dimanche 29 novembre 2020

Le trophée et le crucifix

 

Tom Herck : “Holy cow”

Peut-on comparer le crucifix à un trophée de façon pertinente et sans poursuivre un dessein iconoclaste ? Oui, peut-être, à certaines conditions.  Je chercherai  à défendre cette idée saugrenue mardi prochain (et non pas jeudi, comme je l'avais annoncé par mégarde), à 20 heures, dans le cadre du Bistrot des ethnologues. Voici le lien pour ceux qui voudraient  suivre l’événement et participer à la conversation :

 https://www.ethnobistro.fr/2020/10/mardi-1er-decembre-2020/

jeudi 26 novembre 2020

La langue des bois (courte présentation publicitaire)


 Voici le quatrième de couverture de La langue des bois :


Et voici le lien pour assister à sa présentation (lien que l'on trouve en raccourci sur le site officiel du MNHN) :

https://teams.microsoft.com/l/meetup-join/19%3acf6459f9a4944f0498cf418dc71cb546%40thread.tacv2/1605784588932?context=%7b%22Tid%22%3a%22d0e03c67-e3f8-40c1-a4c9-42041d74b08e%22%2c%22Oid%22%3a%223df83693-a3f1-460a-a8f4-45c0ae71147e%22%7d

mardi 24 novembre 2020

La langue des bois (du politique partout, même dans nos échanges avec le sapin de Noël)

 

La rhétorique ambiante est traversée par des discours de réconciliation avec le reste du vivant. Nous avons saisi, finalement, le lien profond qui nous associe aux autres créatures. Et les résultats se voient : les gentils prolifèrent alors que  les méchants - ceux qui persistent à profiter des plantes et des animaux - sont de plus en plus confondus.

Mon dernier ouvrage, qui va paraître d’ici trois jours aux éditions du Muséum d’Histoire Naturelle, est moins optimiste. Dans nos appropriations, dans nos « prélèvements » matériels et symboliques, on dirait que nous restons  une bande d’hypocrites : nous exploitons d’un côté, nous compatissons de l’autre.

samedi 21 novembre 2020

Pulsion de vie, pulsion de mort (psychanalyse bon marché)

 


Image joyeuse

J’insiste avec mes soupçons concernant les mobiles latents des montreurs de souffrance. Je sais que c’est pour la bonne cause. Je pense, cependant, que la noblesse de cette cause peut cacher d’autres motivations, plus triviales.  En montrant l’animal souffrant, je déclenche une réaction empathique. Par ce biais j’attire l’attention sur la victime, c'est vrai. Mais je l'attire aussi, par ricochet, sur le dénonciateur de l'acte de cruauté, à savoir sur moi-même. Puisque ce que je dénonce  est gravissime (le massacre quotidien d'une myriade d'innocents), tout autre argument passe au second plan. Résultat : je suis le maître du discours sur les animaux.

Voici une autre motivation inavouable : ai-je un penchant pour les fantasmes sadiques ou nécrophiles ? La dénonciation des violences infligées aux animaux, images à l’appui,  me permet de les partager et  savourer avec d’autres "indignés".

Or, dans le cadre d'une performance "animalitaire", comment dissiper ces soupçons d’opportunisme et de nécrophilie? C’est facile. Il suffit d'alterner les images insoutenables et les images paradisiaques : le vison écorché vif c'est bien, le cheval squelettique c'est pas mal non plus ...  mais il faut les assortir au porcelet joyeux, au veau qui sautille et au chat qui fait le pitre  : « Vous voyez ? Nous ne sommes pas là que pour vous montrer la mort ! ». Je salue tout particulièrement, dans ce domaine, les progrès accomplis par le mouvement L214*.

* Je fais pareil, je le sais. La seule différence, peut-être, c’est que je le reconnais. 

jeudi 19 novembre 2020

Rumeurs d’hier et d’aujourd’hui (autour des espèces proliférantes)

 


Ancienne rumeur : « Pourquoi les vipères augmentent? ». « Ce sont les écologistes. On les a vus. Ils en sèment partout, pendant la nuit,  avec des hélicoptères ».  

Rumeur plus récente recueillie dans le Massif central : « Pourquoi les champs sont infestés par les surmulots ? » « Ce sont les écologistes. On les a vus. Il passent la nuit, avec leurs hélicoptères. Le matin on retrouve même les cages qui contenaient les surmulots ». « Mais pourquoi lâchent-ils des surmulots ? ». « C’est pour nourrir les vipères ! ».  

mardi 17 novembre 2020

J'accuse (pour en finir, ou presque, avec l'affaire Pilarski)



« Curtis serait-il le Dreyfus des chiens? » , suggérait Brigitte Bardot dans un tweet du 2 novembre*.

Eh bien non. Dans l’affaire Pilarski il n’y a pas qu’un Dreyfus, il y en a 33.

J’accuse  plusieurs associations et organismes d’information d’avoir attribué aux chiens courants qui le 16 novembre 2019 exerçaient leur métier  dans la forêt de Retz, dans l’Aisne,  un crime dont ils n’étaient pas responsables. 

Pour ceux qui voudraient suivre cette histoire telle que je l’ai commentée dans ce blog depuis son départ,  je renvoie aux billets du 20 novembre 2019, 26 novembre 2019, 25 janvier 2020, 10 mars 2020, 14 mars 2020, 14 mai 2020, 3 octobre 2020, 11 novembre 2020, 15 novembre 2020.

Voici le communiqué  de Franceinfo du 03/11/2020 reportant, les résultats des tests ADN très attendus :

 « Affaire Elisa Pilarski : les tests ADN confirment que la jeune femme a été tuée par le chien Curtis, qu'elle promenait. Ces analyses écartent tout lien avec la meute de chiens de chasse qui se trouvait à proximité du lieu où Elisa Pilarski est morte, en novembre 2019. (…) "Aucune trace d'ADN provenant des 33 chiens de meute prélevés n'a été retrouvée" au terme des "opérations de recherche d'ADN et de comparaisons avec les traces retrouvées sur les prélèvements effectués sur les différents chiens", a confirmé le parquet de Soissons, mardi après-midi, ajoutant que "les expertises tendent à démontrer l'implication exclusive du chien Curtis" »

*Nous avions déjà posé cette question, ici, mais sur un ton ironique.



 


dimanche 15 novembre 2020

N'abandonnez pas votre chien (confiez-le plutôt à une fondation)

 

 


"Curtis, 3 ans ou presque. Malgré ce qu'on dit, je ne mords pas! Exubérant, j’adore les câlins une fois en confiance. J’aimerais trouver une famille qui saura m'aimer comme je suis !"

vendredi 13 novembre 2020

Un chasseur parmi les "Grands hommes" au Panthéon*

 


Genevoix entre au Panthéon et, par son biais,  Raboliot, braconnier exemplaire. C’est le retour du refoulé : on chasse le chasseur par la porte, il revient par la fenêtre.

* Il s’agit d’une combine, c’est sûr. 

mercredi 11 novembre 2020

Les traumatismes chez les chiens et comment les soigner. (Encore autour des frontières ontologiques)

Aujourd’hui je devrais parler de Curtis et des positions de plus en plus acrobatiques  prises  par ses défenseurs (comme la fondation Brigitte Bardot, par exemple). Pour l’instant je n’en ai pas trop l’envie,  ça viendra bientôt. Pour rester dans le thème, je me limite à rapporter cette nouvelle parue dans le  Corriere della sera du 10 novembre.

“Un pitbull mord une jeune fille : « Il est dangereux, il doit aller chez un psychologue pour chiens ». L’animal s’est échappé du jardin. La Ats Brianza*  a émis une ordonnance qui impose aux propriétaires de soumettre [le chien qui a mordu] à une thérapie comportementale pratiquée par un vétérinaire expérimenté.

Morale : ce n’est pas la jeune fille qui, après avoir subi les morsures du quadrupède,  a besoin d’un psychologue, c’est le chien**.”

On pourrait imaginer  d’autres solutions pédagogiques (pas de dessert pendant deux semaines, par exemple ...   inéligibilité et, en cas de récidive, excommunication). J’accepte d’autres propositions. 

* Agenzia di Tutela della Salute – Agence de Tutelle de la Santé.

** C’est cruel, je sais, et j’ai honte de moi, mais dans un premier temps, pris par l’émotion, je me suis dit : « Ce n’est pas chez le psychologue, qu’il faudrait amener ce chien,  mais chez le taxidermiste ».

dimanche 8 novembre 2020

Les gentils ont gagné (à propos de la victoire de Joe Biden)

 


Les jardins de la Maison blanche en attente de leurs nouveaux arpenteurs

Joe  Biden a gagné et je suis vraiment heureux, soulagé, comme si on avait évité la catastrophe.  En faisant de l’introspection, je constate que je suis fier d’être du bon côté*. Il me manque juste de devenir végétarien pour approcher de la perfection.

* Question subsidiaire : y a-t-il des « Trumpistes » chez les amis des animaux ?  J’aimerais bien le savoir. Zoophiles trumpistes,  montrez votre fair play, exprimez officiellement  votre chagrin.

vendredi 6 novembre 2020

Faut-il jeter Frazer avec l'eau du bain?

 

Voici une page de publicité pour annoncer le démarrage, à l'EHESS,  du séminaire « De l’humain animalisé au vivant humanisé » et sa première séance : 

UE446 - De l’humain animalisé au vivant humanisé (deuxième année : risques et avantages de la proximité ontologique)

Ce séminaire poursuit la réflexion entamée l’année passée sur le statut fluctuant des  frontières ontologiques. L’anthropologie contemporaine s’intéresse de plus en plus aux  rapports interlocutoires que nous entretenons avec les non-humains. Des études importantes ont montré la centralité de ces négociations dans les sociétés que l’on qualifiait autrefois de « traditionnelles » et que l’on appelle aujourd’hui « non-modernes » (négociations explicites et continues,  institutionnalisées par les rites et  par les mythes). L’écologie et l’éthologie, de leur côté, donnent des bases scientifiques à l’idée que les non-humains (animaux et même végétaux), constituent des interlocuteurs de plein droit, avec des capacités sensorielles et cognitives qui les élèvent bien au-delà du  simple rang d’objet. La convergence de ces deux regards alimente aujourd’hui une vaste gamme de recherches visant à dénicher, dans notre histoire mais également dans les mailles de la  contemporanéité, des attitudes et des conceptions de type  « animiste », « analogiste », « totémique », pour employer le vocabulaire de Philippe  Descola.  Une partie de ce séminaire a pour but de faire le point sur l’état actuel de la réflexion par des exemples ethnographiques et historiques. Une autre partie, plus « pragmatique », abordera  la question des fonctions symboliques, psychologiques et sociales assurées par la reconnaissance de proximité (et parfois même d’« humanité ») dont bénéficie aujourd’hui, à des degrés différents, l’immense famille des non-humains. 

 Lundi 9 novembre à 15h

Séance assurée par Sergio Dalla Bernardina.

Faut-il jeter James  George Frazer avec l’eau du bain ? 

L’anthropologie contemporaine nous a appris à bien différencier  les conceptions des frontières interspécifiques propres à chaque culture : le statut ontologique d’une charolaise « Label Rouge » destinée aux présentoirs de Monoprix n’a pas grand chose à voir avec celui d’une vache élevée comme un membre de la famille chez les Nuer. Même les pionniers des sciences humaines et sociales s’intéressaient  aux différences. Ils adoraient les collectionner, d’ailleurs (que l’on songe à la profusion d’usages disparates recueillis par Frazer dans le Rameau d’or). Mais c’était pour repérer, derrière ces différences, des dynamiques d’ordre général.  Y aurait-il moyen de recycler le regard « universaliste » des pères fondateurs sans tomber dans le passéisme ?

mercredi 4 novembre 2020

Dogs forbidden (à propos des élections américaines)

Photo empruntée à un article en ligne de RTL* 

Ce matin je suis particulièrement inquiet. La campagne lancée par Joe Biden (#DogsForBiden) semble ne pas donner les résultats espérés. C’est à cause du berger allemand, je crains. Tout le monde sait qu’un bon président de la République doit choisir un Labrador. 


* https://www.rtl.fr/actu/international/videos-presidentielle-usa-joe-biden-joue-la-carte-canine-pour-battre-donald-trump-7800885038

 

lundi 2 novembre 2020

L’assassinat de Samuel Paty et ses commanditaires


J’évoque une évidence : ce qui rend doublement atroce  l’assassinat de Samuel Paty est la scénographie choisie par son bourreau. Dans l’esprit de ce « justicier » il s’agissait d’un geste religieux, d’une « immolation ». Même le carnage perpétré dans la rédaction de Charlie Hebdo, se réclamant d’un mandat transcendant et invoquant, dans l’action, le nom du « mandataire »,  se voulait  « sacrificiel ».

Dans Faut qu’ça saigne,  je résume ainsi le fonctionnement du dispositif sacrificiel tel qu'il est décrit par René Girard : 

« L’imagination mythique représente la crise mimétique comme une stagnation, une épidémie ou une punition venant sanctionner l’impureté qui affecte la communauté. Comment la neutraliser ? Comment endiguer la violence qui s’emballe fatalement, avec la vitesse d’un effet Larsen, au sein de la famille, du groupe, du village ? En la projetant sur la cause prétendue de cette impureté, qui dès lors devient le bouc émissaire. L’ exemple paradigmatique est le rite du pharmakos, dans la Grèce ancienne »*.

Freud, portant l’accent sur les motivations inconscientes du tueur, verrait les choses autrement : « Le mandataire du meurtre,  cher assassin, n'est pas le Dieu dont tu te réclames. Derrière toi il n’y a personne : tu es un  ventriloque ».

*Faut qu'ça saigne. Écologie, religion, sacrifice, Éditions Dépaysage, 2020