dimanche 31 juillet 2022

La royauté, le sang et les roses

Image tirée de l'ouvrage Rose. Forme, colori e suggestioni letterarie, a cura di Daniela Perco, Centro internazionale della grafica di Venezia, 2021

Dans une étude célèbre, Laura Makarius montrait à quel point, dans l’imaginaire collectif, l’exercice de la royauté est lié au droit /devoir de verser le sang*. C’est vrai pour les humains mais ça vaut aussi pour les non-humains. Qui est le « roi de la savane » ? Le lion. Qui est le « grand roi des bois » ? Le loup. Qui est la « reine des sommets » ? L’aigle**. Pour mériter le statut royal il faut avoir  des crocs, des rostres, des griffes … . Même chose chez les végétaux. Qui est la reine des fleurs ? La rose. Des épines … donc du sang.  J’y pense en feuilletant un livre de Daniela Perco, ethnologue et muséographe à l’origine de la roseraie du Museo etnografico della provincia di Belluno (qui mérite sans doute une visite). Edité par le Centro internazionale della grafica di Venezia, le volume est d’une qualité rare, illustré par des planches de Pierre-Joseph Redouté tellement nettes et resplendissantes qu’on aurait envie de les découper et de les encadrer. À chaque planche correspondent des proverbes, des poèmes (puisés chez les classiques mais aussi chez des auteurs moins connus, il y en a même en vénitien) des récits folkloriques qui parlent des roses et qui les magnifient. Une courte introduction, fraiche et érudite, reconstitue le contexte.

La lecture transversale de cette collection débouche sur une évidence : souvent nous instrumentalisons les roses pour qu'elles parlent de nous.  Souvent, en revanche,  nous instaurons avec elles un rapport  de réciprocité, à la manière du Petit Prince qui abolit toute distance ontologique avec sa rose. Autrefois on aurait dit que notre proximité avec les roses n’est que métaphorique. Aujourd’hui, à l’époque du néo-animisme et de l’anthropomorphisation du vivant, nous aimons croire qu’elle est substantielle.  

* Laura Levi Makarius, Le sacré et la violation des interdits, Paris, Payot, 1974.

**Je me trouve en Italie où le mot « aigle » est  féminin, ce qui ne change en rien le cliché de la royauté.

 

vendredi 29 juillet 2022

« Arrêtez de tuer les animaux. Merci »

 

 


 Illustration empruntée au  site Chasse Passion

 

Je découvre dans le site de Chasse Passion que dans une école maternelle de Charente Maritime on incite les enfants à réaliser des dessins destinés aux chasseurs pour qu’ils arrêtent leur activité. Les enseignants pensent faire le bien (la cause est tellement juste …), ne se rendant pas compte de la portée morale et politique d’un « petit geste » de ce genre*. La prochaine fois on s’attaquera aux bouchers et après, la vertu n’ayant pas de limites ...**

* Mais oui, mais oui, nous nous rendons bien compte, justement … c’est bien un geste politique et c’est important … ».

** En perspective, Lev Tolstoï avec sa purification par étapes jusqu’à la sainteté.

Je rappelle ma position. L’idée que les chasseurs puissent entrer dans les écoles à de fins « didactiques » me paraît déplorable. Le fait que des enseignants contraires à la chasse, une  pratique tout à fait légale et légitime,  profitent de leur rôle pour faire de la propagande, me paraît tout aussi grave et profondément anti-démocratique.

mercredi 27 juillet 2022

Charcutez le naturel, il revient au galop

 

« La force de l’authenticité »,  « Charcuterie de nature » … Lorsqu’on se rend à l’aéroport de Venise on ne peut pas rater cette affiche.
Pourquoi elle  me perturbe ? Le bébé charcutivore, sans doute, qui fait penser à une sorte d'aberration biologique. Mais il doit y avoir autre chose.

lundi 25 juillet 2022

Pisteurs du dimanche (c'est à la mode et c’est très bon pour la biodiversité)


19h50. Nous marchons sur une crête. Je dis : « C’est l’heure des chevreuils ».  Mes compagnons de randonnée continuent à parler avec enthousiasme. C’est à propos des jeux de rôle, je crois. J’accélère un peu pour m’éloigner. J’aperçois un chevreuil et je leur fais signe de se taire. Je chuchote : « J’ai vu un gros chevreuil ! ». Il était moyen, en réalité, mais c’était pour les impressionner. « Ah un chevreuil … magnifique ! ». Une minute plus tard ils recommencent à parler. J’aurais dû leur dire : « j’ai vu un loup ».

samedi 23 juillet 2022

Pour un anthropocentrisme critique

 

Ces derniers temps, on aime beaucoup se réclamer de la pensée d’Aldo Leoplod (A Sand County Almanac -1949) : l’homme, au bout du compte,  n’est qu’une créature parmi tant d’autres, soyons écocentristes, mettons l’intérêt collectif, celui de l’ensemble du vivant, au cœur de notre action*.

Ernesto De Martino en voulait au relativisme absolu de certains ethnologues (notamment français) persuadés que, pour comprendre l’Autre, il faille oublier ce qu’on est. Sortir de son propre paradigme culturel, disait-il,  est une illusion. Ce qu’on peut et doit faire, en revanche, c’est d’exercer l’ethnocentrisme critique : je ne peux comprendre l’Autre que par rapport à ce que je suis.  L’objet de l’étude anthropologique n’est pas l’altérité mais la différence entre moi et l'Autre.  Je reste le centre de mes analyses, c’est inévitable, avec mes valeurs, mes priorités etc., mais grâce à la comparaison je peux remettre en cause les fondements mêmes de ma vision du monde (et saisir donc ma relativité).

À la place de l’écocentrisme (exemple très sournois de "langue de bois"),  je propose donc l’anthropocentrisme critique.**

* Je simplifie pour faire vite.

**J’en parle dans un entretien avec Florent Kohler publié  dans la revue Études Rurales No. 189, janvier-juin 2012 Sociabilités animales : https://journals.openedition.org/etudesrurales/9558

jeudi 21 juillet 2022

Les codes changent, on progresse



 

Lionel Sabatté,  Loup de mai – 2012 ( moutons de poussière sur structure en métal).

- J'ai pisté un loup.

- Et alors?

- Ça fait maigrir et c'est bon pour la biodiversité.

lundi 18 juillet 2022

L'île des chats

 

 

Fragments de conversation, l’autre soir :

- Il n’y a plus de chats à Venise.

- C’est vrai ?

- Autrefois, dans chaque ruelle, t ‘en voyais au moins cinq ou six.

- Ils les ont mis tous dans une île, paraît-il.

- Oui, comme les chiens. La fourrière … c’était dans une île.

- Et les morts aussi, c’était dans une autre île, pas très loin.

- Moi, mon chat, je l’ai castré.

- Je ne vois pas le lien.

- Un chat qui n’est pas castré a une espérance de vie de deux ans. Le mien en a seize.

samedi 16 juillet 2022

Hirondelles dégénérées (autour de l'autochtonie)

Hirondeaux installés près d'un bar à vin. Celui de gauche, dont j'apprécie le sens critique,  est en train de se demander : puis-je affirmer « Je suis libre de partir » alors que mon départ  répond à un automatisme? 

 

« Libre je veux vivre, Comme une hirondelle, Qui ne veut pas revenir
Au nid »,
chantait  Domenico Modugno lorsque j’étais petit.
Pour mes goûts de l’époque, cette chanson n’était pas assez yé-yé.  Et en plus - les enfants sont souvent réactionnaires – je la trouvais immorale : une hirondelle qui ne veut pas revenir au nid a quelque chose de malsain, de contre-nature. Et quoi encore ? Si les hirondelles commencent à ne pas revenir au nid …

Aujourd’hui j’ai un point de vue plus mitigé : si les hirondelles sont heureuses  de revenir au nid, c’est qu’elles savent qu’elles pourront repartir.  

 

mardi 12 juillet 2022

Il n’y a qu’à ... (Chicken Run dans les espaces alpins)


 


Que faire pour protéger les brebis des attaques du loup ?  C’est fastoche, il suffit de les enfermer  dans des enclos pendant la nuit. L’État finance ce genre d’installations d’ailleurs … où est le problème ? C’est que les loups, n’étant pas bêtes, ont changé d’habitudes et se sont mis à attaquer  les moutons en plein jour. Comment éviter le carnage ? C’est  tout aussi fastoche : il suffit de garder les moutons dans leurs enclos tout au long de la journée, comme les poulets dans Chicken Run. C’est bon pour le tourisme (pas de promeneurs mordus par les chiens) et excellent pour la biodiversité : des superprédateurs  à pister partout, des reportages à couper le souffle.

https://www.youtube.com/watch?v=-mTB8X05d8o

dimanche 10 juillet 2022

Un Zarathustra éco-responsable tient son chien en laisse


Pour la deuxième fois, en traversant l’Engadine (où Friedrich Nietzsche constatait enthousiaste l’équivalence entre sa propre pureté et celle des sommets environnants), je suis tombé sur un chamois au bord de la route. Celui de cette année était encore moins gaillard que le précédent, une sorte de descente de lit, on aurait dit,  mais obèse. Il semblait faire du stop.

Je me suis demandé : mais que font donc les loups ? N’est-ce pas leur rôle de préserver  la puissance génésique de ces animaux merveilleux en éliminant les vieux et les malades ? »

J’ai vite trouvé la réponse : les loups ont d’autres priorités, ils sont occupés à dévorer les chiens des randonneurs qui commentent extasiés la sublimité du paysage. C’est tout aussi bon pour la biodiversité.

 

 

vendredi 8 juillet 2022

La place de l’anthropologue et les ours transalpins. À propos du cycle de rencontres BorderLine (Toulouse, 7 juillet).


Inutile de nourrir les ours, ils y pensent tout seuls

Ça a été passionnant, hier, de participer à la table ronde organisée par la Mission Agrobiosciences-Inrae en coproduction avec le Quai des Savoirs autour de l’évolution de nos rapports à la faune sauvage. J’ai été heureux de pouvoir m’exprimer librement sur un thème si délicat.  Pendant que j’écoutais les intervenants je me demandais : mais au fond, quelle est la tâche de l’anthropologue ? Il n’est pas là pour faire des suggestions techniques, évidemment*, il n’est pas là pour dissiper les anciennes croyances et nous ouvrir les yeux sur le devenir de la planète. Il n’est pas là non plus pour évaluer la tenue philosophique d’un concept, ni pour nous proposer des stratégies de cohabitation avec des animaux sauvages, semi-sauvages, enclins au marronage, opportunistes, anthropophiles, solitaires, etc.  Sa tâche, au bout du compte, est de reconstituer des visions du monde, même si elles sont « dépassées », et de décrire leur cohérence, leur légitimité et leur influence – influence qui va bien au delà du mythique et de l’imaginaire - sur les comportements concrets. J’y ai pensé par rapport aux ours italiens, par exemple, qui d’après les « gens du coin » ne sont plus ce qu’ils étaient.  Les « gens du coin » sont des minorités autochtones  de moins en moins significatives, en train de disparaître à la même vitesse que les glaciers sur les Dolomites. Inutile, donc, de leur expliquer le caractère déplacé (sur le plan éthique et écologique) de leur « zoologie fantastique ». Voici comment je décrivais leur perception des changements faunistiques il y a une dizaine d'années :

 

Je concluais ce passage par la considération suivante : "Qui puise davantage dans l'imaginaire folklorique? Les éthologues qui mettent l'accent sur le végérarisme de l'ours (ce plantigrade débonnaire qui pille les ruches et visite les pommiers) ou les éleveurs, qui attirent l'attention (en faisant de l'alarmisme, peut-être) sur ses penchants de carnassier?"


(Extrait de mon ouvrage Le retour du prédateur. Mises en scène du sauvage dans la société post-rurale, Presses Universitaires de Rennes, 2011, pp. 104-105)
 

* en tant que citoyen, à la limite, mais comme tous les autres.

mardi 5 juillet 2022

« Fais-moi une place ». Autour des autres espèces, de leurs droits et de leurs prétentions.

Tout récemment,  on a aperçu un loup dans les Monts d’Arrée. Il y a cent ans on l’aurait effarouché de façon très énergique, pour dire les choses gentiment.  Aujourd’hui c’est différent : les loups ont leurs droits, les sangliers aussi (moins élégants, c’est vrai, ils contribuent à leur façon à la variété de la création). Même les goélands et les étourneaux méritent notre respect (on l’a compris finalement ...). Mais comment les tenir à  distance ?

Cette question sera largement traitée le 7 juillet dans le cadre de l'événement suivant organisé par  la Mission Agrobiosciences-Inrae en coproduction avec le Quai des Savoirs : 

 
 

dimanche 3 juillet 2022

Avec l’accord de la victime (c’est toujours mieux)


 

 Gustave Courbet, Biche morte, 1857

Un jeune chercheur me demande quelques précisions autour du topos de la « victime consentante » que j’ai mentionné dans ce blog. Cela m’offre l’occasion de revenir sur un chapitre de La langue des bois * où je reprends un article analysant les différents modèles rhétoriques utilisés par le chasseur  pour justifier sa pratique. Voici un extrait du paragraphe : « Le modèle romantique : la mise à mort de la proie comme échange » :

« L’autre figure employée couramment pour nous présenter l’activité du chasseur sous la forme d’un échange est la métaphore amoureuse [à coté de la métaphore militaire axée sur la confrontation équitable entre « nobles rivaux »]. Dans sa version la plus classique, nous voyons la proie, dont le texte souligne l’extrême beauté, allumer le désir du chasseur : un désir irrésistible qui justifie ses intempérances : « Philippe sentait son cœur battre jusque dans ses poignets », écrit par exemple Pierre Moinot dans son roman La Chasse royale. « C’était la plus belle bête qu’il eût jamais vue. Il la contemplait avidement. Elle avait fui pendant des années et des années, sans que personne eût jamais pu la saisir, et maintenant elle était là, à une trentaine de mètres de lui, livrant sa vie et sa beauté et jusqu’à cette petite écorchure blanche qui dérangeait le poil lisse de son ventre. Elle mangeait paisiblement, sans deviner le regard qui la dépouillait. Elle était prise*.»

Dans d’autres cas, avec des images qui semblent s’inspirer de la littérature mystique ou des vers des troubadours, le disciple de Diane évoque l’entrée en scène de la bête comme une sorte d’épiphanie. Les effets de cette vision presque miraculeuse, alors, ressemblent étrangement aux réactions du fidèle en présence d’une apparition surnaturelle : tremblements, fièvre, troubles de la respiration. « Ça remuait bien plus encore côté cœur » écrit Marcel Scipion aux prises avec « une magnifique lèbre » (les « lèbres » sont presque toujours magnifiques), « l’émotion me suffoquait ! Mes jambes en tremblaient**». « Habillez-vous, malheureux, vous allez prendre mal ! » lisons-nous dans un récit de F. Arnaud de 1902. « Oh, tant que je le vois [le chamois], je ne risque rien. – Le feu de la passion ardente du chasseur le mettait à l’abri de la fluxion de poitrine.»

Possédé par l’image troublante, tombé dans une sorte de transe, l’admirateur de la bête sauvage passe à l’acte sous l’emprise d’une force extérieure. Il est donc innocent. Pour être précis, le chasseur ne nous décrit pas l’apparition de n’importe quelle bête mais bien de sa bête. Cette nuance, dans la logique du récit, n’est pas sans importance, puisqu’elle permet de faire passer l’abattage pour l’acceptation d’un cadeau spontané. Ce serait donc la proie, en dernière analyse, qui « choisit » son tueur. Ainsi, à bien suivre le raisonnement du chasseur, on ne saurait lui donner tort. Si les règles du jeu ont été respectées, si les offrandes préalables ont atteint le niveau requis, la surprise qu’il découvre au bout du collimateur est vraiment pour lui. Il l’a bien méritée. Et d’ailleurs, pourquoi parler de surprise ? Appelons-la plutôt acte de reconnaissance. Et cela au double sens du mot : l’animal, conscient de sa dette, reconnaît « son chasseur » et lui livre spontanément sa vie et sa beauté.

Pour mieux comprendre le fonctionnement du mécanisme que je viens d’évoquer, voici un autre exemple, extrait d’un roman de Jean Proal, concernant la mise à mort d’un chamois : « Tout- à-l’heure », écrit Proal, « au moment où la gâchette cédait lentement sous mon doigt, au moment où le percuteur insensiblement libéré allait s’abattre, où allait se tendre, où se tendait le trait de mort – ce pont fulgurant jeté entre mon épaule et l’épaule de la bête, – j’ai éprouvé notre communion, notre parenté, notre identité. La mort donnée, la mort reçue – la même mort- nous liait soudain. […] Par je ne sais quelle substitution – par cette communion – le monde que je venais de décrire revivait en moi, lentement reconstruit assise par assise. Cadeau royal, la leçon hautaine de cette mort me livrait pour quelques instants l’accès de plain-pied à “la plus difficile conquête de l’homme : la possession de soi et la paix intérieure***”.»

Un bel exemple de sublimation, classique dans son genre. Mais l’aspect qui nous intéresse davantage, c’est la logique de cette représentation et de celles qui l’ont précédée. Je proposais tout à l’heure d’envisager nos stéréotypes comme autant de réponses à la question : pourquoi la victime peut-elle être abattue sans regrets ? Tous les cas examinés nous donnent la même réponse : parce que sa mise à mort se déroule dans le cadre d’une transaction. Parce que quelque part, au cours de l’action dramatique, il y a eu réciprocité, échange, compensation. On le voit bien : le langage symbolique du chasseur traditionnel est très redevable du vocabulaire du don. Parler de mise à mort, dans ce contexte, ne serait d’ailleurs pas très correct. Mieux vaudrait parler de restitution. Proal peut accéder à son chamois pour une raison. Moinot peut s’emparer du chevreuil pour une autre. Mais tous nous présentent leur proie comme un interlocuteur, un sujet qui tant bien que mal a souscrit au contrat, a accepté les règles du jeu. Une fiction, certes, mais indispensable pour assurer la continuation des hostilités. Mais passons maintenant au monde contemporain »****.

La première version de ce texte date de 1995. J’ajouterai actuellement une nouvelle stratégie tout aussi performante, la justification  « ontologique » : « Si je me permets de tuer le gibier, c’est dans le cadre de mon modèle ontologique, au sein duquel tuer un "non-humain", dans le respect des critères prévus, est ce qu'il y a de plus cohérent »).   

*Pierre Moinot, La chasse Royale, Paris Gallimard, 1953

**Marcel Scipion, Le clos du roi, Mémoires d’un berger des Alpes de Haute-Provence, Paris, Seghers, 1978

***Jean Proal,  Au pays du chamois, Paris Denoël, 1948

**** La langue des bois. L’appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi, Paris Éditions du Muséum National d’Histoire Naturelle, 2020, p. 80 et suiv.

vendredi 1 juillet 2022

La liberté de galoper

 

 

“(…) comme une bête née en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées et mortes en cage nées et mortes en cage de bêtes nées en cage mortes en cage nées et mortes nées et mortes en cage en cage nées et puis mortes nées et puis mortes, comme une bête dis-je, disent-ils, une telle bête, que je cherche comme une telle bête, (…)”

Samuel Beckett, L’innommable, Éditions de Minuit, 1953

 

Je pense à mes chiens, domestiqués de père en fils depuis le Paléolithique supérieur. Parfois, dans les grands espaces, ils se comportaient comme s’ils étaient libres depuis toujours, comme s’ils étaient les maîtres de leurs agissements. Tout comme moi.

Je les laissais croire.