C’est l’automne, ce qui m’incite à reparler de la chasse. Je viens de visionner un clip qui circule beaucoup en Italie. On y voit un chasseur avec son chien, un cerf dans toute sa splendeur, une biche tout aussi splendide, un lapin, magnifique lui aussi dans son genre, un loup en pleine forme qui hurle comme il se doit au sommet d’un rocher. Le paysage est féérique. Le chasseur s’arrête et vise le cerf. Le chien s’approche de son maître et touche son bras délicatement, comme pour dire, « Ne tire pas, ce sera encore mieux ». Le chasseur comprend le message, renonce à tirer et embrasse son chien.
La scène repose sur un grand mensonge ou, plus précisément, sur une mystification éthologique, attribuant au chien des sentiments qui sont loin de lui appartenir. Mais ce qui compte est la « vérité » qu’elle entend transmettre : Niente giustifica la caccia (Rien ne justifie la chasse).
Ce spot publicitaire qui, pour de « bonnes raisons », fait dire à la nature ce qu’elle ne dit pas, trahit, derrière son apparence sympathique, le refus d'accepter d’autres visions du monde que la sienne - une vision tellement juste qu'il faut l'imposer à tout prix : « Le bien-fondé éthique de mon point de vue est tellement évident qu'il m’autorise à falsifier le réel ».
La cible de cette campagne, à première vue, est légitime. Elle concerne la proposition de loi du gouvernement italien, appelée par l’opposition, la « legge sparatutto », (la loi « tire sur n’importe quoi ») qui restitue aux chasseurs des opportunités qu’on leur avait enlevées au nom de la défense de l’environnement. Cette loi prévoit, entre autres, l’allongement de la saison de chasse, la possible réduction des zones naturelles protégées et beacoup d’autres « optionals » censés faire la joie des chasseurs/électeurs les plus enfantins*.
Le problème est que le but implicite de l’association à l’origine de ce spot (la Fondazione Capellino, liée à une grande entreprise de « pet food »), n’est pas tant la mise en adéquation de la chasse avec les valeurs de l’écologie, mais l’abolition de la chasse tout court **.
Comme je le disais dans mon billet du 23 septembre, en transformant le monde de la chasse en une version moderne du Pays de Cocagne, le gouvernement qui gère actuellement l'Italie*** parviendra peut-être à exaspérer l'opinion publique et à obtenir ce résultat (la fin de la chasse) par le déclanchement d'un référendum.
* Quelques aspects de cette proposition, notamment ceux qui concernent la préservation de certaines chasses traditionnelles profondément liées à l’histoire du territoire, ne peuvent pas laisser insensible l’ethnologue que je suis. Mais ils deviennent douteux par contamination, affectés par l’esprit populiste et électoraliste qui gère l’ensemble.
** En une semaine, la pétition associée au film, a recueilli 40.000 signatures.
*** La patrie de Verdi et de Garibaldi, certes, mais aussi de Polichinelle et Aldo Maccione.
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