dimanche 31 janvier 2016

Encore sur l'étique animale : la maîtresse, Pierino et les iconophobes



J'ai emprunté cette image au quotidien La Repubblica du 30 janvier

Pour apprendre à ses élèves la bonne orthographe du mot "percuotere" (frapper) - lisons-nous dans La Repubblica du 30 janvier - une institutrice a proposé à ses élèves une vignette représentant Pierino qui frappe un chien (« Il faut écrire "percuotere et non pas perquotere il cane... »). L'opinion  publique a mal réagi en qualifiant la dame de « fasciste » et la menaçant même de porter plainte pour incitation à la violence. Le comportement de Pierino, effectivement, est odieux (dans le dessin, d'ailleurs, la maîtresse souligne son sourire méchant). Faut-il crier au scandale pour autant ? Plus largement, faut-il censurer les images donnant le mauvais exemple ? Faut-il bannir les fantasmes qui ne vont pas dans la bonne direction, les fantasmes hétérodoxes ?

Iconophobe, adj. et subst. : « Personne qui a la phobie des images, tableaux, etc. » (on pourrait ajouter à la liste les sculptures, en rappelant la récente visite du président Iranien Hassan Rohani aux Musées du Capitole, et les caricatures, qui ont la propriété de faire sauter les nerfs des intégristes de tout poil).

Plus la question animale prend des connotations religieuses, plus nous sommes cernés par des  iconophobes.



vendredi 29 janvier 2016


Pieter Bruegel : "Jeune dépravé martyrisant des petits oiseaux"*. 

"Ce qu'ethnologues et anthropologues désignent volontiers comme convivialité festive, m'a toujours paru cher payé - trop cher - en souffrance animale". Françoise Armengaud, "Au titre du sacrifice : l'exploitation économique, symbolique et idéologique des animaux", in Boris Cyrulnik, Si les lions pouvaient parler. Essais sur la condition animale, Paris, Gallimard, 1998, p. 856-887. 

Françoise Armengaud a raison :  l'ethnologue met l'accent sur des détails dérisoires (simples prétextes) et occulte l'essentiel. Il y a quelques temps j'ai écrit un article sur le piégeage des petits oiseaux. J'aurais dû m'abstenir, j'ai honte de moi.

*Que deviendra-t-il à l'âge adulte? On commence par dénicher les pinsons sur les arbres et après ...

mercredi 27 janvier 2016

Questions de flair. Le chien de Mario Rigoni Stern


 Chien bavarois (très sage). 
Dans le passé, il m'est arrivé d'ironiser sur le chien du célèbre écrivain  Mario Rigoni Stern (il en avait parlé dans la revue  Il cacciatore italiano). Ce chien,  d'après lui, avait  un flair tout particulier lui permettant de  reconnaître les gens de bien. L'idée sous-jacente, qui n'a rien d'original, était que les animaux en général et notre propre chien en particulier,  détectent comme des mediums la valeur des personnes.   "C'est parfait, avais-je  écrit : si on a un doute, on fait renifler notre interlocuteur par le chien de Rigoni Stern et  on saura comment se comporter". Quelqu'un a transmis mon propos à l'écrivain qui, parait-il,  n'a pas du tout apprécié. Et pourtant j'insiste : même notre chien peut se tromper, il y en a de futés, il y en a de crétins. Parfois il croient être futés, ou ils font semblant de l'être.  Et ils y arrivent très bien.  Comme chez les humains, il suffit de peu de chose, une pipe, la barbe, un chapeau,  le regard sérieux, pour avoir l'allure d'un vieux sage.

 

dimanche 24 janvier 2016


Daniel Fabre Image extraite d'un entretien réalisé par Thierry Wendling le 26 avril 2013 à Paris


Je ne connaissais pas Daniel Fabre personnellement. Je l'ai vu une première fois à Aix-en Provence lorsque j'étais étudiant. Je venais de débarquer. Il portait des jeans et une belle chemise blanche à la Robespierre (il n'y avait pas que les Nouveaux philosophes, à l'époque, qui arboraient des chemises de penseur romantique). Il nous a présenté sa recherche  sur les dénicheurs d'oiseaux. Je l'ai trouvé magistral. "Ce que j'ai apprécié dans sa conférence - j'ai dit à Pietro Clemente, mon ancien directeur d'études qui était là à ce moment et qui pouvait comprendre - c'est le caractère humaniste de sa conception  du travail ethnologique : celle d'un écrivain". Personnage aux intérêts très vastes, Fabre a côtoyé de près le domaine de l'anthropologie de la nature. Il l'a fait dans une perspective que j'aime beaucoup - une anthropologie très littéraire, mais  rigoureuse,  particulièrement sensible à la dimension symbolique. Cette approche a laissé une marque importante dans l'ethnologie française, si bien qu'aujourd'hui, en citant ses travaux à côté de ceux  de Claudine Vassas, de Marlène Albert-Llorca et des autres membres de son ancien laboratoire, on parle de l' "Ecole de Toulouse". Je n'ai rien contre l'éthologie, les sciences politiques, la biologie qui s'intéressent de plus en plus, aujourd'hui,  aux questions environnementales et aux rapports homme/animal. Il n'empêche que lorsqu'il m'arrive de croiser  l'anthropologie symbolique de l'"École de Toulouse"  je me sens toujours particulièrement  à l'aise.  

L'amélioration du vivant (autour du bien-être animal et végétal)




Philodendron perfectionné par Karine Bonneval

«Possédé par cette idée il avait vagué, au hasard des rues, était arrivé au Palais-Royal, et devant la vitrine de Chevet s’était frappé le front : une énorme tortue était là, dans un bassin. Il l’avait achetée : puis, une fois abandonnée sur le tapis, il s’était assis devant elle et il l’avait longuement contemplée, en clignant de l’œil.
Décidément la couleur tête-de-nègre, le ton de Sienne crue de cette carapace salissait les reflets du tapis sans les activer ; les lueurs dominantes de l’argent étincelaient maintenant à peine, rampant avec les tons froids du zinc écorché, sur les bords de ce test dur et terne. Il se rongea les ongles, cherchant les moyens de concilier ces mésalliances, d’empêcher le divorce résolu de ces tons  (...). Il se détermina, en conséquence, à faire glacer d’or la cuirasse de sa tortue.  Une fois rapportée de chez le praticien qui la prit en pension, la bête fulgura comme un soleil, rayonna sur le tapis dont les teintes repoussées fléchirent, avec des irradiations de pavois wisigoth aux squames imbriquées par un artiste d’un goût barbare. Des Esseintes fut tout d’abord enchanté de cet effet ; puis il pensa que ce gigantesque bijou n’était qu’ébauché, qu’il ne serait vraiment complet qu’après qu’il aurait été incrusté de pierres rares». (Joris-Karl Huysmans, À rebours, chap. VIe).



D'autres artistes, plus récemment, nous ont invité à réfléchir autour de la manipulation esthétique du vivant. La plasticienne Karine Bonneval, par exemple, a "embelli" des plantes d'appartement comme on pourrait le faire dans un institut de beauté : "Des plantes sont augmentées de manière anthropomorphique, travesties par des parfums et des rajouts qui renvoient à une esthétique humaine (ongles, cils, cheveux)"*.
Angela Singer, de son côté, a pris l'habitude de recycler des animaux taxidermisés en soulignant/cachant  leurs blessures par des boutons, des perles et autres ornements colorés.



Carcasse de renard agrémentée par Angela Singer 

D'où cette question vaguement imbécile (c'est juste pour accroître le désordre dans le grand débat sur les frontières ontologiques ): si j'étais une tortue, serais-je fière d'avoir été arrachée à mon destin de reptile ovipare pour devenir une icône de la littérature décadente? Si j'étais un philodendron, serais-je content d'avoir été repéré par Karine Bonneval, transpercé, soigné, exposé à Versailles et promu à la postérité? Si j'étais une pièce de gibier, serais-je heureuse d'avoir été  tripotée  par Angela Singer (deuxième tripotage, après celui du chasseur), fourrée de perles pour la bonne cause et livrée à la curiosité du public? 

Qui saurait le dire? Les intéressés ne sont plus là pour nous en parler. Il faudrait demander à leurs proches.

J'aborde la question des "monstrations ambigües" lundi prochain dans le cadre du séminaire "L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi" Mon intervention s'appelle : "Le mort reconnaissant :  les bienfaits posthumes de l'animal naturalisé  (EHESS, de 15h à 17h - 105 bd Raspail, 75006 Paris, Salle 5).

* présentation de l'exposition :  Je cherche des parfums nouveaux, des fleurs plus larges, des plaisirs inéprouvés, Versailles, La Maréchalerie18 janvier -17 mars 2012 ).




samedi 23 janvier 2016

Experts et autres connaisseurs



Dans mon billet précédent  je voulais tout juste évoquer le rapport idéal qui peut relier le connaisseur de champignons (le prédateur) aux champignons (ses proies), mais personnellement je ne me considère pas comme un expert. En fait, je  ne le suis  pas du tout. Mon oncle, en revanche l'était. Un jour il a voulu montrer que le Boletus satanas,  si on le fait bouillir préalablement,  est parfaitement comestible : "Je vous assure, a-t-il déclaré, ce ne sont que des croyances populaires". Le soir même on l'a amené aux urgences où ils l'ont intubé. Il s'en est sorti merveilleusement, tout juste un peu affaibli du côté de l'amour-propre.

vendredi 22 janvier 2016

Questions d'éthique végétale


Cantarellus tubiformis

La "bonne mort" du lièvre dit-on en Italie, c'est le civet.  Et celle des champignons? Je savais qu'à Noël, en raison du réchauffement climatique, j'avais quelques chances d'en trouver. J'ai eu beau arpenter la forêt pendant toute la matinée, il n'y en avait pas. En rentrant, lorsque j'avais perdu tout espoir, je suis tombé sur des chanterelles. Elles étaient censées être là, en effet, et leur présence ne m'a pas étonné. Les arbres autour étaient majestueux, l'herbe était particulièrement rase  et les champignons semblaient plus grands que d'habitude, bien distribués dans l'espace comme s'ils étaient cultivés. Un vent léger donnait au tout  une ambiance hors du temps, genre  "enclos sacré". Je leur ai dit : "Vous avez eu de la malchance, mes belles chanterelles, à quelques mètres près je ne vous aurais pas aperçues".  Elles étaient en pleine forme, même si quelques exemplaires, dans les endroits mal exposés, avaient  été brulés par la gelée. Si j'étais un champignon, me suis-je demandé, comment aimerais-je finir, surpris par le froid au milieu de la nuit et dans l'anonymat le plus complet ou mis en valeur par un humain, cuit comme il se doit et intégré à son cycle alimentaire? Ma réponse fut : "Surpris par le froid au milieu de la nuit et dans l'anonymat le plus complet". J'en ramassai pas mal. En partant,  hypocritement, je laissai sur place les plus petits pour qu'ils se reproduisent.


Question d'éthique végétale : lorsqu'on est une chanterelle, mieux vaut-il  être mangée par un expert, qui sait parfaitement ce qu'il mange, ou par un dilettante qui ne fait pas la différence avec un champignon de Paris?

jeudi 21 janvier 2016

Anthropomorphismes. À malin, malin et demi





Pieter Brueghel l'Ancien, 1559 (détail un peu flou)

Il s'avère que les renards dépassent en astuce les Grecs anciens et même certains Espagnols modernes qui sont tous, comme tout le monde le sait, très malins.


(Michelangelo Biondo, De Canibus et Venatione, 1544).

mardi 19 janvier 2016

Le Pape en boucher


Otto Dix, Fleischerladen, drypoint, 1920

De quoi je me mêle? A la différence d’un certain nombre de mes concitoyens que je vois sortir de l’Église Saint-Louis le dimanche en me rendant au marché, je n’ai pas de grands liens avec la papauté. Il n’empêche que le pape actuel m’est plutôt sympathique. L’autre jour il a fait une sortie spectaculaire : « Vous me demandez ce que je voulais devenir quand j’étais petit ? Eh bien, je vais vous faire rire : je voulais devenir boucher. » Il a regardé en souriant les Pueri Cantores qui étaient venus à sa rencontre. Il goûtait d’avance leur rire joyeux. Mais ce rire s’est fait attendre. Et il était plutôt faible, presque de complaisance. La caméra s’est attardée sur un groupe de jeunes chanteurs (ils étaient 6.000, âgés de 5 à 28 ans). Ils étaient embarrassés, comme si le Pontife avait laissé échapper une bêtise ou, pire encore, comme si le diable avait parlé par sa bouche. En personne intelligente, le Saint-Père a tout de suite relativisé : « Oui je sais, les idées maintenant ont changé… » Mais la chose était dite. « Ça alors, un homme si vénérable, le représentant même de la chrétienté... Comment peut-il ne serait-ce que nommer cet ignoble métier ? Ne prévoit-on pas l’enfer pour les bourreaux ? N’y a-t-il pas de contradiction entre le message des Évangiles et la souffrance animale ?» Les questions de cet ordre, manifestement, ne touchent pas le Pape. Dans son esprit, être boucher et aller au Paradis sont deux choses tout à fait compatibles. 

Loin d’être contradictoire, en fait, ce Pape est très cohérent. Tout en professant un écologisme franciscain*, il n’a pas oublié que le Nouveau Testament a été conçu dans une civilisation pastorale et que les bergers, à la différence de leurs brebis, mangent de la viande. Certes, on peut considérer le christianisme comme un crédo à géométrie variable et modifier son architecture au fur et à mesure qu’elle cesse de nous convenir. On pourrait, par exemple, remplacer les victimes animales évoquées dans les Saintes Écritures par des offrandes végétales.  Dans la prière Agnus dei qui tollis peccata mundi - c’est une modeste suggestion - on pourrait remplacer l’agneau sacrificiel par un concombre ou un potiron. Cela perdrait un peu de sa charge mystique, probablement, mais ce serait sans doute moins sanglant.

La performance du pape, dans le monde des antispécistes, a suscité quelques réactions endiablées. Cf. par exemple la video : Papa macellaio. Ci è riuscito benissimo! - YouTube


* Je reviendrai sur ce point


samedi 16 janvier 2016

Le choix du lion, l'Église et la panthère rose : nouveaux horizons de l'ethnologie

Un prédateur peu réaliste: la panthère rose

Voici quelques perles sorties tout récemment d'un examen d'ethnologie. Le cours "transversal", ouvert aux étudiants de différentes disciplines, s'intitule : "De l'humain animalisé à l'animal humanisé" et porte sur l'évolution de la sensibilité occidentale en matière d'animaux. 

"L'animal, au cours de l'histoire, a longtemps été abordé ou analysé avec un point de vue entièrement humain".

"Un lion, dans la savane, n'a pas d'autre choix que de se nourrir de viande".

"L'Église, responsable de la déforestation, organisait des battues sans autorisation sur plusieurs groupes de loups".

"Les fresques pariétales du XVIIe siècle".

"La cruauté n'existe pas chez les animaux, les félins tuent parce que cela fait partie de leur nature. Ils prennent plaisir à torturer leurs proies et faire durer leur agonie".

"Peut-être que le chat est capable d'être cruel quand même ... mais il vous suffira de poser un concombre à côté de lui pour le calmer".

"La panthère rose, irréaliste, permet d'éviter un quotidien parfois trop morose".


Sur le dernier point, je suis parfaitement d'accord avec l'étudiant. (Sur le premier aussi, d'ailleurs).

jeudi 14 janvier 2016

Le recyclage du lapin de garenne. Histoire vraie


La formule "lapin de garenne" me rappelle la Provence. Pendant mes années de doctorat j'ai habité à Puyricard, dans l'arrière-pays aixois. Ma fiancée préparait aussi son doctorat. Elle était comme Kant : à l'aube, avec une régularité chronométrique, elle se promenait  sur un petit chemin goudronné, qui sortait du village,  pour méditer autour  des liens entre Lucien Lévy-Bruhl et le relativisme cognitif. A cette époque on commençait à bâtir  des villas en pleine garrigue mais le paysage, dans  son ensemble,  restait encore "cézannien". À la lisière, entre les champs et le maquis on voyait trottiner les lapins.   Les propriétaires des villas étaient pour la plupart des citadins qui avaient quitté le bruit d'Aix-en-Provence, ou le fracas de Marseille, pour s'installer en pleine nature. Le matin ils partaient tôt  pour se rendre au travail. Les lapins étant nombreux et indisciplinés, il arrivait à ces néo-campagnards d'en écraser quelques uns par inadvertance. Après le forfait, que ce soit pour des raisons psychologiques (horreur du sang, envie d'oublier au plus vite) ou pour des raisons pratiques (l'empressement, la crainte d'être repéré par le garde-champêtre ... ), ils ne s'arrêtaient pas. Quel dommage, me disais-je, c'est une offense au Créateur, à Artémis, au  Maître des animaux, à Gaïa (selon les confessions religieuses)  que de gaspiller leurs dons en les laissant pourrir au  milieu du chemin. Je décidai alors de montrer à ma fiancée que les lapins, sous certaines conditions (s'ils sont encore tièdes et si la voiture les a tout juste touchés), peuvent être opportunément recyclés. Elle venait de Rome, épicentre de l'urbanité (Rome = Urbs = la ville par définition). Je m'attendais ainsi aux réactions écologiquement correctes  d'une citadine. Elle me dit, en riant,  "Tu devi essere pazzo" ("Toi tu es fou"). Mais contrairement à mes prévisions elle apprécia l'idée.

J'avais l'habitude de me lever un peu plus tard qu'elle. De temps en temps, sur la table de la cuisine, je trouvais un lapereau qu'elle avait ramené pour moi, comme le font les chats et autres  prédateurs.  Je le vidais, je le dépouillais, je le découpais en  morceaux et je le laissais tremper, pendant un moment, dans du vin rosé que nous achetions au Puy-Sainte-Réparade, tout près.  Quelques herbes provençales plongées dans le bain aidaient à tirer ce mets sauvage du côté du domestique. Je n'ajoutais  pas trop de parfums parce que la viande du lapin de garenne, tout naturellement, sent déjà le romarin, la sarriette et la lavande.

Nous passâmes bien une saison, peut-être même deux,  en charognards.


N. Si on ne veut pas manger le lapin mort accidentellement, on peut toujours le naturaliser.

lundi 11 janvier 2016

30 Millions d'Amis et le repas de Noël


Royal canin

30 millions d'amis renvoie à la fois à une émission de télévision, un magazine mensuel avec ses posters, et une fondation : la Fondation 30 Millions d'Amis. Ces différents organismes se préoccupent tous des animaux de compagnie, notamment les chats, chiens, chevaux, furets, lapins, cochons d'Inde, rats, hamsters, souris, canaris, perruches, perroquets, reptiles de terrarium, poissons rouges, poissons tropicaux et autres NAC, mais aussi de la faune sauvage (par exemple les bonobos, guépards).*
                                                                   
Question : qu'ont-ils mangé les 30 millions d'amis pendant les vacances de Noël?

Une réponse au choix :


 Des aliments véganes compatibles avec le respect de la vie animale.

 Des protéines animales et des fibres végétales pour favoriser le transit intestinal.

 30 millions d'ennemis.

dimanche 10 janvier 2016

Cerfs d'ailleurs et cerfs de chez nous

Cerf de "chez nous" tel qu'il est conçu par SANYpet, entreprise Leader, en Italie, dans le secteur des aliments diététiques pour les chiens et les chats (Croquettes pour chien à base de cerf et pommes de terre).

«Nourriture, symbole de fertilité, messager de lumière, corps de connaissance, le cerf est aussi psychopompe, médiateur entre le vie et la mort. Le même tsaurixika ... qui fut mon "cerf", mon guide dans les méandres de la culture huichole, réalisa, lors d'une chasse, une action qu'on ne peut qualifier que de "magique" lorsqu'on la voit la première fois. L'animal venait d'être chassé et rapporté, à dos d'homme, par le groupe de chasseurs. Il était agonisant. Lorsqu'il fut déposé à ses pieds, le tsaurixika eut in sourire d'une grande tendresse. J'u l'impression fugitive, à ce moment là que, face à ce cerf sacrifié, il avait le même regard qu'on aurait pour une femme, quand la douceur se mêle au désir. Il caressa d'abord, avec délicatesse, le museau, les ramures, passa la main sur son dos jusqu'à la queue.  Brusquement il desserra la bouche de l'animal. Il y enfouit son visage et aspira bruyamment ce qui restait d'haleine au cerf» (...).  Denis Lemaistre, Le Chamane et son Chant, Paris l'Harmattan, 2003; p. 135 et 136


Denis Lemaistre nous parlera de son ouvrage lundi prochain, 11 janvier, dans le cadre du séminaire "L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi. Négocier avec le vivant". Paris, EHESS de 15 h à 17 h (salle 5, 105 bd Raspail 75006 Paris)

vendredi 8 janvier 2016

Non à la chasse (mais) oui à la pêche


Famille heureuse de chez Décathlon

Michel Delpech, finalement, n'est pas si inactuel que cela. Si la pratique de la chasse est très controversée (mais l'engouement croissant pour la nature sauvage laisse entrevoir, dans certains secteurs de la société, une inversion de tendance, ne serait-ce que partielle) la pêche sportive se porte très bien. Selon la Fédération Nationale de la Pêche, "au terme de la saison 2014, la pêche associative en France a connu une hausse historique de ses effectifs de 3% par rapport à l'année précédente". On compte ainsi, sur le territoire français,  1.500.000 pêcheurs de loisir. Bref, si tirer sur les oies sauvages implique désormais une sanction morale, pécher un poisson dans le Loir et Cher (les amateurs reconnaitront dans cette formule une autre chanson de Delpech)  reste relativement légitime.


Il y a quelques jours, en sortant de chez Décathlon, je suis tombé sur une image publicitaire. On y voit une famille heureuse (car sportive). Sauf le père, tout le monde brandit une canne à pêche. L'enfant a manifestement attrapé quelque chose. Un lièvre, peut-être*.

* Je rajoute une question : pourquoi certains animaux, lors de leur mise à mort,  font plus de la peine que d'autres?

mercredi 6 janvier 2016

On n'arrête pas le progrès : le piégeage ludique du ragondin

Nasse rat-lapin et ragondin cruelty free qui peut être achetée chez Amazon (sic) pour 92 euros. "Il ne reste plus que 12 exemplaires en stock".


Une entreprise touristique vient de lancer, dans la Dombes, le premier parc d'attraction basé sur le piégeage "no-kill" des ragondins. Le stage de trois jours coûte environ 280 euros.  Le matin, un animateur-nature renseigne les clients sur l'éthologie de l'animal. L'après midi, un piégeur agréé  explique le fonctionnement du piège-cage permettant d'attraper l'animal sans le blesser.  Les deux jours suivants sont consacrés à la pratique. Une fois la photo prise et l'animal pesé, on le libère. "Plus il se fait attraper, plus il devient malin", a précisé un des gestionnaires, en soulignant le caractère non-violent de ce "tête à tête ludique avec l'animal". On compte adapter  cette formule à la chasse au lapin de garenne, espèce bien répandue dans la région. Ce modèle de la chasse "cruelty free" commence à intéresser la communauté des producteurs de gibier qui voient dans cette nouvelle mode, à la fois didactique et sportive,  un bon moyen pour relancer la filière.

dimanche 3 janvier 2016

L'inactualité de Michel Delpech (et pour la défense des oies sauvages).


Auteur anonyme : nature morte

" Il était cinq heures du matin, on avançait dans les marais couverts de brume. J'avais mon fusil dans les mains, un passereau prenait au loin de l'altitude. Les chiens pressés marchaient devant dans les roseaux",  chantait Michel Delpech en 1974. À l'époque de sa création - celle des grands succès de Bob Dylan, John Lennon ou David Bowie - cette chanson était déjà "démodée" (démodée mais poétique et tout à fait "juste", dans le registre national-populaire qui était le sien*). La chasse aussi était en train de passer de mode, même si c'est vers la fin des  années 1970, en France,  qu'on atteint le record du nombre de permis de chasse (2.000.000). Delpech même, on le découvre dans les couplets qui suivent, perçoit l'ambiguïté de l'acte de chasser : " Avec mon fusil dans les mains au fond de moi je me sentais un peu coupable. Alors je suis parti tout seul, j'ai emmené mon épagneul en promenade. Je regardais le bleu du ciel et j'étais bien".
Personnellement, je trouve cette chanson un peu trop "bon enfant", bien que douée d'une certaine grâce narrative (je préfère, par exemple,  "Quand j'étais chanteur", où il a le culot de pronostiquer la date du décès de Mick Jagger). Aujourd'hui, en tout cas, un texte de ce genre serait littéralement inacceptable. Pour une large partie de l'opinion publique, en paraphrasant Théodore Monod, les arguments du chasseur "ne sont que des sornettes émises par des criminels virtuels".


Cela peut paraître bête, mais je trouve la position de Théodore Monod, dans ce qu'elle a de péremptoire, moins "humaine"  que celle de Michel Delpech.

* National-populaire, en esthétique,  est une formule lancée par Antonio Gramsci, philosophe et homme politique italien.

* Théodore Monod, Le chercheur d'absolu, Paris, Le cherche midi éditeur, 1997, p. 69.


Domestique ou sauvage? Daube de furet au cognac


Préalpes de Vénétie. Moutons assistant impuissants à l'urbanisation de la plaine (cliché : Sergio Dalla Bernardina)

Pour un certain nombre de citadins manger du poulet reste un fait anodin. Manger du gibier, en revanche,  pose des problèmes d'ordre moral,  la vie d'un animal sauvage, de leur point de vue,  étant plus précieuse que celle d'un animal domestique (exception faite pour leur chien, leur chat, leur furet  et autres NAC). À la campagne c'est parfois le contraire.  Lors de mes enquêtes dans les Alpes  j'ai demandé à un éleveur piémontais :

- N'éprouvez-vous pas de la peine pour les chamois que vous chassez?

 - Oui,  un peu. Mais ces bêtes là, au bout du compte, je ne les connais pas, alors ... .  C'est bien plus dur avec mes agneaux  : je les protège, je les soigne tendrement, ils sautillent autour de moi  du matin au soir et  après, au printemps, je dois les tuer.