vendredi 22 janvier 2016

Questions d'éthique végétale


Cantarellus tubiformis

La "bonne mort" du lièvre dit-on en Italie, c'est le civet.  Et celle des champignons? Je savais qu'à Noël, en raison du réchauffement climatique, j'avais quelques chances d'en trouver. J'ai eu beau arpenter la forêt pendant toute la matinée, il n'y en avait pas. En rentrant, lorsque j'avais perdu tout espoir, je suis tombé sur des chanterelles. Elles étaient censées être là, en effet, et leur présence ne m'a pas étonné. Les arbres autour étaient majestueux, l'herbe était particulièrement rase  et les champignons semblaient plus grands que d'habitude, bien distribués dans l'espace comme s'ils étaient cultivés. Un vent léger donnait au tout  une ambiance hors du temps, genre  "enclos sacré". Je leur ai dit : "Vous avez eu de la malchance, mes belles chanterelles, à quelques mètres près je ne vous aurais pas aperçues".  Elles étaient en pleine forme, même si quelques exemplaires, dans les endroits mal exposés, avaient  été brulés par la gelée. Si j'étais un champignon, me suis-je demandé, comment aimerais-je finir, surpris par le froid au milieu de la nuit et dans l'anonymat le plus complet ou mis en valeur par un humain, cuit comme il se doit et intégré à son cycle alimentaire? Ma réponse fut : "Surpris par le froid au milieu de la nuit et dans l'anonymat le plus complet". J'en ramassai pas mal. En partant,  hypocritement, je laissai sur place les plus petits pour qu'ils se reproduisent.


Question d'éthique végétale : lorsqu'on est une chanterelle, mieux vaut-il  être mangée par un expert, qui sait parfaitement ce qu'il mange, ou par un dilettante qui ne fait pas la différence avec un champignon de Paris?

1 commentaire:

  1. Je trouve dommage d'associer le dilettante à l'ignorance. Il peut avoir choisi le biais du plaisir pour approcher la vérité. Le terme "expert" m'inspire une certaine méfiance. Ce qui est vrai aujourd'hui ne le reste pas forcément. Et mon fond conciliant les voit plutôt complémentaires.
    Pour revenir aux champignons, l'expertise me semble toute indiquée pour en écarter les toxiques, l'approche sensible me semble la meilleure pour en distinguer les saveurs. Les amateurs "aiment" et il n'y a que ça qui compte.
    Comme chanterelle, vous préfèreriez finir "Surpris par le froid au milieu de la nuit et dans l'anonymat le plus complet". Puisque ce serait dans l'ordre des choses, je ne crois pas que ça sonnerait aussi tristement, exprimé dans le langage des champignons. Ils ont peut-être des codes communautaires pour accompagner leurs mourants.

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