc des souffrances et des morts. Ce changement dans la gestion des animaux errants a une grande utilité pratique aussi bien que symbolique : la stérilisation clôt la source de la vie pour éviter la douleur et la mort. De nombreuses « gattare » le disent explicitement, ce qui peut sembler paradoxal : leur désir c’est qu’il n’y ait plus de chats errants ». Anna Mannucci, « La donna dei gatti. Dalla gattara anomica alla tutor della legge ˝281˝, in, S.Dalla Bernardina éd., Retoriche dell’animalità/Rhétoriques de l’animalité, La ricerca folklorica n. 48, Brescia, Grafo, 2003,  p. 117


Bref, dans leur radicalisme inspiré, les gattare  révèlent des motivations  qui dépassent la simple philanthropie.

3 commentaires:

  1. Réponses
    1. Mi ameresti un po' meno se sapessi come ho commentato il passaggio in questione (cf. "Les joies du taxinomiste : classer, reclasser, déclasser", in Aux frontières de l'animal. Mises en scène et réflexivité (Annik Dubied, David Gerber et Juliet J. Fall éd.), Droz, Genève, 2012 (67-83). Appena trovo il coraggio te lo spedisco.

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  2. Peut-être que notre entêtement à nous détruire en sabordant la planète est l'expression de l'inconscient collectif, qui trouve là l'ultime protestation contre un démiurge sadique. On résout le problème par la suppression de l'énoncé.

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