mardi 28 février 2017

Une espèce menaçante : homo necans





Trump  promet à ses compatriotes une hausse historique des dépenses militaires. Il dit que l'humanité est en  en danger. Il n'a pas tous les torts, avec des types  comme lui en circulation il y a vraiment de quoi avoir peur.

dimanche 26 février 2017

Des palmiers à Milan : nouveaux horizons de la xénophobie


Derrière les palmiers, la mosquée 

Les palmiers, à Milan, existent depuis quelques siècles.  L'architecte Marco Bay a eu la mauvaise idée de s'en servir pour décorer la piazza del  Duomo (la place du Dôme). C'était sans compter avec les représentants de la Ligue du Nord et quelques autres défenseurs de l'identité locale. Pendant la nuit un patriote anonyme a carbonisé un palmier (d'autres exemplaires, livrés également aux flammes, ont survécu). Il faut savoir qu'une bonne partie des plantes de la ville  est exogène. Depuis toujours l'électorat de la Ligue du nord (célèbre moins pour son sentiment de la nature que pour son génie bétonneur) agrémente ses jardins avec une série de plantes écologiquement inappropriées.  C'est le cas du cèdre du Liban (sorte de Golem qui en grandissant soulève la maisonnette en style néo-rustique de son propriétaire, étouffe ses nains de jardin,  dessèche l'herbe de la pampa, le buddleja et les autres merveilles exotiques qu'il achète au Smart garden ou au Garden shop). Bien qu'exogènes, ces espèces  ne remettent pas en cause l'identité lombarde. Alors, pourquoi ne pas accepter les palmiers?  Dans son tweet intitulé "Mon Afrique"*, Roberto Maroni président de la région de Lombardie, nous donne quelques éclaircissements :

"Eh sì, adesso mancano solo le scimmie". "Eh oui, maintenant il ne manque les singes". 


*C'est une référence à un  célèbre roman de Karen Blixen qui n'a rien à voir avec le  message de Monsieur Maroni (le sait-il?) mais dont l'évocation fait "branché".

vendredi 24 février 2017

La mort de l'animal comme spectacle. Picasso, Desportes, L214 et les autres



Comment on doit écorcher un cerf et le dépecer (Gaston Phœbus, Le livre de la chasse,  XIVe siècle)

La mise en scène de la mort animale, j'y reviens souvent et j'y reviendrai bientôt,  constitue une sorte de constante iconographique.  Elle apparaît dans les témoignages picturaux les plus anciens, elle traverse l'histoire de l'art jusqu'à nos jours.  Autrefois on savourait la scène sanglante sans trop s'interroger sur sa moralité. Aujourd'hui on continue  à la montrer, mais  pour la dénoncer. Ce n'est plus la même chose, manifestement, mais pour saisir la différence, parfois, nous avons besoin d'une légende, d'une  explication. Sans connaître les motivations des différents auteurs, des visiteurs venus d'une autre planète trouveraient peut-être des continuités là où nous voyons des ruptures radicales.  Je veux dire qu'ils pourraient repérer la même obsession pour l'acte de prédation, la même fascination pour  le spectacle de la bête mourante chez les peintres de la grotte Chauvet, chez Gaston Phœbus, chez Alexandre-François Desportes, chez Pablo Picasso, chez Brigitte Bardot, qui expose volontiers, dans le  site de sa fondation, des images de sévices infligées aux  non-humains - pour ne pas parler de  l'association L214 qui, en matière de spectacularisation  des scènes sanglantes, dépasse de loin l'efficacité de la corrida. Grâce à L214 je peux visionner des images insoutenables la conscience tranquille, puisque c'est pour la bonne cause*.

*Il va sans dire que ces visiteurs extraterrestres  mettraient aussi dans le même sac l'anthropologue-pornographe responsable de ce blog (pornographe parce que la représentation de la bête mourante, avec son pouvoir d'attraction  instinctif, "éthologique", est une forme de pornographie).

Je profite de cette occasion pour annoncer notre séminaire de lundi prochain :

Séminaire EHESS - IIAC-Centre Edgar Morin
L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi : la prédation comme spectacle

 27 février - de 15h à 17h - salle 10 (105 bd Raspail, 75006 Paris)

Claude d'Anthenaise

L’image interdite

Lorsque, au milieu des années 60, François Sommer décide de créer un musée consacré à la chasse, la société française reste encore proche de ses racines rurales - la mort de l’animal, le spectacle de la prédation, n’offensent guère la sensibilité du public. Les collections qu’il réunit à cette fin - œuvres d’art, trophées et armes - se contentent de témoigner d’une activité immémoriale, sans chercher à la justifier.

Quarante années plus tard, une incompréhension s’est installée entre le public urbain et les chasseurs. Tuer les animaux par plaisir passe aux yeux du plus grand nombre pour une activité incompréhensible, si ce n’est répréhensible. C’est dans ce contexte que le musée de la Chasse et de la Nature doit se réorganiser pour aller à la rencontre des attentes du public.

Recourant aux détournements, à la poésie, au jeu, voire à l’humour, la muséographie tend à faire des nouvelles salles d’exposition une sorte de terrain de chasse imaginaire. Elle suscite un climat émotionnel propice à dépasser les oppositions frontales entre chasseurs et opposants à la chasse=.. Elle vise moins à conforter des certitudes qu’à susciter un questionnement. Dans un contexte que l’on voudrait apaisé à défaut d’être consensuel, le spectacle de la prédation n’est pourtant pas escamoté. La mort animale est bien présente, notamment à travers les expositions temporaires qui font une large place à l’art contemporain. L’accueil réservé à cette programmation artistique est contrasté. Si elle semble favoriser le ralliement du public de l’art contemporain, elle éveille en même temps une certaine crainte auprès des chasseurs. Pour ceux-ci, la mort de l’animal, qui est pourtant au cœur de leur pratique, doit rester une image interdite et l’évocation artistique de la chasse doit se faire selon des critères esthétiques précis et contraires à toute innovation.  La direction de ce musée voué au sujet polémique de la prédation doit donc alterner les exercices de communication et de pédagogie envers les tenants et les opposants à cette pratique.


mercredi 22 février 2017

Des poules au Père Lachaise




Poule hors contexte  (Copyright Siloë Douillard)

Je connaissais les chats du Père Lachaise. Personne ne m'avait jamais parlé des poules. En voici une, repérée dans le cimetière il y a quelques jours par trois jeunes filles en visite. Que fait-elle là-dedans? D'où vient-elle? Et surtout : que mange-t-elle?  

dimanche 19 février 2017

On dirait du porc (le jambon pour végétariens)





Morceau de speck entamé*

Je  viens de goûter du speck végétarien. Sa couleur est exactement la même que celle du jambon cru. Il réagit au passage du couteau avec le même abandon. La couche blanche et huileuse proche de la couenne (une imitation parfaite de la graisse animale) présente la même texture qu'une tranche de lard. Bref, le speck végétarien a tout pour nous rappeler la viande de porc salée (ainsi que les souffrances qui en sont à l'origine) tout en gardant  sa saveur incomparable : celle du tofu. 

*Le Speck est un jambon cru fumé fabriqué dans le Tyrol italien avec une forme longue qui ressemble à celle du lard, tout en étant un peu plus épaisse, et surtout moins grasse (Dictionnaire de la cuisine gastronomique).

vendredi 17 février 2017

L'arrivisme chez les chiens et les chats




Chien se prenant très au sérieux (œuvre de Daniel Trammer)



Ce qui est beau, dans des mots grecs et latins comme "oikos", "physis", "sacer" etc., c'est qu'ils nous permettent de passer pour savant à bon marché. C'est aussi le cas du terme "hybris", un terme chic  qui peut nous aider à définir le malaise engendré par le spectacle d'un  chien habillé en monsieur, en madame ou, pire encore, en bébé. Il indique la prétention d'une  créature à dépasser les limites qui lui ont été assignées par les dieux.  Se prenant pour un oiseau, Icare  commet un péché d'hybris et est sanctionné par Zeus.



Dans le cas du chien, bien évidemment, ce n'est pas le chien qui commet le pêché, mais son propriétaire. Faut-il le sanctionner? Ce serait ridicule. Les chiens d'aujourd'hui, on l'a déjà rappelé, ne sont plus ce qu'ils étaient et  leurs propriétaires non plus (pour ne pas parler de Zeus dont l'existence est de plus en plus contestée).


mercredi 15 février 2017

L'habit ne fait pas le moine (chez les chiens non plus)




Chien bien équipé contre les aléas météorologiques

Je ne sais pas pourquoi, mais les chiens et les chats habillés suscitent chez moi un mouvement de rejet.

En réalité je sais pourquoi. C'est que je pense que les chats et les chiens sont des non-humains (autrefois j'aurais dit des animaux) et qu'ils n'ont pas le droit de s'habiller comme des humains. Je le pense tout en sachant que c'est stupide : les animaux ne sont plus ce qu'ils étaient. Et nous non plus, d'ailleurs. Il n'empêche que lorsque je vois un chien avec un imperméable ou un manteau, même si je sais qu'il n'y est pour rien,  j'ai tendance à le trouver antipathique. Pendant que son maître a le dos tourné je serais tenté de lui murmurer à l'oreille : "espèce de pantouflard".

C'est une impulsion malsaine, je l'avoue, qui renvoie à un imaginaire vitaliste (est beau et sain ce qui n'est pas contaminé par le processus de domestication). Donc j'ai honte de moi. Mais j'ai honte pour lui aussi. Bref, j'ai honte pour nous deux.


lundi 13 février 2017

Truismes. Pourquoi reproduire le réel?


 Tableau de Magritte montrant sa propre inutilité

- "Les animaux sont mes amis ...  et moi je ne mange pas mes amis' (George Bernard Shaw).  Super.

- "Quand il est dur d'avancer, ce sont les durs qui avancent" (John Kennedy)". Glorieux, brillant.  

- Question que j'ai posée, il y a quelques jours,  dans une salle de réunion inondée par un pâle soleil finistérien : "A partir de ce qui vient d'être dit j'ai néanmoins un peu de mal à comprendre l'aversion de Platon pour les œuvres d'art"*.

- Réponse (chargée d'une certaine véhémence) : "C'est tellement évident : pourquoi reproduire des fleurs lorsqu'elles existent déjà?". De nombreux auditeurs semblent apprécier.


On ne songe pas assez, je trouve, au pouvoir enchanteur des lapalissades. Cela franchit le champ du politique. La démagogie, on le sait, se nourrit de truismes. La recherche et l'enseignement aussi. Ce qui compte, dans ce domaine, est moins le sens du propos que son ton. Tout dépend de l'assurance avec laquelle la lapalissade est proférée.


* Et ceci même si je connais depuis mon adolescence le topos de l' "art comme copie du réel" que les "littéraires" italiens découvrent au "gymnase", redécouvrent au lycée et retrouvent, en plat de résistance,  à l'université.

samedi 11 février 2017

Les championnats de la fidélité




Fido


Bob le chat,  appelé également Mimi par sa maîtresse Dany, a parcouru  20 km pour retrouver son foyer.

Casey, un Border Collie domicilié en Angleterre,  en a parcouru 100.

Peu de chose par rapport à Pero,  chien de berger  lui aussi,  qui en a parcouru 400.


Je trouve que plus la distance parcourue est longue, plus c'est émouvant.


Sources :

www.leparisien.fr/.../lyon-bob-le-chat-parcourt-20-km-pour-rejoindre-ses-maitres.

www.lexpress.fr/.../l-epopee-de-pero-le-chien-pour-retrouver-ses-maitres_1787852.ht...

www.lastampa.it/2017/01/05/societa/...km.../pagina.html

jeudi 9 février 2017

Chien qui vient, chat qui va



Pablo Picasso. Chat errant (et oiseau)

Buck, Labrador retriever de 2 ans, a parcouru 800 km, de l'Etat de Virginie au South Carolina, pour retrouver son maître*.  Par contre le chat Loupic (race non précisée)  a parcouru la même distance, de la Haute-Garonne au Pas-de-Calais, pour se débarrasser de sa maitresse*. Trahi par le tatouage qu'il portait à l'oreille, il a été identifié et  ramené chez elle*.  

*http://comefare.donnamoderna.com/il-cane-che-percorre-800-km-per-ritrovare-i-suoi-padroni-10438.html

* http://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/11565-le-chat-loupic-retrouve-a-plus-de-800-km-de-chez-lui/


* En fait, c'est l'esprit de symétrie qui me fait parler ainsi mais en réalité je n'en sais rien,  les desseins des chats étant imperscrutables.

mardi 7 février 2017

De quoi rougir


"Etre LabelRougien, la définition du bon goût !"

"LabelRougiens (n. masc pluriel, sing. LabelRougien, fem. LabelRougienne) : désigne des consommateurs qui, parce qu’ils sont particulièrement exigeants en matière de goût et de qualité, ne mangent QUE des viandes et charcuteries Label Rouge. Les LabelRougiens sont une communauté d’amateurs de bonne viande regroupés autour d’une passion commune : les viandes Label Rouge" (extrait du site http://www.label-viande-limousine.fr/en-2015-les-labelrougiens-remettent-le-couvert.html)

L'autre jour, chez le boucher de mon quartier, il y avait trois Labelrougiens qui faisaient la queue. Quatre avec moi.

Je ne savais pas que j'étais un Labelrougien, je l'ai découvert en lisant le prospectus affiché derrière l'étal. Depuis, je me sens moins seul. Nous ne formons qu'une petite communauté, pour l'instant, mais avec le temps nous deviendrons un parti, peut-être même un peuple et  à terme, qui sait, une nation*. 

"Labelrougien" : Je n'ai rien contre la bonne viande mais  un néologisme de ce genre  me donne une seule  envie : devenir végétarien.

 *Et alors il faudra  bâtir un mur pour défendre nos territoires.


dimanche 5 février 2017

Encore sur le loup (et sur le spectacle malsain de ses dévorations)


Loup-garou normand 

Ce post n'en est pas un : il s'agit d'un piège.  Je profite en fait de cet espace pour prévenir les participants au séminaire de lundi prochain 6 février* que Patrick Degeorges ne sera pas là (on s'est trompé de date). Nous aurons le plaisir de l'écouter au mois d'avril.

 La séance aura néanmoins lieu. Je reviendrai sur  le thème central du séminaire ("la prédation comme  spectacle") sous un angle épistémologique :  le sens des mises en scène de la mort animale  (trophées, reportages naturalistes,  œuvres d'art ...),  change  en fonction des auteurs, bien évidemment. Mais il change aussi, c'est une autre évidence,  en fonction des options scientifiques privilégiées  par les interprètes. Face à l'exhibition d'un corps inanimé,  pour dire les chose de façon caricaturale, un "Objectiviste" ne verra pas la même chose  qu'un "Herméneute". 


* Séminaire EHESS - IIAC-Centre Edgar Morin"L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi : la prédation comme spectacle" de 15h à 17h - exceptionnellement en salle 9 - 105 bd Raspail, 75006 Paris

vendredi 3 février 2017

Le loup est noble. La vache un peu moins


Noble animal

Dans une recherche qui a déjà quelques temps j'avançais l'idée que nous sommes devenus  républicains en matière d'ordre social (le roi n'est plus à la mode) mais nous restons monarchistes pour ce qui concerne l'ordre naturel. J'étais fier de cette trouvaille qui n'a pas suscité la moindre réaction.  Le discours ambiant, pourtant,  fait encore la différence entre les animaux nobles et les autres (les ignobles?). Le loup, par exemple, est noble. La vache ne l'est pas*. 

" Il ne faut pas passer sous silence les raisons des éleveurs, a déclaré tout récemment madame Debora Serracchiani, présidente de la région  Friuli Venezia Giulia,  mais il faut tenir  compte de l'évolution des sensibilités : pendant des décennies nous et nos enfants nous avons grandi dans la crainte qu'un animal noble comme le loup disparaisse définitivement  du sol italien".

Je les imagine bien, Madame Serracchiani et ses enfants, grandissant dans l'angoisse face au risque que le loup disparaisse du sol italien. Je dirais même que les comprends. Et ceci d'autant plus que, fort heureusement, je ne suis pas une vache. 

*Je reviendrai, à ce propos,   sur les stratégies rhétoriques du WWF

°°°

Je profite de cette occasion pour annoncer notre prochain séminaire :

Séminaire EHESS - IIAC-Centre Edgar Morin
L'appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi : la prédation comme spectacle

6 février 2017 (exceptionnellement le 1er lundi) - de 15h à 17h - exceptionnellement en salle 9 (105 bd Raspail, 75006 Paris)

Patrick Degeorges

La prévention du risque de prédation entre gestion des dommages et contrôle de la population : quel avenir pour la conservation du loup?


La cohabitation avec les loups repose sur la capacité de l'Etat à mettre en oeuvre des mesures de prévention du risque de prédation, acceptables par l'ensemble des acteurs concernés (agriculture, ONG, élus, agents de l'Etat responsables de la gestion de la faune sauvage protégée). Nous proposons une analyse de la construction sociale de cette notion qui engage tous les volets de la politique de conservation du loup (indemnisation des dommages, adaptation des systèmes d'élevage, dérogation au statut de protection stricte de l'espèce, recherches scientifiques sur l'espèce) et révèle ses ambivalences.

mercredi 1 février 2017

La "nounoursification" du vivant (le bestiaire de la Repubblica et ses effets collatéraux



Entre l' homme et le  dauphin : la sardine*

Encore un mot sur le lynchage involontaire d'un  dauphin en Argentine (le fait n'est pas récent, c'est vrai,  mais cela reste un scoop)*. J'ai signalé à plusieurs reprises la tendance de la Repubblica à présenter tout animal domestique ou sauvage comme un bisounours à pouponner, tripoter, psychanalyser, secourir (même lorsqu'il n'en a pas besoin) et immortaliser dans des reportages photographiques. 

D'un côté on incite les foules à "nounoursifier" le vivant (ce néologisme est affreux, je le reconnais, mais rend bien l'idée), de l'autre, lorsque le lecteur  passe à l'acte, on s'indigne.


* Cette photo vient du site  http://www.cesenatoday.it/eventi/mostre/lalla-palooza-e-i-delfini-di-cesenatico-al-museo-della-marineria.html

* Selon certains commentateurs le petit dauphin était déjà mort, mais nous  préférons penser qu'il était vivant (je me range parmi les lecteurs) parce que cela rend l'événement  encore plus scandaleux.