samedi 15 décembre 2018

Chacun est libre (d'être un poulet)




« Les fermiers de Loué, le bon goût de la Liberté ».

J’en ai déjà parlé, je crois, mais à chaque fois que j’entends ces mots à la radio je m’émeus*. On dirait du  Paul Eluard :

« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté ».


6 commentaires:

  1. Comme je le dis tout le temps, en me plaçant humblement dans la ligne de Lénine et Trotsky, les philosophes idéalistes (bourgeois) n'ont de cesse de répéter "liberté, liberté" sur tous les tons. Les philosophes matérialistes (marxistes), eux, doivent répondre qu'une telle liberté est dépourvue de sens : la liberté pour qui ? et de faire quoi ? Il n'y a que la liberté de quelqu'un de faire quelque chose.

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    1. De grossir en plein air avant d’être mangé, par exemple.

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    2. Vous me l'ôtez de la bouche (si j'ose dire).

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  2. Il y aurait, en russe, plusieurs mots pour dire “liberté”, dont un, qu’on traduirait par “libre dans sa tête“ (comme dans la chanson de Michel Berger “Diego”).
    Mais pour accéder à cette liberté-là aussi, il faut une disponibilité d’esprit qui est confisquée par différentes formes d’aliénations, par un travail abrutissant, bien entendu, mais aussi par des conditionnements comme la consommation, le remboursement des dettes, la laisse électronique, etc, d’autant plus sournois qu’ils peuvent passer pour des choix de vie.

    J’ai trouvé très poignante, dans “Le cœur est un chasseur solitaire”, l’évocation de Mick, une adolescente qui prend un emploi pour aider sa famille dans la précarité, renonçant à l’école et à sa passion pour la musique :
    “Mais maintenant elle n’avait plus de musique dans l’esprit. C’était bizarre. On aurait dit qu’elle était mise à la porte de la chambre intérieure. (...) C’était comme si elle était trop tendue. Ou peut-être le magasin prenait-il toute son énergie et tout son temps.(...) maintenant elle était toujours trop fatiguée. (...) Mais peut-être tout s’arrangerait bien pour le piano. Peut-être aurait-elle bientôt une chance. Autrement, à quoi servirait (...) la musique et les projets qu’elle avait faits dans la chambre intérieure. Il fallait que cela eût une valeur si les choses avaient un sens. Et ça en avait et ça en avait et ça en avait. Tout cela avait une valeur.
    Très bien.
    Parfait.
    Une valeur !”

    Les poules de Loué ont peut-être accès à leur “chambre intérieure” ?

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    1. Chère Armelle,

      Vos propos apportent au marxisme dont je me suis fais le héraut mi-sérieux mi-amusé, la touche de constructivisme qui lui manque si cruellement. Aussi, j'applaudis votre message des deux mains.

      J'en profite pour glisser une remarque linguistique. Je ne sais pas à quoi vous faites allusion exactement mais, en russe, il y a deux principaux termes pour "liberté". Le premier est "svoboda" : il désigne le fait de ne pas être sous une domination politique, d'être un homme libre. Le second est "volya" : il a le sens très large de "volonté" (sauf "volonté" au sens de "détermination" qui serait plutôt "sila voli", litt. "force de la volonté", "willpower" en anglais). Il peut contextuellement désigner le fait d'être libre d'aller où l'on veut. Pour un animal, on peut dire qu'il est "na volye" (litt. "sur la volonté/liberté") pour dire qu'il est à l'état sauvage ou, au moins, libre de ses mouvements. Difficile, cependant selon ma femme de dire que des poulets sont "na volye" quand ils sont élevés "en liberté". Ca me fait d'ailleurs penser à une très belle chanson cosaque, "Oy pri luzhku, pri luzhke" : "Ô près du pré, près de la prairie, près du large champ, près du troupeau [de chevaux] familier, un cheval se promenait en liberté("na volye")".
      Tout ça est assez théorique et j'ai l'impression que, dans la pratique, les deux usages sont assez facilement interchangeables car, quand on y pense concrètement, la nuance est finalement bien mince.

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  3. Un grand merci, Adrien pour ces éclaircissements. Nous ne jouons décidément pas dans la même cour.
    Ces nuances avaient été résumées par un de mes fils, quand une initiation au russe lui avait été proposée au lycée. Je pratique le téléphone russe en quelque sorte.
    On peut imaginer que les poules élevées en plein air se disent à la fois qu’elles ont au moins échappé aux batteries, et que, autant que possible, elles resteront libres de leur pensée politique.

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