mardi 17 novembre 2015

Le chien idéal et la peur de l'étranger.


"Une erreur que commettent souvent  les amis des animaux qui n'ont pas beaucoup d'expérience des chiens, c'est de choisir celui qui se montre le plus amical lors de la première rencontre. Il ne faut pas oublier qu'en choisissant ainsi, on choisit inévitablement le plus flagorneur de la bande : on sera moins content, plus tard, quand on le verra montrer la même amitié à n'importe quel étranger".


(Konrad Lorenz,  prix Nobel de physiologie ou médecine en 1973, Tous les chiens, tous les chats, Paris, Flammarion, 1969, p. 117).


8 commentaires:

  1. Vous souvenez vous de cette scène dans Cristo si è fermato a Eboli (le film), quand Carlo Levi, escorté par des policiers, trouve un chien abandonné? Il caresse la tête du chien, qui dès lors le suit fidèlement, jusqu'à ce que Carlo Levi déclare aux policiers qu'il veut garder le chien (je ne me souviens plus de son nom). En somme, ce n'est pas C. Levi qui adopte le chien, c'est le chien qui l'adopte! Et qui est "adopté" en retour, par une espèce de déclaration "officielle" devant les autorités ("C'est mon chien," dit Levi en prenant sa défense) Cette première rencontre est émouvante: l'un est relégué loin de chez lui et des siens, l'autre est abandonné, errant; ce sont deux solitudes, deux réprouvés qui se rencontrent et s'adoptent mutuellement. Que voulait dire Lorenz en parlant de flagornerie? Certains chiens, on le sait, sont très sociables, et même très affectueux, c'est plutôt tant mieux, non?

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    1. Konrad Lorenz explique dans son livre ce qu'il entend par "flagornerie". C'est le trait de caractère du chien qui fait la fête a tout le monde- inconnus compris- et qui suivrait n'importe qui; C'est donc un chien qui, à priori, est dépourvu de cette "qualité" qui le rend si irremplaçable aux yeux de son maitre: l'amour indéfectible et inconditionnel qu'il lui voue Ce qui n'empêche pas cet animal d'être amical, voire affectueux avec les autres membres de la famille ou des amis.

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    2. Si je devais rencontrer le chien idéal de Konrad Lorenz, j'espère tout juste qu'il me rangera dans le cercle des amis.

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  2. Malheureusement je n'ai pas vu le film. Dans le roman le chien de Carlo Levi s'appelle Barone. Pour expliquer les différences entre Levi et Lorenz en matière de chiens on aurait envie de rappeler qu'à la même époque l'un avait été confiné par le Duce à Aliano (là où le Christ n'était jamais passé), alors que l'autre était membre du département de politique raciale du parti nazi. Mais c'est simpliste et caricatural, je le reconnais. Lorsqu'il parle de ses chiens, Lorenz, est très humain.

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  3. Ah Konrad Lorenz ! Il y a tellement de passages savoureux dans ce bouquin.
    Mon "préféré" personnellement : "C'est un fait, regrettable et indéniable, que l'élevage [canin] en vue d'un standard très strict de qualités physiques est incompatible avec un élevage en vue de qualités mentales. Les individus qui réunissent les qualités requises par les deux genres d'élevage sont si rares qu'ils ne suffiraient même pas à constituer une fondation pour la propagation de leur espèce. De même je ne vois pas d'exemple d'un grand esprit qui ait jamais approché des qualités physiques d'un Adonis, ni d'une femme vraiment belle qui fasse preuve d'un degré tolérable d'intelligence [...]."

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  4. Adolf Hitler aimait beaucoup son chien aussi, et il était végétarien. Konrad Lorenz, me semble-t-il, nous a fait un bel aveu de paranoïa en confondant l'aménité et la flagornerie. Son apparent besoin de contrôler l'empêchait probablement de seulement imaginer que le choix puisse venir du chien. Je connais quelqu'un qui faisait ce même reproche à son sympathique compagnon, d'être si amical avec tout le monde qu'il était capable de le quitter pour le premier venu. Il l'emmenait partout avec lui et le chien passait beaucoup de temps à l'attendre dans la voiture. Un jour de grande chaleur il l'a retrouvé mort déshydraté. Je dirais : "acte manqué ". Et décidément, les paranoïaques font des dégâts. Désolée de vous faire partager cette horrible histoire. Le post d'hier l'a fait remonter des fonds glauques.

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  5. Tout cela me fait penser à un morceau d'un roman d'Elio Vittorino, « Uomini e no », voici-le traduit par moi-même:
    [Il s'agit d'un dialogue entre un résistant partisan et un officiel allemand pendant les jours de la libération de Milan, Deuxième Guerre mondiale]

    "T'aimes bien les chiens?" lui demanda l'officiel allemand
    "Si je les aime bien?" dit Fils-de-Dieu "J'aime bien certains chiens. Certains autres je ne les aime pas. Je ne les aime pas tous".
    “Les chiens ne trahissent pas. Ils restent toujours fidèles”
    “Celle-ci n'est pas une bonne qualité” dit Fils-de-Dieu
    “Ah bon?” dit l'officiel
    “No capitaine. Un homme est bien, et le chien lui est fidèle. Un homme n'est pas bien, et le chien lui est fidèle quand-même”.

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  6. C'est drôle, il y a quelques jours, pour en finir avec ces histoires de chiens et de fascistes sur une note joyeuse, j'avais préparé un billet au ton léger, je dirais même "goliardico" (comment traduit-on ça en français?). Mais après ce qui s'est passé j'y avais renoncé. Je prends le passage que vous citez (très à propos, de mon point de vue, il faudrait lire Vittorini, je le sais ...) comme une autorisation à le publier.

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