mardi 31 mai 2022

L’animaliste et/est le Bon Dieu

 

Pour alimenter ce blog et pour rester informé je consulte Twitter tous les jours. Les comptes consacrés à la cause animale pullulent. Il y en a de sérieux et de bien documentés qui nous obligent à réfléchir sur les conséquences néfastes de notre égoïsme et de notre superficialité. Il y en a d’inspirés, poétiques et émouvants. Il y en a de tendres et minimalistes qui célèbrent juste  l’affection pour un animal de compagnie. Il y en a de militants. Il y en a de marrants, qui font rire tout le monde et d’autres qui, tout en se prétendant humoristiques, ne font ricaner que les membres de la tribu.  Il y en a de commerciaux. Il y en a de pornographiques mettant en spectacle la souffrance animale pour capter notre attention. Et après il y en a d’arrogants. Certains blogs sont manifestement des prétextes pour délivrer des certifications d’idiotie à l’ensemble de l’humanité. Ils sont souvent anonymes. Cet anonymat m'interpelle et m'intimide : qui est l'être omniscient, le grand évaluateur, le dispensateur de certitudes qui se cache derrière le pseudonyme ?

dimanche 29 mai 2022

Se soigner avec les animaux (et ce n’est pas de la TAA*)

 



S’immerger dans des substances organiques,  voici une belle manière pour se régénérer. Ça réconcilie l'imaginaire avec la pensée scientifique. Sur le plan symbolique, c’est comme replonger dans le liquide amniotique. C'est la renaissance. C’est la palingénésie. Après ... chacun son liquide. Cléopâtre, pour rester jolie, prenait des bains de l’ait d’ânesse.  On dit que Vladimir Poutine,  pour faire face à une grave maladie, prend  des bains de sang de cerf**.

Pas étonnant,  de la part d'un spécialiste des bains de sang.

 

*Thérapie assistée par l'animal (TAA)

** Ou plus précisément, comme le précise la revue Slate, des bains de sang extrait de bois de cerf coupés http://www.slate.fr/story/225852/poutine-prendrait-des-bains-au-sang-de-bois-de-cerf.

vendredi 27 mai 2022

Animalité et virilité (et un hommage chalereux à Wilder Ness)

 

Wilder Ness et Oscar Wilde  contemplant extasiés la nature sauvage

 

Juste quatre dernières pépites sorties de mon cours sur l’animalité :

 

1) Mais l’homme reste un animal par sa virilité, avec ce besoin d’être le dominant du groupe. Par ce comportement le monde a vu naître des nombreuses guerres dignes d’un comportement animalier.

 

2) De plus, l’agriculture des hommes est mise en danger par les animaux, par exemple les lapins qui font des trous ou bien encore les loups qui mangent les moutons.

 

3) L’homme et l’animal resteront toujours en lien malgré les convictions de certaines personnes, comme Descartes qui pense que l’animal ne souffre pas, il fait semblant.

 

4) Wilder Ness a mis en avant le changement de regard face à la nature sauvage, il y a une fascination pour l'  animal sauvage.

 

Drôle d’auteur ce Wilder Ness, peu connu, réservé sans doute, mais très convaincant. À première vue, il s’inscrit dans le courant de René Descola.

 

J’ai également retrouvé l’expression « bouquet misère » (cf. mon post du 16 décembre 2017 : René Girard et le sacrifice du « bouquet misère »). Cette trouvaille fabuleuse me vient souvent à l'esprit. Elle a le pouvoir de me faire rire même quand je suis de mauvaise humeur.

mercredi 25 mai 2022

L’intelligence du steak

 

 

Voici trois nouvelles merveilles issues d’un cours sur la question animale :

 

1) Le rapport entre l’homme et l’animal existe depuis la création des espèces.

 

2) Aujourd’hui nous avons de plus en plus de mal à manger un steak, parce qu’il est de plus en plus intelligent et de moins en moins animal.

 

3) Aujourd’hui, l’animal a une considération qu’il n’avait pas avant.  Des rayons entiers aux magasins sont destinés aux animaux ainsi que des droits et une totale inclusion dans la famille. Autrefois ce n’était pas le cas, les animaux étaient considérés comme des anomalies.

 

J’ai un faible pour la première déclaration pour sa solennité aux accents presque bibliques.

lundi 23 mai 2022

La comédie de l’innocence, la chasse et la guerre

 


 

Sacrifice païen (détail) . Image tirée de mon ouvrage "La langue des bois. L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi. Paris, Muséum d'Histoire Naturelle, 2020

Si on me demandait  ce qu’il faut retenir des années que j’ai passées à réfléchir autour de l’anthropologie de la nature j’aurais deux ou trois propositions. Mes contributions sont d’abord des « médiations ». La principale, peut-être, concerne la centralité que j’ai donné à la notion, peu à la mode en France et encore moins en Italie, de « Comédie de l’innocence ». Je l’ai repérée en  1982 en lisant un ouvrage de Walter Burkert* et, à partir de ce moment, j’ai passé mon temps à tester son efficacité dans l’étude des comportements ritualisés. Utilisé, au départ, dans l’étude des sociétés « non-modernes », le schéma associé à la notion de  « comédie de l’innocence » peut fonctionner  comme un scanner  dans l’étude des comportements contradictoires du monde contemporain. Il permet  de lire sous l’angle « cynégétique » toute description (et toute justification) d’une conduite violente et d’une prise de pouvoir : de l’acte judiciaire à  l’acte de guerre. J’en parlais déjà dans L’utopie de la nature. Chasseurs, écologistes, touristes (Imago 1996). J’y suis revenu à plusieurs reprises,  et tout récemment dans La langue des bois. L’appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi, Paris, Muséum d’Histoire Naturelle, 2020). J’en parlerai encore l’année prochaine, dans le cadre du séminaire De l’humain animalisé au vivant humanisé (EHESS)  en relisant un roman italien consacré à la dernière guerre mondiale comme s’il s’agissait d’un récit de chasse. 

* Walter Burkert, Homo necans. Antropología del sacrificio cruento nella Grecia antica. Torino, Boringhieri, 1981. Burkert emprunte cette notion à Karl Meuli, auteur suisse connu notamment dans le cercle « ésotérique » des historiens des religions.


vendredi 20 mai 2022

Humains incivils et autres nuisibles (annonce)

Séminaire - De l’humain animalisé au vivant humanisé (troisième année : risques et avantages de la proximité ontologique)

 

Bâtiment de Recherche Sud

Salle 0016, cours des humanités 93300 Aubervilliers

 

lundi 23 mai, de 12:30 à 14:30

 

                                 

Beatriz Raimundez

Comment les animaux aident à penser des dynamiques spatiales de contrôle ? Une réflexion anthropologique sur la relation entre le corps et l'espace au sein des métros de Paris et de São Paulo.

Dans cette présentation, j'ai l'intention de m'appuyer sur la réflexion anthropologique sur les animaux de deux manières. Tout d'abord, j'exposerai la méthodologie que j’applique dans mon master, en établissant un lien entre le tournant ontologique en anthropologie et la manière dont je propose l'étude de la relation entre le corps et l'espace pour comprendre les dynamiques de contrôle présentes dans les espaces des métros de Paris et de São Paulo. Ensuite, je présenterai le développement de ma recherche à partir d'un cas particulier : la campagne publicitaire menée par la RATP en 2015 intitulée "Restons civils sur toute la ligne", dans laquelle des humains incivils sont représentés comme des animaux. J'utiliserai les réflexions sur la différenciation et la hiérarchisation entre les humains et les animaux pour comprendre la logique de cette campagne et les messages de contrôle véhiculés par les compagnies gestionnaires du métro.

Angélique Brousse

« Dis-moi qui tu hais et je te dirai qui tu es» : des nuisibles et des hommes dans les traités d’agriculture français du XVIe siècle

 

            De nos jours, le statut d’espèce nuisible correspond à une catégorie juridique précise. La situation est différente sous l’Ancien Régime, où la définition du nuisible n’est pas aussi encadrée et où certaines de nos catégories, comme celle de parasite, n’existent pas en tant que telles. Le nuisible, en représentant cette partie de la nature qui échappe à l’homme,  l’oblige à réfléchir à sa place parmi les êtres vivants et à la légitimité de son action sur son environnement. C’est un animal à la croisée de plusieurs mondes, une part de sauvagerie qui s’immisce au plus près de son quotidien et brouille les frontières établies entre l’homme et l’animal. Dans le cadre d’un XVIe siècle marqué par l’humanisme, c’est tout un rapport au monde et à l’autre qu’il faut reconsidérer. 

 


mercredi 18 mai 2022

Descola : un animiste ?

 

Rituel animiste inspiré par les théories d'un célèbre anthropologue français


A cette époque de l’année j'ai l’habitude de reporter les « perles » issues d’un cours consacré à l’animalité*.  C’est un cours destiné aux étudiants de l'UBO qui, venant d’autres disciplines,  découvrent l’ethnologie. Ils forment un public très varié. Certains montrent une véritable vocation. D’autres s’en fichent, prennent hâtivement quelques notes, tentent leur chance comme s’ils jouaient au loto. C’est parmi ces derniers que l’on retrouve des propos fabuleux, dignes de Desproges ou de Virenque.   Cette année j’ai pas mal parlé de Philippe Descola, référence incontournable dans ce genre de cours. Les étudiants les plus motivés semblent  avoir bien assimilé l’ensemble. D’autres pas trop. Voici quelques passages très « créatifs »  que les lecteurs de Descola trouveront hérétiques :


« Philippe Descola, anthropologue français, analyse dans son recueil « De par la nature, la culture » la manière dont les Achuar identifient les êtres de la nature et les types de relation qu’ils entretiennent avec eux ».

Ce qui m'amuse dans ce premier exemple est l’altération du titre qui, mine de rien,  révolutionne la pensée de l'auteur de Par-delà nature et culture.

Les autres vont plus loin :

« Une conception animiste est apparue grâce à Philippe Descola, l’animal est considéré comme un être ayant une âme ».

Autrement dit :  Descola pense que les animaux ont une âme alors que ce n’est pas vrai.


« La théorie de Descola et de Malebranche est que les animaux sont semblables à des machines, qu’ils réagissent de façon automatique et qui n’ont pas de sentiments ».

Mais oui, bien sûr  : René Descola, auteur de la célèbre formule Cogito ergo sum.

 

* Plus précisément, j'avais l'habitude. Pour des raisons économiques, les cours transversaux  appelés Unités d’enseignement libres viennent d’être supprimés. On épargne de l'argent, c'est vrai.

lundi 16 mai 2022

À qui appartient la nature sauvage ?


 


Eh bien oui, lorsque je me promène « chez moi », dans les Alpes, je fais comme si j’étais chez moi, mais je triche. Dans la plupart des cas, en fait, je profite de la tolérance des propriétaires des  alpages et des massifs forestiers qui, jusqu’à maintenant, ont toujours trouvé normal qu’on se promène chez eux. Ça peut déplaire mais même la Wilderness, lorsqu’elle ne fait pas partie des biens de l’État, a ses propriétaires. Des propriétaires qui ont su préserver la « naturalité » de leurs terres et n’aiment pas trop croiser des arpenteurs du dimanche leur donnant des leçons de morale.  

On rit beaucoup, aujourd’hui, des propos du Président de la Fédération des Chasseurs invitant les ennemis de la chasse à se promener chez eux. Il se limite à rappeler une évidence : 75% des forêts, en France, appartiennent à des particuliers. Faut-il les exproprier au nom du bien-être animal et du droit à la promenade ? Peut-être, mais ça se discute.

J’aborde cette question dans mon article : « Mauvais indigènes et touristes éclairés. Sur la propriété morale de la nature dans les Alpes / Ill-informed locals or enlightened tourists - On the moral ownership of the natural environment in the Alps »,   Revue de Géographie Alpine Année 2003 91-2 pp. 9-25 .

Voici le lien :

https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_2003_num_91_2_2237

dimanche 15 mai 2022

Lorsqu’un bâton fleurit

Jusepe de Ribera, 1635 environ

Cette histoire de bâtons qui se mettent à fleurir (cf. le post précédent) m’a rappelé l’histoire de Saint Joseph qui apprend par la floraison miraculeuse d’un bâton qu’il sera l’époux de la Vierge Marie. On aperçoit immédiatement  toutes les opportunités symboliques offertes par une branche sèche qui se met à germer.  J’ai donc cherché à me documenter sur les différentes versions exégétiques  et c’est ainsi que j’ai découvert l’existence d’un Centre de recherche sur la canne et le bâton. C’est fabuleux. Un  centre de recherche entièrement consacré à la canne et au bâton.  J’y ai trouvé un bel article signé Laurent Bastard qui nous montre la profondeur abyssale des occurrences symboliques associées aux bâtons qui fleurissent. Voici le lien : http://www.crcb.org/le-baton-de-saint-joseph/.html

vendredi 13 mai 2022

Questions d’éthique végétale

Le philodendron et le noisetier 

Mon philodendron a 50 ans. Il est tout jeune mais il a au moins 50 ans,  autant que la maison où il a grandi.  Il était mort mais … Enfin, il restait juste une feuille. Je l’ai mise dans l’eau, elle a fait des racines. Un sauvetage in extremis. Ce vieux/nouveau philodendron symbolise à mes yeux  la transmission et la continuité. Il me rappelle que nous sommes des légataires* et que nous avons une mission à accomplir. Une mission mémorielle.  

Il s’avère que, pour faciliter l’épanouissement du philodendron,  nous l’avons pourvu d’un tuteur, juste une baguette de noisetier qui traînait dans un coin. Miracle : le noisetier a commencé à germer. Il y a quelque chose d’émouvant dans ce morceau de bois qui, comme Pinocchio, refuse son statut « objectal » .  Mais la cohabitation est impossible. Comment faire maintenant ? Qui choisir ?

* Les légataires d’un philodendron, par exemple.

mardi 10 mai 2022

Un nouveau canapé pour Madame Récamier (chez Jardiland)


Pas trop d’idées, ce matin. Mon œil tombe sur une publicité :

« Pure Family - Canapé pour chats et chiens design bleu - Taille M »

On peut l’acheter soldé chez Jardiland à  49,90 €

L’image m’hypnotise. Je sens monter en moi la colère.

Mais pourquoi, au fond ? Je suis bête.

 

 Jacques-Louis David  Le Portrait de madame Récamier (1800)


 René Magritte, Perspective : Madame Récamier de David (1951)

 

samedi 7 mai 2022

Des animaux chez Lacan (annonce du séminaire De l'humain animalisé au vivant humanisé)

 


Séminaire - De l’humain animalisé au vivant humanisé (troisième année : risques et avantages de la proximité ontologique)

Bâtiment EHESS-Condorcet

Salle 25-A 
EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers

 

Lundi 9  mai, de 12:30 à 14:30

 

 

Benoît Fliche

 

Justine et Jacques, ou comment la psychanalyse lacanienne parle des animaux.

 

 

Lacan avait une chienne boxer, Justine, dont il nous dit qu’elle parlait mais qu’à la différence des humains, elle ne se trompait pas d’adresse. A partir de cette incise, je proposerai une première analyse de la place des animaux dans sa théorie, ce qui nous permettra de dégager en ombre portée, l’anthropologie, entendu comme théorie de l’humain, qui sous-tend l’œuvre du grand amateur de nœud… papillon. 

 

jeudi 5 mai 2022

La porosité des frontières entre les espèces (et la manière d'y remédier) + Congrès du CTHS à Aubervilliers

 

La proximité qui nous lie aux autres animaux habite nos esprits et nous oblige à rappeler la distance par tous les moyens. La  langue italienne prévoit une différence entre le ossa (les os) et gli ossi (toujours les os, mais chez les autres espèces) ; le braccia (chez les humains), i bracci (chez les animaux, les fleuves etc.) ; le ginocchia (les genoux) chez nous, i ginocchi  (chez les non-humains).
Walt Disney a des braccia, des ossa, et des ginocchia.  Dingo a des  bracci, des ossi, et des  ginocchi

J’en profite pour rappeler que tout au long de la journée, aujourd’hui, nous traiterons la question des métissages ontologiques dans le cadre du Congrès suivant : 

 


 

Le congrès se tient au Campus Condorcet - Cité des Humanités et des Sciences sociales, Centre des colloques, Place du Front populaire, Aubervilliers et à la Maison des sciences de l'homme Paris-Nord, 20 avenue George Sand, Saint-Denis.

mardi 3 mai 2022

Lorsque l’ours dormira avec l’agneau (autour du révisionnisme éthologique)

  

 

Je viens d’apprendre que le Conseil d'État a jugé illégal l'arrêté ministériel autorisant les tirs d'effarouchement contre  l’Ours des Pyrénées. Et ça se comprend.  À notre époque, encline au « révisionnisme éthologique »*, on découvre que les humains et les grands carnassiers ont toujours cohabité paisiblement.  Les bergers reconnaissaient aux ours et aux loups le droit à quelques prélèvements en tant que gestionnaires des espaces sauvages (la mythique « part du loup »). Chacun son métier, finalement,  et les vaches étaient bien gardées.

Partage des espaces, partage des droits …  émouvant et peu crédible à la fois. Si les ours et les loups restaient chez eux, vraisemblablement, c’est que les tirs d’effarouchement n’étaient pas interdits. Et les tirs à balles réelles non plus.

Mais actuellement, c’est vrai, les techniques non sanglantes pour effaroucher les ours ne manquent pas : cours de tambour chamanique,  chansons de Sardou sur  la peine de mort, sermons bucoliques des animateurs nature, photoreportages indiscrets sur la sexualité plantigrade, boules puantes, claxons, pétards, castagnettes. On verra ce que ça va donner.

 

* Je lance cette formule juste pour le plaisir de la polémique. Je veux dire par là qu’un certain nombre d’éthologues, mais aussi d’anthropologues, reviennent aujourd’hui sur ce que nous croyions  savoir autour de la dangerosité des ours et des loups. Il s’agit à mon avis  d’une falsification de l'histoire naturelle dictée par des bons sentiments. Et ça fait distingué. Seuls les nigauds, aujourd’hui, ont peur des grands prédateurs.