dimanche 31 mars 2019

La substance et la métaphore. Autour du "Tournant ontologique"




Noix boudeuse

On appelle certaines huitre les « boudeuses ». C’est en raison de leur forme. Elles remontent un peu dans leur extrémité antérieure, comme des caravelles, et elles donnent l’impression de bouder. Serions-nous animistes pour autant ? C’est possible.

vendredi 29 mars 2019

Néo-puritanisme 1




Plus je pense à la question animale plus mes rapports avec la viande deviennent malsains, dans le sens que sur mon bifteck, désormais, pèse la malédiction lancée par les animalistes. Le résultat, en dernière analyse, n'est pas de modifier mes pratiques alimentaires mais de les bousiller.
Le risque est que cet anathème puisse s’élargir à d’autres domaines.

mercredi 27 mars 2019

Mots à rayer du dictionnaire 2




Saint Herculan et saint Jacques (Le Perugin, 1505) 
Le mot à éliminer est  « houlette ».
Ce n’est pas moi qui le suggère, ce sont les porte-parole de l’association PETA.  Pour être précis, ils ne prétendent pas rayer du dictionnaire le mot,  ils proposent tout juste de censurer l'image. Ils demandent en fait que le personnage de Bo Peep, dans Toy Story 4, ne garde plus  sa crosse de bergère au nom du bien-être animal*.   La "houlette", cet outil très chargé symboliquement  qui a permis aux bergers de gouverner leurs troupeaux pendant des millénaires, n’est pas un fouet,  ni un instrument de torture.
Pour ne pas subir les rigueurs de la loi, je ne dirai pas  ce que je pense de cette proposition.  Je me limite à poser la question suivante : quelle forme pourrait bien avoir notre société si elle était dirigée par ce genre de bienfaiteurs ? 
* Cf. l’article de Cosmopolitan Pixar s'attire les foudres de la PETA avec Toy Story 4 Par Mylène Wascowiski 

Un peu de pub.

 

lundi 25 mars 2019

Proverbes revisités à la mode animaliste



lynx propre


1) Faute de grives on sauve des merles*.


2) Qui mange un œuf mange un bœuf (proverbe végane).


3) Le lynx sale se lave en famille.


J'accepte des suggestions.

* Cela ferait une bonne devise pour le blason de la LPO

samedi 23 mars 2019

Traumatismes de guerre (aux innocents) 6 : retour sur des petits massacres de rien du tout*




 

Après mes quatre coming out (j’ai vu souffrir à cause de moi  un poulpe, une araignée de mer, des escargots  et des grenouilles) et avant de continuer la liste, j’ai envie de poser à nouveau la question de départ. Est-ce que celui qui mange un poulpe tué par quelqu’un d’autre est plus sensible que celui qui mange un poulpe tué par lui-même ?
Est-ce que passer sous silence  les souffrances du poulpe qu’on a zigouillé est une marque de sensibilité ? Tout dépend des intentions. Je peux parler de la souffrance des animaux pour me délecter, je peux le faire pour exorciser l’événement troublant dont je suis à l’origine et  chercher à me déculpabiliser, je peux le faire pour que cela s’arrête. Ce qui complique les choses, c’est que toutes les intentions ne sont pas conscientes.

* Je provoque, bien entendu, plus j’en parle, plus ces gestes habituels et innocents dictés par des raisons alimentaires me semblent des vrais massacres. Et pourtant je ne désiste pas. Je m’apitoie et je mange. Doctor Jekyll and Mister Hyde.

jeudi 21 mars 2019

Traumatisme de guerre (aux innocents) 5 : l’affaire des grenouilles suite et fin



Marbre du Tholonet
Revenons donc aux grenouilles. Je tiens à rappeler - parce qu’on a tendance à l’oublier - que toutes les grenouilles que nous mangeons ont été tuées par quelqu’un.  J’aurais deux épisodes à raconter. Je me limiterai au second. Moi et la grenouille nous étions dans la cuisine. J’ai admiré pendant un moment le contraste entre son dos brun et rugueux et son ventre lisse et polychrome que l’on dirait marbré. Je l’ai posée sur la planche qu’on utilise normalement pour couper la viande. En réalité je ne l’ai pas posée,  je l’ai aplatie sur la planche en la serrant avec ma main. Dans ces conditions, la grenouille pulse comme un cœur. Je lui ai coupé la tête. Lorsque j’ai ouvert ma main la grenouille a bondi et est allée se prendre dans le rideau.
Il était clair, dans mon esprit, qu’un carnivore adulte doit assumer ses responsabilités. Bien qu'horrible, l’acte sanglant était donc justifié. Mais je m’en souviens encore aujourd’hui*.

*J’ai parlé d’une grenouille au singulier mais il y en avait une bonne dizaine.

mardi 19 mars 2019

Esprit, matière et souris



Du coup, en surfant sur le net, j’ai eu le sentiment que mon corps n’était qu’une prothèse, au même titre que la souris que j’étais en train d’utiliser.  Aurais-je donc une âme ?

dimanche 17 mars 2019

Traumatisme de guerre (aux innocents) 5 : l’affaire des grenouilles




 

En matière de remords, en ce qui concerne les grenouilles,  c'est encore pire que pour les escargots. Pour tuer les grenouilles, normalement, on les décapite. On sait à quel point, dans le passé, nous avons  aimé assister aux décapitations. Pendant des siècles nous avons suivi avec délectation  les derniers sursauts des criminels (grands, petits et moyens) exécutés un jour de fête sur la place de l’église ou du  marché. C’était édifiant, atroce et excitant à la fois,  et il fallait bien un public. Le Bon Dieu aussi était d'accord.  Nous avons même eu droit à des spectacles de luxe comme, par exemple,  le supplice d’un roi et de sa moitié. Ils l’avaient bien cherché, paraît-il.

Mais les grenouilles, elles,  n’ont rien cherché du tout. C’est nous, au contraire, qui les avons cherchées, trouvées, ramassées une par une, déposées dans un panier et ramenées à la maison.

vendredi 15 mars 2019

La rubrique des chiens sauvés




 

 Sauvetage d'un chien au Chili (https://video.repubblica.it/natura/il-cane-e-incastrato-da-un-tendone-il-poliziotto-lo-libera-e-lui-lo-ringrazia-cosi)

Comme je le remarquais dernièrement, les directeurs  de La Repubblica changent  mais les sauvetages de chiens et de chats sont toujours d’actualité. Les sauveteurs sont assez souvent des représentants de l'État*. Cela  frôle la propagande :

- Tiens il y a un chien à sauver.
- Attends un instant que je sorte mon portable. C’est bon,  tu peux y aller.

C’est comme s’il fallait redorer le blason de la police, cette institution indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. En Italie, pourtant, il n’y a pas de gilets jaunes  se plaignant, une fois sortis des urgences,  de l’exubérance des forces de l'ordre.
 

* Parfois, pour être honnête, ils sauvent aussi des NAC (Nouveaux animaux de 
 compagnie),.

J'ajoute le 16 mars le constat suivant : 

Il faut dire que même chez les gilets jaunes on  enregistre parfois une certaine exubérance (c'est un euphémisme : aujourd'hui, à Paris,  un immeuble a été livré aux flammes). Force est de constater que dans les deux groupes il y a des individus  qui,  comme le dirait Claude Nougaro, « aiment la castagne » (ce n'est qu'une minorité, certes, mais qui influence considérablement la perception collective des événements et des enjeux).   Je préfère arrêter ici, sur cette remarque triviale et rétrograde  qui nous renvoie à la vieille théorie des humeurs et des tempéraments (remarque très lointaine d'une analyse socio-anthropologique sérieuse)une discussion qui nous amènerait inutilement très loin.

mercredi 13 mars 2019

Un mot à rayer du dictionnaire



Je suis originaire de Vénétie. Il est plutôt courant, en Italie, de qualifier l’accent de  cette région d’« efféminé ». Je trouve ce cliché pertinent. Et je revendique cette caractéristique. J’aime bien, finalement, ne pas avoir un accent martial qui sent la testostérone.  L’autre jour j’ai employé le mot « efféminé » sans vouloir stigmatiser personne,  juste en raison de son pouvoir descriptif. On m’a grondé  à mort :  « Il ne faut plus dire efféminé. C’est machiste et discriminatoire ! ».
J’ai répondu : « Jawohl ! »

lundi 11 mars 2019

L'étoile du berger


 

Métiers qui changent.

Berger :  opérateur écologique censé produire de la nourriture pour les loups.

samedi 9 mars 2019

Traumatismes de guerre (aux innocents) (4) : le calvaire des escargots.




J’avoue avoir cuit des escargots. J'avoue aussi les avoir ramassés avec plaisir. C’est enivrant, après la pluie,  de fouiner dans les herbes, le nez au raz du sol,  et débusquer ces petits intermédiaires qui métabolisent pour nous, dans leur corps protéiforme, les essences du pré*. Le problème est que pour les manger il faut les tuer. Et avant, pire encore, il faut les nettoyer.  D’abord on emprisonne l’escargot et on l’oblige à jeûner. Après on l’immerge dans un mélange d’eau, sel et vinaigre pour éliminer la bave. Pour le tuer on utilise l’eau bouillante mais certains préfèrent que l’eau chauffe graduellement : dans la tentative de s’échapper l’escargot reste en dehors de son habitacle,  ce qui facilite le travail du cuisinier. J’en ai vus qui cherchaient à sortir de la casserole comme des desperados mais qui au beau  milieu de l’ascension, par la chaleur insupportable, retombaient dans l’eau.

Ce que je raconte est indécent. Pourquoi j’en parle ?  Pour donner libre cours à mes pulsions sadiques, probablement. Mais aussi pour maîtriser la scène troublante**. Pour la partager.  Et pour retenir l’attention de mon prochain avec des moyens faciles et déloyaux. C’est dans ce sens, je trouve, que décrire la mort des animaux  est malsain et « pornographique ».  Mais cacher ces atrocités, lorsqu'on en est à l'origine, serait tout aussi indécent. Ce qui accentue mon ambiguïté,  c’est que je ne décris pas ces horreurs pour que cela s'arrête. À la prochaine occasion, en connaissance de cause, je crois bien que je ramasserai d’autres escargots et que je les mangerai.



* Ce n’est pas pour nous qu'ils métabolisent, je le sais, mais ma version m'arrange.  
** C'est ça le "traumatisme" : le traumatisme du bourreau. 


jeudi 7 mars 2019

La disparition de Karl Lagerfeld : mort d'un antispéciste?

 

En concluant son existence sur un geste de la plus grande élégance le créateur de mode Karl Lagerfeld a légué  ses biens à son chat (il s'agit d'une certaine Choupette). On commence par dire "Je donne ma langue au chat" ...

mardi 5 mars 2019

Fakes News chez les Grecs anciens




A-t-on le droit de diffuser des contrevérités lorsque c’est pour la bonne cause ? Par exemple, a-t-on le droit d’affirmer que l’adepte du safari  tire sur des animaux « en voie de disparition » lorsqu’il  tue des lions qui ont été expressément élevés à des fins commerciales et dont la vente permet d’élever d’autres lions ?

Le Grecs ne croyaient pas forcément à leur mythes, dit Paul Veyne. Parfois il faisaient semblant d’y croire  pour des raisons de convenance, d'opportunité (je paraphrase). 

(cf. Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Seuil, coll. « Points essais », 1992.

dimanche 3 mars 2019

Sauvetage d’un rat




 

Cela fait un moment  que je néglige les  sauvetages d’animaux relatés  par La Repubblica. Les directeurs changent (le nouveau s’appelle Carlo Verdelli) mais la passion pour ces informations que l’on pourrait qualifier de dérisoires et racoleuses (avec tout mon respect pour les secourus), persiste. Dans les pages du quotidien, ces derniers jours, on a sauvé au moins un cheval et  un éléphant. Ce qui m’interpelle, c’est le sauvetage d’un rat*. Je ne suis pas en train de dire que la vie d’un rat vaut moins que celle d’un éléphant. Je remarque  tout simplement que les municipalités du monde entier investissent des chiffres considérables pour éliminer les rats qui infestent les sous-sols, les caves, les poubelles, les restaurants, les crèches, les hôpitaux,  les jardins publics etc. Il s’avère  que l’autre jour, en Allemagne,  un rat trop gros est resté emprisonné dans une bouche d’égout. Son sauvetage a mobilisé une dizaine de pompiers. Les journalistes de La Repubblica, émus, ont repris la nouvelle. C’est dire s’ils sont sensibles. Tout comme nous. Les sauvetages nous émeuvent en général, indépendamment de leur signification. C’est dire si nous sommes humains. 

Que le reporteur de La Repubblica appelle, pudiquement,  une "souris".




vendredi 1 mars 2019

Si les lions pouvaient parler (ils diraient peut-être des banalités*)




Lion couronné appelé Il leone di Giuda transféré par le régime fasciste d'Addis-Abeba à Rome en 1936.   Giornale Luce B1052 du 03/03/1937


Je reviens sur Mussolini et sur son grandiloquent : « meglio vivere un giorno da leone che cento anni da pecora). Il me fait penser à  ces jeunes d’extrême droite s’identifiant aux berserkir (guerriers/fauves des sagas nordiques qui  endossaient  la peau d'un ours ou d'un loup pour retrouver leur véritable nature).
- Moi, messieurs-dames, je suis féroce. Et je suis même implacable!
- C’est vrai ? … Tu as entendu Marylise? Le Monsieur est implacable.
- Beh… que dois-je dire ... mes félicitations  ... ».
En même temps cela me rappelle un dicton toscan, grivois mais captivant, que j’ai appris par mes amis siennois il y a longtemps, lors de notre stage de terrain dans les Alpes vaudoises*. Nous avions bu un peu trop, je crois. Et quelqu’un d’entre nous, capable d'exercer à la fois l’observation  participante et le regard éloigné,  commenta : « La sera leoni, la mattina coglioni ».  
Morale : mieux vaut vivre un jour comme un  mouton que cent ans comme etc. 

* Tout comme nous 
**J'en Profite au passage pour saluer nos enseignants de l'époque, Pietro Clemente, Christian Bromberger, Pier Giorgio Solinas.