mardi 15 décembre 2015

Deviendrons-nous tous végétariens?


Mouton à queue grasse (1682). 
Illustration extraite de l'ouvrage d'Aïda Kanafani-Zahar : Le mouton et le mûrier. Rituel du sacrifice dans la montagne libanaise. Paris PUF, 1999.


J'ai parlé du sacrifice du mouton mais c'était un prétexte pour parler des élections régionales qui m'ont laissé un goût amer : j'ai découvert qu'un Français sur trois ne me donne aucune envie de boire un verre avec lui  (ce qui est réciproque, d'ailleurs).  Je reviens donc aux moutons.  Depuis des siècles, dans les monts du Liban, on a pris l'habitude de gaver un mouton avec des feuilles de murier, de vigne, de figuier et autres gourmandises. Le gavage produit de la graisse, qui s'accumule notamment dans la queue de l'animal, particulièrement précieuse pour la préparation et la conservation des aliments. Le succès de l'opération porte sur le maternage : plus le mouton  est aimé et soigné par la femme qui s'en occupe, plus il prospère. Inutile de préciser que, au moment du sacrifice, livrer ce "proche de l'homme"  à son destin est un acte qui ne va pas de soi  : " Un jour avant l'abattage, écrit Aïda Kanafani-Zahar, la femme 'fait une crise'. Elle ne l'empêche pas, elle essaie de le retarder; elle a un peu peur, tout juste espère-t-elle  faire reculer la date fatidique. Elle invoque le temps froid qui améliorera les performances d'engraissement. Elle accompagne ses gestes  nourriciers par des chansons tristes, en répétant : 'la pauvre, aujourd'hui tu manges et bientôt tu seras mort'".  Le rituel règle et "protège" la mise à mort en lui donnant une légitimité. Mais les gestes de la tradition, parfois, ne suffisent plus. " (...) Certaines femmes rurales qui, enfants, ont été témoin de cette pratique sont devenues végétariennes. Pour d'autres - poursuit l'ethnologue - le gavage du mouton a servi comme point de départ à une action pour dénoncer certaines coutumes traditionnelles" (p.131-132).

1 commentaire:

  1. C'est cruel et beau comme un conte philosophique. Et ça se termine bien. Ça donne de l'espoir.

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