dimanche 13 mai 2018

Pour un monde cruelty free


L'autre jour, en lisant les copies d'un cours consacré aux "Rhétoriques de l'animalité", je suis tombé sur le témoignage d'un étudiant décrivant la chasse à la hutte pratiquée par son père.  On pourrait penser, a priori, que c'est une chasse plutôt puérile (lorsque  le canard passe, on le descend). Mais il s'avère que la chasse à la hutte implique la reconstitution intégrale d'un microcosme et la maîtrise d'un nombre considérable de paramètres.  Je me limiterai à transcrire le passage concernant le rôle des appelants. 

"Il gère toute la reproduction des canards et connaît ainsi, par exemple, les meilleurs couveuses qui devront couver les œufs des canes qui peuvent être des bons appelants, mais qui sont incapables de garder leur nid correctement.   Mon père a toujours su m'impressionner par sa connaissance générale du monde ornithologique mais encore plus par la connaissance de ses propres canards. Il est en effet capable de les reconnaître tous à l'apparence mais également à leur chant. Il passe des heures à les écouter, à sélectionner leurs meilleures "voix", à étudier des configurations possibles où il a pu chasser, principalement situées dans le département de la marne. Pour les écouter, il faut que les canes soient accouplées avec leur mâle, cet accouplement n'est pas dû au hasard, il faut sélectionner les meilleurs, les plus réguliers. Il faut ensuite éloigner les membres du couple en plaçant la cane dans une cage par exemple, et écouter le dialogue avec son mâle. On différencie donc différents types de chant, les chanteuses, les "demi-cri" et les "court-cri". Les premières sont à placer en dehors du plan d'eau sur des plateaux en hauteur, elles ont pour but d'attirer les canards de loin par leur chant plutôt fort, long et régulier, il ne faut pas  les placer trop près car elles peuvent effrayer le gibier.  Les demi-cri  sont à placer sur l'étang, au moyen de "va-et-vient- (...) ou par des cordes reliées à un poids que l'on place à l'endroit voulu, si l'eau n'est pas trop profonde. Elles chantent beaucoup moins longtemps  et régulièrement que les chanteuses. Les dernières, les court-cri, sont à placer en premier, donc le plus loin dans l'eau par rapport à la hutte car elles sont les plus calmes et ce sont celles qui ont le moins de chant et le plus doux. Ces dernières sont donc celles qui sont censées chanter uniquement lorsqu'il y a une "pose", elles avertissent donc le chasseur, attentif à tous les bruits environnants même lorsqu'il n'est pas aux guignettes. Si elle est vraiment très bonne,  une "court-cri" amènera le canard à se poser juste à côté d'elle. On place également quelques sauvagines sur l'eau pour agrémenter avec des chants divers. (...) Quand cela ne fonctionne pas c'est toute une stratégie qu'il faut revoir, mais quand cela fonctionne enfin c'est une fierté, c'est une osmose réussie entre le chasseur et le chassé, c'est une analyse fonctionnelle des codes qui régissent la migration des canards".

Le "chassé" aurait bien préféré s'épargner cette osmose, c'est vrai. Et si les canards apprivoisés semblent aimer leur maître, diront certains, c'est à la manière des esclaves. Des mondes meilleurs, heureusement, sont en train de remplacer celui-ci. Le nôtre, par exemple. C'est un monde plus moral, où l'animal n'est plus un subalterne (que l'on pense à notre chat ... c'est lui qui nous a domestiqués etc. etc.) et où les connaissances en matière d'antipuces-bio, de litières aromatisées aux parfums d'orient et de médicaments "cruelty free" pour soigner les crises dépressives de notre protégé remplacent largement les savoirs naturalistes du chasseur.

L'altro giorno, leggendo gli elaborati di un corso dedicato  alle "Retoriche dell'animalità", mi sono imbattuto nella testimonianza di uno studente che descrive la caccia agli anatidi praticata da suo padre. Si potrebbe credere, a priori, che sia una caccia puerile : quando l'anatra passa, uno spara e la ammazza. Fatto sta che che questo tipo di daccia implica la ricostruzione di un autentico microcosmo e la padronanza di un numero impressionante di parametri. Ho trascritto in francese il passaggio relativo al ruolo dei richiami e, dato che è lungo, non lo traduco, affidandomi alle competenze linguistiche del lettore italiano.

Certo, il "cacciato" avrebbe preferito risparmiarsi quest'osmosi. E se le anatre da richiamo sembrano amare il loro padrone, dirà qualcuno, è alla maniera degli schiavi. Ma dei mondi migliori, per fortuna, si stanno profilando. Il nostro, per esempio. È un mondo più morale, in cui l'animale non è più un subalterno (basta pensare al nostro gatto ... è proprio indipendente ... è lui che ci ha addomesticati ecc. ecc.) e nel quale le conoscenze in materia di anti-pulci bio, di lettiere aromatizzate ai profumi di oriente e di medicinali "cruelty free" per curare le crisi depressive del nostro protetto rimpiazzano ampiamente i saperi naturalistici del cacciatore.

5 commentaires:

  1. L’extrait que vous citez est beau, il témoigne que la transmission de l’expertise du père semble en bonne voie et l’admiration filiale le rend émouvant.
    Mais ce n’est pas, en effet, sans une calme cruauté. La cane, ingénue (j’imagine), assiste à la mort du canard qu’elle avait élu, sans savoir (j’imagine encore) qu’elle l’a conduit elle-même à sa perte. Et ainsi de suite, elle se voit maudite en amour, sans savoir (j’imagine toujours) qu’elle est seulement l’objet de la manipulation d’un être plus puissant (mais pas un démiurge) dont la préoccupation est d’être un bon chasseur de canards et que c’est uniquement pour ça qu’il prend soin d’elle.

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    1. Le scénario que vous imaginez est atroce et vraisemblable à la fois. Autres lectures possibles (moi aussi j’imagine) : 1) La cane est amoureuse de son maître même si ce "faux démiurge" ne le mériterait pas. 2) La cane ne s’identifie pas au canard, elle se prend pour un humain et elle est fière de collaborer. 3) Captive, la cane est jalouse des canards en liberté. Dans le microcosme de l’oiseleur, en tout cas, la cruauté est flagrante. Ailleurs ça se voit moins.

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  2. anche gli stalkers e i mariti assassini conoscono bene le abitudini delle loro vittime, sanno dove stanno, cosa fanno, come acciuffarle e farle fuori ecc.
    Anche i pedofili: a Milano agisce uno che ha già violentato 7 o 8 bambine (anche di sei anni), va in giro con dei pelouche, sa fare la voce adatta alle bambine, l'ha studiata, conosce bene le sue vittime...

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    1. L'uccellatore : un pedofilo tra i tanti. Non sono certo di condividere ma la trovata comunque è bella.

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  3. Spontanément, Anna, j’identifie l’humain chasseur à un autre animal prédateur, plutôt qu’aux pervers(es), même si des finesses techniques analogues sont employées. Les déglingué(e)s sexuel(le)s sont le symptôme d’un dysfonctionnement, disons : ”social”; je vois les chasseurs (comme celui décrit dans ce post) comme le vestige d’un passé où l’être humain occidental (on ne fait pas tellement ce procès aux autres) et le monde naturel vivaient en osmose (c’est bien le terme employé

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