Je me souviens de l’époque où je commentais avec effroi la victoire électorale
de Donald Trump, ou celle de Matteo Salvini, le chef de file de la Ligue du
Nord devenu plus tard ministre de l’intérieur du gouvernement italien. Dans un vieil article qui s’appelle “«
Je interdit ». Le regard presbyte de l’ethnologue”*, j’ai expliqué pourquoi, dans
la recherche en sciences humaines et sociales, le locuteur a le devoir de se positionner. Ce n’est pas du
narcissisme. Cela permet à l’interlocuteur
de connaître l’orientation (psychologique, morale, idéologique …), de la personne
qui lui parle et de mieux comprendre le sens de ce qu'elle dit. C’est une bonne règle dans plusieurs champs de la communication. Donc, même si je ne suis pas concerné personnellement (je vote en
Italie), j’aime bien me positionner : je prétends être de gauche sans être
pour autant populiste, les deux choses n’allant pas forcément ensemble**. C’est à
partir de ma sensibilité de gauche que périodiquement, sur ce blog, je me permets d’attirer l’attention sur
l’intolérance, l’intégrisme, parfois même l’agressivité, de certains représentants
de la gauche actuelle. Je ne
passe pas mon temps à critiquer l’extrême droite, cela me paraît implicite et superflu. Il me semble plus utile de signaler le
danger constitué par ceux et celles qui, au nom des valeurs que je défends depuis des décennies, cherchent
à brider les libres penseurs. Je les considère particulièrement nocifs/nocives
parce que, par leur sectarisme et
leur penchant pour le politiquement correct, ils/elles poussent des démocrates
sincères, anciens militants, activistes … à ne plus se reconnaître dans la gauche et, parfois, à retrouver leurs affinités ailleurs, ce qui n’est pas mon cas ***.
Cela dit, à un moment où prendre position devient important,
je n’ai aucune hésitation : je voterais pour le Nouveau Front Populaire. Je
trouve immoral et opportuniste que
l’on prétende mettre sur un même
plan l’extrême droite et la
gauche. Je trouve tout aussi
inadmissible que l’on prétende mettre sur un même plan l’extrême droite et l’extrême gauche, même si
certains représentants de LFI, d'après moi, trouveraient bien leur place de l’autre côté***.
Ils est à la mode, aujourd'hui, de décréter la fin de l'opposition droite/gauche, mais les deux ethos ne se ressemblent pas. Les conceptions de l’humain, de ce
qui fait notre dignité, sont tout aussi éloignées. Ne serait-ce que par rapport à la liberté d’opinion
et d’information, à la défense de la culture et de l’environnement****, de la création
artistique, des droits civiques, de la paix sociale, l’extrême droite au
pouvoir aurait des effets ravageurs.
J'ai un peu honte du ton solennel de ce billet, alors que sur ce blog je passe mon temps à faire le pitre. Mais je suis inquiet.
*« Je interdit ». Le regard presbyte de l’ethnologue, in
(Georges Ravis-Giordani éd.), Ethnologie(s).
Paris, CTHS, 2009 p. 18-40
** Mussolini au départ était socialiste, je sais, mais ce n'est pas un bon exemple.
*** Il faudrait leur dire, ils se sentiraient plus à l'aise.
**** Culture au sens anthropologique du terme, la vision « patrimonialiste »
du RN ramenant la notion de
culture à l’époque du pittoresque et de l’Académie Celtique. Grandiose
institution, l’Académie Celtique, mais aux débuts du XIXème siècle.