mercredi 31 août 2016

Vie à la campagne (Wagner et la bécasse)


Prédateur ailé avec bécasse

Que voulait illustrer l'auteur de cette couverture? Le cliché est classique, certes. Dans la rhétorique de l'époque il symbolise le caractère nocif du "prédateur ailé", antagoniste du chasseur et ennemi du paysan. Des plumes et quelques plomb dans l'air laissent entendre que le chasseur aura bientôt une bécasse à manger et un rapace à empailler. Mais on croirait apercevoir  un message latent (un présage, peut-être?).   La revue date du premier septembre 1939, jour du début de la seconde  guerre mondiale.   Le rapace pourrait bien représenter l'Allemagne, la bécasse la Pologne, et le chasseur, qui reste hors champ, la France. 

L'hypothèse que la bécasse puisse représenter la France me paraît irrespectueuse.


Même si cela n'a rien à voir j'en profite pour évoquer cette boutade de Woody Allen qui m'a toujours fait rire : " Quand j'écoute trop Wagner, j'ai envie d'envahir la Pologne".

lundi 29 août 2016

Un peuple de sauveteurs (Le bestiaire de La Repubblica nouvel épisode)


Patte améliorée

Nous avons été prédateurs, mais c'est presque fini.  Nous sommes devenus des sauveteurs. L'autre jour, par exemple, au grand dam des propriétaires de poules de plus en plus touchés par la prolifération des "nuisibles" (ancienne expression désormais improposable), on a libéré Nina, une renarde soignée dans l'Hôpital vétérinaire ex Frullone de Naples, qui est repartie pimpante vers le poulailler le plus proche.  (La Repubblica du 25 août 2016)
En Ligurie, en transgressant une coutume atavique, un pêcheur s'est jeté à l'eau pour sauver un jeune dauphin (dans la région on appelle les dauphins "sangliers de la mer" en raison de leur voracité).  Ce bel exemple de solidarité interspécifique méritait bien un article (La Repubblica du 10 août 2016)

Lorsque on n'a pas de bêtes à sauver, on bichonne celles qui se portent bien. Sur la Côte d'azur, par exemple, on offre à son toutou des séance de "nail polish". Pomponné, les ongles émaillés en couleur unie ou fantaisie selon les goûts, le petit monstre  n'a plus rien à craindre. (La Repubblica du premier août 2016)

J'ai piqué cette image sur le site :
https://mpenaud.wordpress.com/tag/nail-art/


samedi 27 août 2016

Le requin centenaire et les éco-voyeurs




400 ans et toutes ses dents


On vient de s'en apercevoir. Dans l'Arctique, relativement bien caché, le requin groenlandais est capable de vivre jusqu'à 400 ans. C'est une bonne nouvelle pour les humains en général (ça donne des espoirs :  dans l'eau froide, en mangeant très peu ...)  et pour les passionnés de nature en particulier.  Mais  c'est une mauvaise nouvelle pour le requin. On va sûrement lui envoyer les descendants du Commandant Cousteau, Nicolas Hulot, l'équipe de Thalassa et la rédaction de National Geographic.

La prochaine génération, stressée par les éco-voyeurs,  ne vivra peut-être que 200 ans.

jeudi 25 août 2016

Coming out : j'ai dévoré un cœur de bœuf tout cru




Cœur de bœuf

Autrefois on pouvait baptiser une tomate "cœur de bœuf" sans se faire gronder par les amis des animaux. La référence à la  partie anatomique d'un animal pour dénommer une variété végétale  ne scandalisait personne. Sur le plan symbolique  elle ajoutait tout juste  au légume (ou au fruit, il y a débat là-dessus), la vigueur du bœuf et la puissance nutritionnelle du sang. Mais la société moderne, comme l'a si bien illustré Norbert Elias, tend de plus en plus à censurer (édulcorer, "euphémiser", dans son vocabulaire)  les associations d'idées trop liées au domaine du physiologique. Il n'empêche que l'opération inverse, revenant à "végétaliser" les références au monde animal,  montre aussi ses limites. Quoi qu'en pensent les animalistes, la formule "Richard cœur de lion" n'est pas remplaçable  par "Richard cœur de tomate".

mardi 23 août 2016

Omnivores : la coprophagie chez le chien

  
Paysage nordique avec chien

Comme l'a clairement montré l'anthropologue Mary Douglas, les raisons qui poussent à valoriser ou stigmatiser une espèce animale sont essentiellement d'ordre symbolique : si le Lévitique interdit de consommer la langouste ce n'est pas pour des raisons matérielles, hygiéniques ou pratiques, c'est qu'elle met du désordre dans le système classificatoire. Il n'empêche que des comportements typiques de  certains animaux peuvent contribuer, dans des sociétés parfois très éloignées les unes des autres,  à leur mauvaise réputation. C'est le cas de la coprophagie chez le chien. Les exemples sont nombreux. Je me limiterai à évoquer deux témoignages sortis d'un ouvrage  que j'ai déjà cité:

Chez les Dörvöd  (bergers mongols)  "les chiens sont perçus comme des animaux pollués. (...) Leur simple présence dans l'enclos pollue le bétail et cause des maladies. Étant nourris avec les restes du repas, des glandes immangeables et des os, ils sont considérés comme des animaux sales. Lorsque les gens quittent la yourte pour déféquer, les chiens les suivent pour manger les excréments". (Bernard Charlier, "Du chasseur au loup, de l'éleveur au chien. Garder l'animalité à la bonne distance en Mongolie de l'Ouest", in Michèle Cros, Julien Bondaz et Frédéric Laugrand, Bêtes à pensées, Paris Editions des archives contemporaines, 2015, p. 39).

"Malgré la place qu'il occupe dans la société et l'unité symbolique et économique qu'il forme avec son propriétaire, le chien n'est pas considéré, chez les Inuit, comme un animal sacré. Les traitements qu'on lui fait subir ne correspondent pas non plus aux standards que les Occidentaux associent aux animaux de compagnie. (...) L'été il n'était pas nourri et devait trouver lui-même sa pitance. Il se nourrissait alors de fruits de mer, de petits animaux, de déchets, d'équipement en peau (harnais, fouet, vêtements etc.), d'excréments humains et canins ou même de cadavres canins et humains". (Francis Lévesque,  "Là où le bât blesse. Soixante ans de gestion des chiens au Nunavik (ibid.  p. 70).


dimanche 21 août 2016

Revalorisons la figure du chien en changeant nos façons de dire




Chien irrité (anciennement dit : chien hargneux)*.


" Avoir une humeur de taupe". " On l'a laissé seul comme un chat alors qu'il faisait un temps de hamster". 

* À sa place je serais tout aussi irrité.

vendredi 19 août 2016

Traités comme des chiens


                            
Chien aimé par ses propriétaires qui l'ont amené en vacances avec eux .


Il n'y a rien de pire que les généralisations. Dans certaines sociétés le chien occupe une place de prestige, ne serait-ce que dans le cadre mythologique.  Il n'empêche que souvent, dans des civilisations lointaines les unes des autres, il est perçu comme une bête méprisable : "On m'a traité comme un chien" disait-on en Italie il y a encore peu de temps (en France aussi).

Est-ce en raison de sa familiarité avec le genre humain?  

mercredi 17 août 2016

Nager avec son chien



Touriste contribuant à la joie de vivre de son chien



L'autre jour j'ai nagé là où venait de nager un chien. Dans la demi-heure qui avait précédé plusieurs chiens s'étaient mouillés dans le même bassin, qui était manifestement ouvert aux représentants de cette espèce. Je n'ai rien contre les chiens et j'aime bien les voir batifoler dans l'eau. Pourtant, si j'avais pu choisir, j'aurais préféré nager sur le sillage d'un chevreuil voire même, à la limite,  d'une vache. Pourquoi le chevreuil et la  vache plutôt que le chien? J'y reviendrai prochainement.





lundi 15 août 2016

Les Jeux Olympiques et le syndrome du paon



Paon (ordre des gallinacés)


C'est une période gratifiante. Tous les matins, au réveil, j'ouvre l'ordinateur et je découvre avec satisfaction que j'ai gagné quelques nouvelles médailles (italiennes et françaises). Ceci, sans strictement rien faire : pendant la nuit, régulièrement,  la bonne fée passe par là  ... . À la fin des jeux olympiques je serai aussi décoré qu'un général d'armée.

samedi 13 août 2016

L'exotisme au quotidien





Compatriote promenant son attelage  de caniches-royaux


Le taux d'exotisme dans le monde diminue, se plaignait Victor Segalen aux débuts du XXème siècle. C'est sûrement vrai. Des nouveaux exotismes surgissent,  cependant, et tout près de chez nous.   Sur les bords d'un lac de Vénétie, par exemple, j'ai croisé des compatriotes tout aussi "autres" et énigmatiques que des  guerriers maori.

vendredi 5 août 2016

Interlude



Intervallo



C'était apaisant et inquiétant à la fois. Entre une émission et l'autre, dans la TV italienne des années Soixante, passaient des longs moments de vacance au sens étymologique (du latin vacuus : vide, inoccupé, libre). La Rai remplissait ces moments de "vacuité" par des séquences répétitives accompagnées de la légende "Intervallo". On avait droit à des paysages urbains en noir et blanc ou, encore plus minimalistes, à de simples cartes postales achetées chez le buraliste d'en bas. La séquence bucolique portait sur un troupeau de moutons, dont on suivait les mouvements lents à l'effet incantatoire. Un morceau joué à la harpe qui recommençait en boucle (Haendel, Paradisi, Couperin), renforçait  le caractère intemporel de la scène. On regardait magnétisés, on songeant nostalgiques ou angoissés, selon les tempéraments, à l'époque où il n'y avait pas de télé.



Je  squatte l'Intervallo de la Rai pour illustrer la courte vacance de mon blog, qui reprendra son activité le 13 août. Le lecteur éventuel pourra en profiter pour jeter un coup d'œil sur de vieux billets trop vite oubliés.  

mercredi 3 août 2016

Une abeille ne fait pas le printemps

 

Une abeille peut en chasser une autre

Les abeilles sont revenues, c'est peut-être un bon signe, me suis-je dit. Mais un bon signe de quoi? Va savoir. Sur une fleur de lavande il y en avait une particulièrement jaune et rondouillette qui a attiré mon attention. Pendant que je la regardais une autre abeille est survenue et l'a chassée. Elle était plus élancée et moins jaune que la précédente. Et elle n'était pas toute seule. J'ai pensé : voici un autre signe.

Je me suis renseigné. Il semblerait que l'abeille Ligustica  et l'abeille de Carnie, toutes les deux autochtones, sont sérieusement menacées par l'abeille Buckfast,  que les spécialistes qualifient d' "hybride interracial". De quoi alimenter des fantasmes xénophobes.

Hier soir j'en ai parlé à un monsieur qui s'y connait : "Celles de la lavande  sont des abeilles à part. Elles sont sauvages, vivent dans des trous et  gardent leur miel pour elles".

Il se moquait de moi, probablement.

lundi 1 août 2016

"Ton père est un assassin (de truites)".


  Jeunes assassins attendant l'arrivée d'une délégation antispéciste.



Je ne parle pas de mon père, qui était un assassin de faisans (plus quelques lièvres de temps en temps), mais du père d'un enfant de la Valsesia (Piémont italien) qui participait à une compétition de pêche à la truite. Des animalistes sont arrivés dans le coin et, avec eux, la Vérité. En s'adressant à l'enfant un des activistes s'est exclamé :   "Mai accettare la verità. Non ascolatare la verità. Perché è difficile accettare di essere degli assassini, vero?" (Ne jamais accepter la vérité. Ne jamais écouter la vérité. Parce qu'il est difficile d'accepter d'être des assassins, n'est-ce pas?). L'enfant, qui jusqu'à ce moment traînait dans l'ignorance, s'est mis à pleurer.

Cette histoire banale nous rappelle à quel point la cause animale  peut servir de prétexte : au nom du bien-être des poissons je décharge sur autrui la violence qui est en moi. Cela me permet aussi -  c'est gratifiant -  de donner des leçons de morale à droite et à gauche.

Une telle ferveur pour la Vérité n'est pas sans dangers.  Transférée de la défense  des truites à celle des préceptes d'une divinité quelconque, elle pourrait déboucher sur des gestes graves*.




Cf. entre autres :






http://www.giornalettismo.com/archives/2138788/animalisti-contro-pescatori-video/

* Cela dit, les défenseurs de la cause animale ne sont pas tous pareils et généraliser, comme je le fais ici,  n'est pas très sérieux. Ce que j'aime dans les blogs c'est que l'on peut garder une posture partisane (il n'y a pas d'enjeu scientifique ni de comité de lecture).