mercredi 7 décembre 2016

La femme des bois



Couple zoomorphe dans les rues de Brest

En réaction au tableau de Frida Kahlo, on m'a invité à visiter un commerce brestois situé en rue Jaurès*. Printemps, actuellement,  nous propose  une installation  énigmatique associant une femme/cerf avec  un  homme/ours. Comment interpréter cette allégorie?

À première vue, si j'étais un enfant, je crois que je dirais : "La dame est fière parce qu'elle a des bois. Le monsieur est triste parce qu'il n'en a pas.  Le sapin  à côté signifie que c'est Noël. Donc joyeux Noël à tout le monde".     


*Merci Marie

16 commentaires:

  1. Je passe chaque matin devant cette vitrine qui me laisse décidément très songeuse... Je serais curieuse de savoir d'où vient cette idée de mise en scène et ce qu'ont pensé les vendeuses en la mettant en place... Peut-être qu'il s'agit en fait d'un cerf travesti... et fière de l'être!

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  2. J'y pense, l'ours de la vitrine est peut-être la version moderne de l'ours de la Fontaine dans la fable "L'ours et l'Amateur des jardins"...
    "Certain Ours montagnard, Ours à demi léché,
    Confiné par le sort dans un bois solitaire,
    Nouveau Bellérophon vivait seul et caché :
    Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire
    N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés:
    Il est bon de parler, et meilleur de se taire,
    Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
    Nul animal n'avait affaire
    Dans les lieux que l'Ours habitait ;
    Si bien que tout Ours qu'il était
    Il vint à s'ennuyer de cette triste vie."

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  3. Il serait très intéressant, en effet de connaître les mobiles des concepteurs et la perception du personnel et du public (d'où l'existence des ethnologues et des psychologues sociaux). À première vue le fantasme - de plus en plus récurrent - des "femmes à bois", me fait penser au mythe platonicien de l'Androgyne (la plénitude des origines, lorsque les deux potentiels, féminin et masculin, étaient réunis).

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  4. L'homme-ours a l'air en retrait par rapport à la femme-cerf, avec l'air presque triste, comme l'ours de la fable. En plus, il n'est pas un personnage qui m'apparaît très positif : violent et bête (la morale de la fable, de mémoire : "Rien n'est pire qu'un ignorant ami / Mieux vaudrait un sage ennemi), paresseux, mal ou "à demi" léché. A l'inverse, le cerf se met en avant, de manière orgueilleuse, avec ses bois mais aussi son sac, son style vestimentaire et sa façon de porter ses habits bien plus originale que l'ours. Mais tous ces attributs (orgueil, indépendance, volonté, virilité), s'ils sont portés par une femme, ne sont pas au fond (et de manière manifeste à travers l'animal choisi) féminins. Peut-être que ces deux animaux sont des mâles, parce que, avant tout, deux figures concurrente de la masculinité. La femme est un homme comme les autres (un peu mieux même : elle connaît les codes de la modernité).

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    1. Méfions nous et méfiez vous... orgueil, indépendance et volonté sont des attributs féminins et envelopppés dans la féminité, ils peuvent être redoutables... femme/proie, homme/proie...
      Moi, j'aime bien l'ours de la vitrine.. il me semble faire preuve de distance...

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  5. Un cerf "drag queen", ce pauvre ours n'en est pas revenu !!!
    Mais le cerf de la vitrine est bien loin du cerf de La Fontaine Fables VIII 14 " les obsèques de la lionne" qui se termine par :
    Le Cerf eut un présent, bien loin d'être puni.
    Amusez les Rois par des songes,
    Flattez-les, payez-les d'agréables mensonges,
    Quelque indignation dont leur coeur soit rempli,
    Ils goberont l'appât, vous serez leur ami."
    ... quoique, quoique !!!
    Et si j'étais une enfant, je dirais " la dame, elle fait sa chef" ...

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  6. "Ils vécurent enfants et firent de nombreux heureux".

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  7. Je ne comprends pas bien votre hiérarchisation des valeurs et votre sexualisation des qualités et défauts (je m'adresse à Adrien, je tape toujours à côté pour la case "répondre ". Est-ce selon vous ou selon des stéréotypes ?

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  8. Bon, finalement, ce n'est pas seulement â Adrien que je pose la question.

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    1. Chère Armelle. J'essaie de m'inscrire dans le style du blog. Mon commentaire n'est donc pas une réflexion construite mais une réaction mi-sérieuse mi-amusée. Pour essayer de vous répondre toutefois, et sans être un spécialiste d'étude de genre, loin de là, j'ai l'impression qu'ici, contrairement au tableau de Frida Kahlo, la figure féminine est extrêmement positive, et est représentée par un animal mâle (symbole d'une forme de masculinité agressive : c'est l'animal du brâme, du rut, etc.). Or c'est une banalité, du moins l'ai-je compris ainsi, de considérer que les représentations de genre sont une forme de hiérarchisation des individus. C'est ainsi qu'on peut rehausser le statut d'une femme en la masculinisant (à l'inverse féminiser un homme est presque systématiquement vu de manière négative - une femme peut porter des vêtements d'homme, un homme ne peut pas porter des vêtements de femme sans quelque ridicule). J'ai l'impression ici que l'affirmation de la féminité se fait en mettant en concurrence deux formes de masculinité. Si je ne tiens pas particulièrement au fait que les "qualités" que j'ai mentionnées soient forcément situées du point de vue du genre (ni même présentes dans le personnage de la femme-cerf), il me semble que, quand même, on attend que l'homme s'affirme et que la femme reste en retrait (en gros, les hommes sont censés être des "grandes-gueules" - pour une femme ça fait vulgaire). De manière générale, l'affirmation de la femme me semble systématiquement un transgression (je veux dire par là qu'elle nous surprend - ce n'est pas un jugement de valeur). Mais ma pensée reste quand même à l'état d'une sociologie du genre "sauvage".

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  9. Finalement, la seule chose qui compte, c'est encore de pousser à la consommation (le vrai opium du peuple) en suggérant à chacun de faire la démonstration de sa position de mâle ou femelle Alpha, et en exaltant au passage l'agressivité "naturelle" du libéralisme économique. Pour l'homme ours, c'est acquis depuis longtemps, sa position en retrait, genre "bodyguard " confirme qu'il n'a rien à prouver. La femme cerf(e) (serf(e) ?) peut toujours se faire son film, en "gracieuse" reine de la forêt : en cas de conflit contre l'ours, elle ne fait pas un pli.

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    1. La femme cerf est donc une femme/proie, non une victime du destin et de la passion comme Frida Kahlo, mais une cible du capitalisme... si l'une peut être digne, l'autre n'a pas de quoi être fière.

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    2. Vous avez peut-être raison (j'ai du mal à comprendre, parfois). En tout cas, je repasserai devant la vitrine de Printemps pour lui dire.

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  10. Je suis d'accord avec cette analyse. C'est là que je voulais en venir, mais j'avais peur de passer pour un structuralo-marxiste. Le message me semble être : "Habillez-vous comme ça et vous serez une femme qui a des c****".

    Mais mon épouse vient de me faire remarquer que la dame n'est peut-être pas un cerf mais un renne. Et il semblerait que la femelle chez les rennes ait aussi des cornes...

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  11. Bien vu. Cette femme à cornes reste néanmoins curieuse. Sur le plan biologique, au moins chez certaines espèces, le lien entre les bois et la testostérone est bien connu. Sur le plan de l'imaginaire aussi.

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  12. Ah, mais la femme à cornes est Vixen/Fringant, une des rennes femelles de l'attelage du traîneau du Père Noël ( 8 Rennes, 4 mâles, 4 femelles) qui a la particularité d'être belle et puissante...!!! Ces 8 Rennes nés de l'imagination du poète imprimeur américain Clément Clark en 1821, le 9ème renne de l'attelage -celui au nez rouge- né en 1939 dans l'histoire d'un certain Robert May, employé de.... magasin à Chicago !!!
    Voilà ce que je viens de découvrir.... car je ne savais pas que les rennes femelles portaient des bois , pas de nom spécifique pour les dames rennes ?
    Je crois que je vais demander au Père Noël, un livre : Martyne Perrot. Le cadeau de Noël. Histoire d'une invention. Ed. Autrement. Collection "leçons de choses. 2013.
    Mais quelle idée à l'origine de cette scénographie ?

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