jeudi 27 août 2015

Cecil 2. La nature contre qui?



La nature est comme le bon Dieu. En l'absence d'un discours explicite de sa part on peut lui faire dire n'importe quoi. La scène se passe encore une fois dans ce grand zoo en plein air qu'est le Zimbabwe National Park où vivait le regretté Cecil. Une famille de touristes bien intentionnés s'est approchée d'un groupe de six lions.  Un de ces félins, un certain Nxaha, muni lui aussi comme Cecil d'un collier GPS lui permettant de rester en contact avec le monde civilisé, s'est d'un coup souvenu qu'il était un prédateur et il a "prédaté" le guide (Quinn Swales, 40 ans) (le verbe prédater, m'a-t-on expliqué, n'existe pas en français. J'emprunte ce néologisme à Catherine-Marie Dubreuil).

Voici le commentaire de La Repubblica (26 août), un de mes quotidiens préférés  :

"La vengeance de la nature, donc, ne s'est pas faite attendre".

Résumons : mécontente de la mort de Cecil, lion médiatique lâchement tué par un dentiste du Minnesota, la nature se venge sur un pauvre guide, ami des animaux sauvages, qui n'y est strictement pour rien. Cela revient à anthropomorphiser la nature tout en lui prêtant un QI très bas.


Corollaire : Est-ce qu'au Zimbabwe tous les lions ont un nom?

3 commentaires:

  1. Cette idée d' "anthropomorphiser la nature tout en lui prêtant un QI très bas" m'a interpellé.Il m'est arrivé en me promenant de tomber sur des gens attroupés autour d'un camion de cirque et qui se lamentaient sur le sort des pauvres fauves enfermés dans quelques mètres carrés. J'avais dû attribuer un QI un peu élevé aux animaux en question car personnellement j'étais un peu gêné à l'idée de rester là planter à les regarder tourner en rond (j'ai donc fui leur regard). En remontant la rue, j'ai eu à peu près le même sentiment désagréable en sentant les yeux de tous ceux qui font la manche dans la rue braqués sur moi. Mais cette fois je n'étais pas seul à me sentir embarrassé puisque personne n'aurait osé s'arrêter et s'apitoyer tout haut sur leurs conditions d'existence sans leur donner un peu de monnaie.
    Une des grandes différences entre les lions et les hommes, c'est que les seconds comprennent ce que l'on dit à leur sujet. S'agissant des lions, on peut faire l'étalage de notre compassion sans que cela ne nous engage à rien auprès d'eux...J'écris sur un ton léger mais cela me fait réfléchir au sens de notre amour pour la nature. A méditer donc...

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    1. Je crois comprendre, d'après votre analyse, que l'on s'indigne davantage lorsque cela ne coûte pas un rond.

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  2. En fait non, je ne pensais pas vraiment à une question d'argent. Mais je crois que l'on culpabilise plus lorsque l'on s'imagine que l'autre nous rend en partie responsable de sa situation. Je baisse les yeux devant le regard d'un homme parce que je l'interprète comme une question qui me demande de me justifier si je ne fais rien pour lui. Il me semble que si l'on peut plus facilement regarder un lion dans les yeux c'est parce qu'on ne lui attribue pas un QI suffisant pour nous demander des comptes. Je voulais plutôt dire que l'on s'indigne plus bruyamment lorsque la "victime" nous laisse la conscience tranquille. Mais c'est seulement une idée, en y réfléchissant de nouveau je reviendrai peut-être dessus.

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