vendredi 10 octobre 2025

Ne lisez surtout pas mon blog (4)

 


 "The Ogre's Feast" par uauiejon

(Suite) Parler de nouvelles écritures dans les sciences humaines c’est aussi parler des nouvelles manières de consolider sa présence en tant qu’auteur. On peut donc bien comprendre que le manque de réponses que je viens d’avouer m’ait rendu vaguement paranoïaque. Je croyais qu’afficher mes idées dans l’espace public m’aurait permis d’en assurer la paternité. J’avais même imaginé que quelqu’un aurait pu citer des passages du blog dans des textes sérieux (en ouvrant un jeu intéressant et subversif entre l’officiel et l’officieux). Le problème est que le blog est un espace bâtard. Un no man’s land qu’on peut traverser régulièrement sans que personne n’enregistre notre passage.

Vous savez à quel point, dans la recherche en sciences humaines, on tient à ses inventions (enfin, à celles qu’on considère comme ses propres inventions alors que d’autres, souvent, y avaient déjà pensé). J’étais donc fier d’afficher sur le blog les fruits tout frais de ma réflexion. Mais à partir d’un certain moment, je me suis dit : « Tiens, un collègue peu loyal, pourrait se servir de mes trouvailles comme dans un restaurant : il regarde la carte, il choisit les morceaux les plus appétissants, il les assaisonne à sa sauce, et il les incorpore ». Et dans ma rêverie morbide j’imagine sa réaction :

« Moi, m’inspirer de votre blog ? Mais de quel blog parlez-vous ? »*.

Je parle comme si j’avais des trouvailles à revendiquer alors que le problème, peut-être, est là.

Avec le temps, et avec le sentiment de solitude qui me saisissait par moments, une idée a commencé à me tarauder. C’est la même qui vous traverse l’esprit pendant que je vous parle : si ce blog ne marche pas c’est, tout simplement, qu’il ne le mérite pas. (À suivre). 

* Mon rêve caché, dans ce sens, serait que par un disfonctionnement du système, ou par l’action d’un hacker providentiel, je puisse connaître l’identité des visiteurs de mon blog. Je délire, c’est flagrant.  Et après je m’étonne …

4 commentaires:

  1. Comment définissez vous le mérite ? Celui dont vous parlez… L’ acte gratuit de votre blog, mieux qu’une récompense, non ? Et pour les sourires que vous faites naître à vous lire merci .
    Nicole Juin

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    1. Merci à vous. Je compte beaucoup sur le sourire de mes complices.

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  2. Oui, je pense que nous sommes nombreux à sourire, mais aussi à réfléchir à la lecture de votre blog. Depuis que je l’ai découvert, je crois n’avoir raté aucun de vos billets d’humeur. Parfois j’applaudis, je vous trouve courageux, parfois je m’interroge, en me disant, tiens, je n’avais pas vu les choses comme ça et ça me permet d’ouvrir d’autres pistes. Je suis aussi quelquefois impressionnée par votre malice, votre finesse, votre humour et toujours par votre érudition. Oui, mais je ne me sens pas vraiment légitime à réagir. Vous ne parvenez pas à établir le dialogue dont vous rêviez, mais consolez-vous, nourrir la réflexion de vos lecteurs, c’est déjà une sacrée gageure par les temps qui courent, non ? Amicalement, Nathalie Meyer-Sablé

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    1. Chère Nathalie, je suis très touché par tes paroles bienveillantes, ainsi que par ce « diagnostic » si encourageant — d’autant plus encourageant, pour quelqu’un qui navigue à vue comme moi, qu’il vient d’une spécialiste des naufrages et des naufrageurs. Il est vrai que ma manière de m’exprimer n’offre sans doute pas suffisamment de prises pour qu’on puisse facilement s’y accrocher. Cela n’explique peut-être pas entièrement la faible réactivité de mes visiteurs, mais cela peut faire un bon alibi.

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