Cela date d’il y a une semaine. La veille au soir on m’avait dit que des loups avaient été aperçus aux portes de la ville. À cinq heures vingt j’ai été réveillé par des cris d’animaux sous ma fenêtre, dans la rue qui mène au fleuve. On aurait dit qu’une bête à la voix bien sonore était en train de se faire étriper. Un chien peut-être. J’ai pensé à une attaque de loups. J’ai pensé aussi à une histoire de sangliers, qui sont encore des débutants dans la région (une rixe entre rivaux ? Une scène d’amour porcin particulièrement intense et tardive ?). Autre hypothèse : un règlement de comptes entre chats (mais hypertrophiques, à en juger de l'intonation). Peu probable. Je me suis aussi souvenu de la fouine entrevue derrière les charmes l'été dernier, mais je lui prêterais une voix différente. En tout cas, les hurlements étaient puissants et sinistres. Et ils n’arrêtaient pas. J’ai eu le temps de me lever et regarder. On ne voyait rien. Même si la véhémence des cris n’était plus la même, j’ai décidé de les enregistrer. Un spécialiste du monde animal, qui sait, pourra un jour m’expliquer ce que j’ai entendu*. Et après je me suis dit : si je manifeste ma présence l’agresseur s’enfuira, mais il faut faire vite. Sans perdre le temps d'enfiler mon pantalon, j’ai descendu les escaliers à toute vitesse, le portable à la main. Aucune trace d’animaux, comme si j’avais rêvé. Je suis rentré dans la cour, j’ai monté l’escalier et, non sans exprimer ma contrariété à voix haute, j’ai découvert que la porte s’était refermée. Ce n’est pas la première fois qu’elle me joue ce tour**. Bref, j’étais bloqué dehors. Des amis ont un double de la clé, heureusement, mais je n’osais pas les appeler à cinq heures du matin. J’ai donc décidé d’attendre jusqu’à sept heures, perché comme un hibou sur un coffre en bois qu’on a mis sur le palier pour faire joli.
Soudain j’ai entendu un bruit qui, dans cette circonstance, était encore plus terrifiant que celui qui m’avait réveillé. C’était le volet de ma voisine qui venait de s’ouvrir. Nous partageons la même cage d’escalier et elle part tôt le matin pour se rendre au travail. Qu’aurait-elle pensé me trouvant accroupi devant sa porte à moitié dévêtu ? J’aurais eu beau lui dire « C’est qu’il y avait des animaux, dans la cour, vous savez … qui faisaient un grand bruit … ». J’étais tenté de me réfugier dans le jardin mais il pleuvait, il faisait un froid de canard et, avec la malchance qui avait inauguré la journée, j’aurais sans doute été repéré par des passants lève-tôt : « Que vois-je? Un faune dans le jardin de Monsieur Dalla Bernardina? » (À suivre).
*L’enregistrement des cris déjà lointains, avec le bruit de mes pas dans l’escalier, est accessible par le lien suivant : Le mystérieux enregistrement
** C’est dans ces moments que l’on devient animiste et l’on prête aux objets une intentionnalité.
À l’écoute de votre enregistrement, j’ai bien l’impression que vous avez assisté à un concert de crapauds ? (je n’y connais rien, ne prenez pas cela au pied de la lettre). Pas à un conciliabule de loups en tout cas, ça, j’en suis presque certaine… et à propos de loups, je me permets de vous proposer un lien vers un article de « The conversation » sur les sentiments liés aux loups… j’en retiens la phrase suivante : « C’est un bel animal, certes, mais c’est tout. » De quoi donner à réfléchir sur notre rapport à la nature ?
RépondreSupprimerhttps://theconversation.com/comprendre-la-diversite-des-emotions-suscitees-par-le-loup-en-france-227737
NMS
Le loup? Un crapaud comme les autres.
RépondreSupprimerEt si c’était une fin de fiesta organisée par Maurice ? Avec des “ gabians” marseillais? N. Juin
SupprimerQuelle affaire! Prendre l'animal comme prétexte à se retrouver en caleçon sur le pas de sa porte m'intrigue... Hervé A.
RépondreSupprimerEffectivement, situation curieuse, on imagine la scène…. Avec les volets de la voisine qui s’ouvrent…
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