mercredi 30 août 2023

Le poids des mots (être hyène aujourd'hui)

 


Entendu au bar :

- Tu te souviens? Elle est arrivée avec une chienne tachetée tellement moche qu’elle semblait une hyène.  On lui a dit : « Qu’elle est moche cette chienne, on dirait une hyène ». La chienne a compris, elle a baissé la tête, elle s’est cachée sous une chaise  et n’a plus bougé.

dimanche 27 août 2023

Après la tempête. Autour de la complexité du psychisme humain

Grappes de Prosecco (Glera) après la tempête (cliché SDB)

Je traverse la région du Prosecco et je me dis : « Tiens, avec tous ces Français    qui boivent du spritz, mieux vaut faire des réserves ». Le spectacle dans les collines est désolant. La tempête est passée par là. La radio en avait parlé. « Ce n’est pas que la grêle, me dit la propriétaire du chais, c’est notamment le vent … Je venais de voir la lune juste avant. Quinze minutes et tout était par terre.  On aurait dit une tornade. Nous n’allons pas faire de vin, cette année ». Il est 9 heures du matin. Je goute son prosecco, je le trouve bon, j’en achète un carton et je repars. Sincèrement touché par l’extension  des dégâts, j’assiste impuissant au surgissement, dans ma tête, d’une blague cynique : « C’est catastrophique pour le Prosecco,  mais le Campari, heureusement, a été épargné ».  Peut-on être plus imbécile? Je poursuis mon trajet pas trop fier de ma trouvaille, en pensant à la complexité de la nature humaine et avec la certitude que, le moment venu, j’irai en enfer.

jeudi 24 août 2023

Libre et épanoui comme un chien d'appartement

 

Canidé médiéval

Un Loup n'avait que les os et la peau ;
        Tant les Chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
        L'attaquer, le mettre en quartiers,
        Sire Loup l'eût fait volontiers.
        Mais il fallait livrer bataille
        Et le Mâtin était de taille
        A se défendre hardiment.
        Le Loup donc l'aborde humblement,
    Entre en propos, et lui fait compliment
        Sur son embonpoint, qu'il admire.
        Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
        Quittez les bois, vous ferez bien :
        Vos pareils y sont misérables,
        Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d'assuré, point de franche lippée.
        Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi ; vous aurez un bien meilleur destin.
    Le Loup reprit : Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien, dit le Chien : donner la chasse aux gens
        Portants bâtons, et mendiants;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire ;
        Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons:
        Os de poulets, os de pigeons,
........Sans parler de mainte caresse.
Le loup déjà se forge une félicité
        Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant il vit le col du Chien, pelé :
Qu'est-ce là  ? lui dit-il.  Rien.  Quoi ? rien ? Peu de chose.
Mais encor ?  Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
    Où vous voulez ?  Pas toujours, mais qu'importe ?
 Il importe si bien, que de tous vos repas
        Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

Cette fable de Jean de la Fontaine m'inspire les questions suivantes :

Le chien du chasseur : un subalterne malheureux? 

Le chien d'appartement  : un partenaire heureux?*


Le sage répondra : "Cela dépend des cas" Laissons-le à sa sagesse.

mardi 22 août 2023

Mon adresse mail a réouvert les yeux



Je cherchais la cause alors qu’on m’avait prévenu : "Mercure est dans une position défavorable. Les échanges, les contacts, les va-et-vient de toutes sortes  deviendront difficiles". C’est pour cette raison, manifestement, que mon adresse mail ne marchait plus*. Maintenant - je ne sais pas ce qui s’est passé (la lune particulièrement rousse, peut-être, ou autre fait céleste favorisant l’influence mercurienne - elle s’est remise à fonctionner. Le reste des dysfonctionnements, je crois, va bientôt se dissiper.

* sergio.dalla-bernardina@univ-brest.fr

samedi 19 août 2023

Le bon sauvage dans mon assiette (questions d’éthique animale)




Une ancienne brasserie, parmi les plus grandes du nord de l’Italie, plongée dans un parc. Le jardin zoologique a été fermé pour des raisons éthiques. Le parking est immense. Les  clients se comptent par centaines. Beaucoup de familles avec enfants. Au menu on a  du cerf et du chevreuil. Je me demande si ce gibier a été chassé.  Dans ce cas, puisque les Italiens aiment de moins en moins la chasse (ils la  trouvent cruelle),  je dîne au beau milieu d’une foule contradictoire : sentimentale, peut-être, mais  inconséquente. S’agit-il de gibier d’élevage? Dans ce cas, je dîne en compagnie d’une bande d’excentriques (je ne dirai pas de pervers) qui pour manger un animal sauvage ont besoin qu’il ait vécu en captivité.

Notre cerf et notre chevreuil, en tout cas, méritaient le détour.


P.S. Je rappelle que, pour l'instant, mon adresse mail habituelle ne marche pas. Je suis joignable à l'adresse suivante :

Sergio.Dallabernardina@gmail.com


mardi 15 août 2023

Ce que disent les corneilles (à propos de mon adresse e-mail)

De ma chambre, ici, j’entends les corneilles. Travaillant depuis longtemps sur l'altérité, j'interprète. Ce matin il y en a une qui a dit : « Son adresse mail ne marche plus, il a perdu tous ses contacts ». Une deuxième a ajouté « C’était la même  depuis 25 ans. Maintenant, il est coupé du monde. « Exactement », a répliqué la troisième « Il est  coupé du monde ! » Je crois qu'elle s'est mise à ricaner. La quatrième a commencé par dire : « C’est parce que … ». Puisque leur histoire m’intéressait j’ai ouvert la fenêtre, mais elles sont parties.

On peut toujours me joindre à l'adresse suivante  : sergio.dallabernardina@gmail.com

vendredi 11 août 2023

Des loups et des pizzas

 
Des balles en caoutchouc contre les loups trop agressifs
 
 Des flash-balls pour éloigner les loups. Ça se discute mais on peut comprendre : il faut que les prédateurs apprennent à rester à leur place, la cohabitation ne sera que  plus facile. Après, on peut toujours se tromper. Il y a quelques jours, par exemple, on croyait que c’était un loup, alors que c’était un livreur de pizzas. Errare humanum est.

mardi 8 août 2023

Tourisme à la ferme et éthique animale

 


 - Ah, il y a encore des trucs comme ça, en Italie ? En France, je crois que c’est interdit.

- C’est que les Français sont plus sensibles.

 - Oui, sans doute.

- Il semblerait que c’est un progrès moral.

- Oui, parce qu’on n’a plus les mouches  sous  les yeux pendant qu’elles crèvent.

- C'est vrai, mais il faudrait agir en amont.

- Comment en amont?

- Moins de vaches dans les prés, moins de mouches à l'auberge.

dimanche 6 août 2023

« Devenir chien » ( soyons progressistes)


1) Dans l’entretien radiophonique annoncé dans le post précédent, je qualifie de « malsain » le comportement de certains animaux sauvages qui « ne sont plus ce qu’ils étaient » : des sangliers qui mangent des spaghettis gentiment offerts par la population génoise, d’autres qui vaguent dans les jardins des hôpitaux en plein jour etc. *. Ça peut plaire au niveau urbain, ça enthousiasme un peu moins vu de la campagne. Ce qui déplait, au-delà des conséquences pratiques, est  le désordre symbolique que ces transformations impliquent.

2) Lorsque j’étais à Milan, il y a très longtemps, je prenais parfois un apéritif sur la place du dôme. Il s’agissait d’un rabarbaro Zucca - la rhubarbe Zucca, pour entrer dans les détails. À l’extérieur du café, debout et un verre  à la main, d’autres buveurs de rhubarbe, essentiellement des retraités, passaient leur temps à se plaindre de la météorologie inamicale, du gouvernement inepte et, plus généralement, de l’évolution de la société. Il s’agissait de  vieux conservateurs, rien de particulièrement répréhensible. Mais avec mon regard méprisant de jeune progressiste (peut-on ne pas l’être à vingt ans ?**), je les considérais tout bonnement, si je peux me permettre cette formule triviale, comme des vieux cons.

3) L’autre jour je suis tombé  sur une information qui m’a dérangé à tel point que, dans un premier temps, je n’ai pas réussi à dépasser le titre. Elle concernait ce Japonais qui a dépensé 14.000 euros pour se transformer en chien (un collie, pour être précis).  Si je devais commenter l’événement  en tant qu’anthropologue, je saurais garder ma distance : je dirais que cela en dit long sur la porosité des frontières ontologiques, sur notre désir d’altérité, sur la considération croissante que nous avons pour les autres espèces, sur le droit à choisir son propre statut etc. Mais une petite voix, dans mon for intérieur,  murmurait instamment : « Ce type est complètement dingue. Il lui faudrait un bon psychiatre ». En m’efforçant de ne pas l’écouter je me suis demandé : « N’es-tu pas en train de devenir toi aussi un vieux conservateur ? Tu n’as qu’à rejoindre tes copains sur le parvis de la place du dôme  de Milan».

*J’en parle dans Le retour du prédateur. Mises en scène du sauvage dans la société post-rurale, Presses Universitaires de Rennes, 2011.

** La réponse est : oui. Personnellement, je me considère encore très progressiste. Je pratique en fait le progressisme critique (j'introduis ici cette notion) une variante perfectionnée du progressisme traditionnel.

jeudi 3 août 2023

La place de la chasse dans la société contemporaine


Image extraite de mon ouvrage "L'innocente piacer". La caccia e le sue rappresentazioni nelle Prealpi del Veneto rientale. Comunità montana Feltrina, Feltre, Panfilo Castaldi, 1989*.

Ce qui est fabuleux, dans la chasse contemporaine, c'est sa capacité de rassembler. Je veux dire, de rassembler contre sa pratique  les citoyens les plus disparates. Elle a aussi une autre grande vertu : elle permet à tout individu qui se compare au chasseur d'afficher, par contraste,  sa propre humanité, son amour pour la nature, ses compétences en matière d’écologie et même de psychanalyse (tout ennemi de la chasse connaissant les « vrais mobiles » qui poussent le chasseur dans les bois).

Autrefois ça se passait autrement. La chasse semblait parfaitement normale, voire belle.  Je parlerai de cette évolution samedi 5 août à 14 heures, sur France Inter, dans le cadre de l’émission Les Savanturiers présentée et produite par Fabienne Chauvière.

*Le gamin sur la photo avait pour nom de famille Valduga. La gamine je ne sais pas.  

mercredi 2 août 2023

Tous les bergers ne sont pas bons

Arrêtons avec nos préjugés sur les races canines. Sur l'image  : épagneul breton qui, bien dressé, peut devenir un chien de défense redoutable.

Dans mon étude L’éloquence des bêtes* je consacrais un chapitre à la question des races.  J’évoquais le célèbre texte de Claude Lévi-Strauss rappelant l’ « erreur commise par Gobineau ». De quoi s'agissait-il? Eh bien, l’écrivain et diplomate français mettait  en relation les caractéristiques physiques des populations avec leurs dispositions psychologiques, ce qui dans le cas de l'espèce humaine  n’a aucun fondement (c'est confirmé par  d'éminents généticiens tels Jacques Ruffié ou Luigi Luca Cavalli Sforza). Je notais par la suite que, si nous avons bien intégré cette idée par rapport aux humains (pas de relation entre la couleur de la peau et le tempérament ou les facultés mentales des individus), en matière de chiens et de chats nous restons « racistes », dans le sens où nous prêtons à chaque race canine et féline des caractères différents.

Prenons le chien Malinois, par exemple, si on cherche des informations sur lui on peut lire :

« Le Berger Belge Malinois est un extraordinaire chien de protection, de garde et de défense. Il est attachant, intelligent, vif et se montre d’une fabuleuse loyauté envers son maître. Il est joueur et présente un avantage à l’entretien par rapport à ses cousins belges. De plus, sa santé, solide, ne demande aucune dépense superflue. (https://www.woopets.fr/chien/race/berger-belge-malinois/)

Autrement dit, si on veut un chien « attachant » et « intelligent » on achète un Berger Belge Malinois. Si on préfère un chien « fastidieux » et « pas fûté du tout», on s'oriente plutôt vers  ... je vous laisse choisir la race. J’y pense en lisant le communiqué de presse suivant :

« Deux chiens malinois ont attaqué un troupeau de brebis jeudi matin à Clapiers, au nord de Montpellier. Sur les 230 brebis, une cinquantaine ont été mordues, une est morte sur le coup et douze ont dû être euthanasiées. Le propriétaire, qui a assisté à la scène, se dit complètement démuni ».  https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/un-troupeau-de-brebis-decime-par-une-attaque-de-chiens-a-clapiers-pres-de-montpellier-5822124

N’étant pas racistes, les amateurs de chiens Malinois diront que ce comportement déplorable n’a rien d’inné : tout dépend du vécu du chien, de son éducation etc.

Il en découle que  dans les races de chiens seulement les vertus sont héréditaires.

* « Hommes de gauche, chiens de droite », in L’éloquence des bêtes. Quand l’homme parle des animaux. Paris, Métailé, 2006.