dimanche 8 juillet 2018

L’épreuve du bac végane



 Chats qui jouent entre eux en nous donnant du plaisir

J’étais ailleurs, ça m’avait échappé. Les représentants des chasseurs viennent d’accuser les concepteurs de l’ épreuve du bac de français de faire de la propagande « végane » (on leur a reproché de citer des célébrités qui dénoncent notre anthropocentrisme). Je ne suis pas d’accord. Quoi de plus pertinent qu’une dissertation sur la cruauté humaine et sur le statut des animaux ?  On ne demandait pas aux candidats de partager le point de vue de Pythagore, de Plutarque ou de Marguerite Yourcenar. L’étudiant doté d’esprit critique pouvait s’interroger sur les intentions de l’examinateur ( sur les sens de ses choix : « Pourquoi a-t-il sélectionné ces auteurs-là ? » ). Il pouvait s’interroger sur la cohérence et les intentions réelles des  auteurs cités (« De qui parlent-ils ? À qui s’adressent-ils ? »). Il pouvait désacraliser les fragments proposés en montrant leur contingence et leur caractère idéologique. Personnellement, j’aurais attiré l’attention sur le passage suivant :

«  La nature, je le crains, attache elle même à l’homme quelque instinct qui le porte à l’inhumanité. Nul ne prend son amusement à voir des bêtes jouer entre elles et se caresser, et nul ne manque de le prendre à les voir se déchirer mutuellement et se démembrer »(Montaigne, Essais, livre II, chapitre 11).

Une partie de cette proposition est aujourd’hui infondée : l’internaute « prend son amusement à voir des bêtes jouer entre elles et se caresser » (pour ce qui est du passé laissons trancher aux historiens). La partie finale, qui contient une autre généralisation,  mérite d’être poussée à ses extrêmes conséquences. En fait c’est peut-être vrai que « nul ne manque [de s’amuser] à voir [les bêtes] se déchirer mutuellement et se démembrer ».  Ce plaisir « inhumain » transparait même chez les défenseurs de la cause animale*. Mais la réalisation de cet « amusement »  demande de plus en plus de détours. Le spectacle de la souffrance animale passe désormais par sa dénonciation. Je peux m’empiffrer d’images insoutenables pourvu que ce soit pour la bonne cause (corps de poussins écrasés, chiens ligotés qui attendent d’être mangés par les Chinois, masques de sang derrière lesquels on a du mal a reconnaître le museau d’un taureau … ).  Merci aux associations philanthropiques (30 Millions d’amis, Fondation Brigitte Bardot, L214 etc.) d’assurer la besogne.


* J’en parle largement dans mes  ouvrages L’Utopie de la nature et L’éloquence des bêtes  dans les chapitres consacrés à  la mort animale.

3 commentaires:

  1. Je m'étonne que des militants de L 214 & Co n'aient pas
    encore posté des commentaires incendiaires sur votre blog (peut-être
    préfèrent-ils le faire ailleurs, je n'ai pas vérifié). Par contre, je
    doute qu'un candidat au bac qui interrogerait les motivations secrètes
    du concepteur du sujet n'obtienne la moyenne, quelle que soit
    l'excellence de sa copie. S'il "obtenait" néanmoins son bac, il
    "finirait" probablement en ethnologie...

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  2. Je suis d'accord avec vous. Seulement un kamikaze s'interrogerait par écrit su les intentions de son examinateur. Je suis en désaccord quant au dernier propos : chez les ethnologues j'ai rencontré beaucoup de moralistes et de conservateurs.

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  3. Je me disais seulement qu'un candidat qui s'interrogerait sur les motivations indicibles des examinateurs ferait un bon ethnologue (ce qui ne veut pas forcément dire qu'il réussirait dans le "métier")

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