jeudi 11 décembre 2025

Les confessions d'un cannibale ou presque (3 sur 3)

 

 Paolo Dalla Bernardina, Faisan
 

(Suite et fin) Résumons : moi et mon collègue nous trouvons une gélinotte inerte et, au lieu de la laisser pourrir sur le chemin, dévorée par les vers et les charognards, nous décidons de la manger nous-mêmes. Dans le passé, cette histoire inhabituelle aurait suscité de la curiosité et, à la limite, un peu de jalousie (tout le monde n’ayant pas eu la chance de savourer une gélinotte). Aujourd’hui - et je trouve la chose triste, pour ne pas dire inquiétante - j’ai le sentiment de devoir me justifier. Je pourrais le faire de façon grandiloquente en déclarant que manger ce noble animal, pour moi, était une manière de le respecter. Je préfère assumer mon penchant hédoniste.

J’appartiens à une civilisation où manger avec plaisir un civet de lièvre n’avait rien d’obscène, loin de là. C’était une époque où les croyants étaient persuadés que le Bon Dieu avait mis le gibier à leur disposition (c’était bien pratique, il faut le reconnaître). Les athées revenaient de leurs sorties de chasse tout aussi sereins, leur faisan dans la gibecière, ne pensant pas avoir fait le mal.  

Je comprends les végétariens et les animalstes. Quelque part, je les admire. Ce que je n’aime pas, c’est lorsque leur choix personnel devient un critère d’évaluation morale. À côté d’un végétarien qui se met à juger ma carnivorité je me sens sale. Je me dis : « Il est plus propre que moi, celui-là ». Automatiquement, pour me consoler, je me demande où il cache sa saleté à lui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire