samedi 1 novembre 2025

Le cerf est nu (5). Le brame et le blâme

Infirmière suédoise présentant aux élèves des schémas des organes génitaux et du système reproducteur  (source : Wikiédia/Musée nordique, ref:NMA.0028135)

(Suite). J’en viens au cœur de mon raisonnement. Pourquoi donc au début de l’automne le cerf se met à brâmer ? Je pose la question à ChatGPT (l'oracle) qui me répond : « Le brame du cerf est un cri de puissance, de séduction et de rivalité. Il joue un rôle crucial dans la reproduction de l’espèce et dans la hiérarchie entre les mâles ».

« Certes que ce cerf - me dis-je – est un bel exemple de macho ». Il crie comme un hooligan, il cogne ses rivaux et il cherche à séduire les femelles   en montrant ses muscles. Je suis saisi par un doute et je demande à l’oracle : « Quel est l’état physique d’un cerf pendant le brame ? ». Il me répond : « Le stress lié à la compétition et à la recherche de partenaires provoque une production accrue de testostérone, qui stimule l’agressivité, mais affaiblit aussi son système immunitaire ».

Donc, entre septembre et octobre, on se rend dans les bois pour écouter, dans un silence presque religieux, les gémissements spectaculaires d’un érotomane cogneur.

J’imagine la réaction de l’agent de l’ONF m’entendant prononcer cette hérésie : « Mais ça ne va pas ? Vous êtes un pervers. Je suis là pour faire de la didactique, pour accompagner ces néophytes dans la découverte des mystères de la nature, pour expliquer son fonctionnement, pour les aider à savourer le charme nocturne de la forêt, qui s’exprime par ces sons envoûtants et qui nous donne par-là ses leçons de vie … et vous sortez ces cochonneries. C’est indécent ». Je lui répondrais : « Si moi je suis indécent, vous, vous êtes hypocrite, parce que le référentiel du brame, derrière vos doctes éclairages zoologiques, est bien le coït. C’est comme si vous vous rendiez dans la forêt pour écouter les grognements de l’Homme sauvage qui se prépare à honorer sa compagne en gueulant comme un bariton.  Et je n’ai pas de mal à me figurer les images subliminales, pleines de comparaisons, de rapprochements, de parallélismes, de mensurations, qui vous traversent l’esprit – le vôtre et celui de vos apprenti.e.s – pendant que vous les introduisez aux secrets de la Wilderness ».

Bref, c’est comme dans l’histoire des habits neufs de l’empereur :  le priapisme de la scène est sous les yeux de tout le monde, mais personne ne le voit parce que tout le monde est complice. (À suivre).