dimanche 17 février 2019

Traumatismes de guerre (aux innocents) (1)





Le trophée de chasse permet à la fois de célébrer un triomphe et d’honorer le vaincu. On prend et on restitue à la fois.*  Le récit de chasse remplit la même fonction : d’un côté il décrit une victoire sur l’animal, de l’autre il justifie sa mise à mort. Trophée et récit permettent de savourer à volonté « ce moment-là », le moment  où on a tué. Ils donnent à l'événement une raison, une perspective.  Si le chasseur revient sur la scène du meurtre c’est pour partager sa joie mais aussi pour mettre de l’ordre,  purifier, momifier. Moi aussi l’autre jour, en décrivant la suppression d’une bestiole  qui rongeait mes livres j’ai reproduit le même modèle. N’y avait-il pas du plaisir sadique dans la description du corps de l'insecte qui éclate comme une baie sous la pression de mes doigts? C’est difficile à nier. Mais si j’ai gardé à l’esprit cet épisode somme toute ordinaire (j’ai tué d’autres insectes dans ma vie) c’est aussi peut-être qu’il m’a troublé. Quelque chose  dans la procédure n’a pas marché. Et pour exorciser le détail obscène j’ai eu besoin de le représenter.  Loin de s’opposer, les mobiles sadique et cathartique  ont tendance à cohabiter.  J’y reviendrai.

* On prend, on prétend restituer.

1 commentaire:

  1. L’observation des connexions cérébrales en action, quand on convoque ses souvenirs, indiquerait qu’on les réinscrit dans de nouveaux circuits nerveux, augmentant la probabilité de les transformer.
    C’est ainsi que peut-être, dans plusieurs générations, se racontera “la légende du poisson d’argent”.
    Pour l’inavouable, il y aurait plutôt les mythes ? (Les mites ne s’attaquent pas au papier mais aux tissus).

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