Si
j’avais été un cheval, aurait-il été
préférable que je naisse aujourd’hui ou, mettons, il y a cent cinquante
ans ? Je me pose cette question peu sérieuse en parcourant le dernier ouvrage
de Bernadette Lizet Le cheval dans la vie
quotidienne (éditions de CNRS, 2020), un beau livre exhaustif et richement illustré. On y trouve tout ce que l’on voudrait
savoir sur les transformations qui ont mené « de la harde sauvage au
quadrupède domestique », et jusqu’aux adaptations les plus récentes.
La réponse à ma question paraît évidente : tout dépend du milieu. Au cours du XIXème
siècle, lorsque le cheval était
omniprésent, travailler dans une mine ou attelé à des véhicules surdimensionnés était une tâche infernale. Vivre dans les écuries du vicomte de Valmer ou du comte de Grammont, en revanche, ne devait pas être désagréable.
Mais au-delà des contextes plus ou moins favorables, c’est la sensibilité générale qui a changé. Aujourd’hui, en matière d’éthique
animale, nous avons progressé. Les
chevaux à viande destinés au
marché japonais reçoivent tous les soins d’un produit de luxe. Les chevaux de travail
employés dans les fermes écologiques pour remplacer les engins mécaniques, font
l’objet de mille précautions. Ils disposent même d’un « datafficheur, petit appareil
électronique permettant de mesurer la force de traction en fonction des
conditions de travail ». Mais le futur est incertain. Le devenir de l’hippophagie n’est pas
assuré* et, parmi les défenseurs de la cause animale, nombreux sont ceux qui
voient dans l’utilisation du cheval, que ce soit à des fins pratiques ou ludiques, une exploitation inacceptable.
Pour les chevaux, finalement, la perspective du
« bien-être animal » semble se concrétiser. Leur espoir de naître, en revanche, là où il ne serviront plus à rien, va forcément diminuer.
* En fait, c’est comme la pratique de la messe, qui décline dans
certains pays de la vieille Europe mais pas forcément ailleurs. Au niveau mondial l’hippophagie
est même en train de progresser.