À quoi sert un blog comme le mien, très proche du monologue ?
À laisser une trace. Pendant un moment (relativement long, désormais), un type
a profité d’un sujet parmi tant d’autres pour mettre les événements à distance,
les relire à la lumière de ses sentiments personnels et les commenter. On alimente
un blog comme on prend des photos, dans l’illusion qu’il puisse avoir la même longévité
que les vieilles photos que nous gardons dans nos tiroirs. Quelqu’un, plus tard,
tombera dessus, comme on tombe sur des clichés anonymes achetés chez un
brocanteur, et se dira : « À
cette époque, il y avait des gens qui voyaient les choses comme ça ».
Mettre les événements à distance revient aussi à lutter
contre la tentation d’augmenter notre dose de tristesse quotidienne en revenant
systématiquement, comme le font les médias (c’est bien leur fonction) sur les atrocités
qui nous entourent. Rappeler, par exemple, que Benyamin Netanyahou et ses
souteneurs exterminent ab ovo les enfants Palestiniens de peur que,
une fois adultes, ils ne soient tentés de venger la mort de leurs proches, me
paraît important. On ne peut pas faire grand-chose, mais on peut au moins témoigner,
rappeler qu’on a vu, qu’on a pris note. D’un
autre côté, cependant, j’ai le sentiment que l’objectif de ces semeurs de mort,
soit de nous entraîner par tous les moyens dans leur spectacle nécrophile : « Que
tu le veuilles ou pas, je t’oblige à me regarder, je t’oblige à parler de moi,
je t’oblige à renifler mon insupportable puanteur ».
Il se peut que, si le Bon Dieu devait exister, un jour il
nous dise : « Mais comment ... le monde est complexe, d’accord, et il
y a du tragique partout … mais toi, tu
avais eu de la chance. Chez toi ce n’était pas si mal que ça. Tout ce qu’il y avait de beau, dans ma
création, était à ta portée. Mais toi, au lieu de te réjouir, de contempler, d’honorer
cette opportunité, tu as passé ton temps à râler. Je suis gentil par nature. Donc je te pardonne*. Mais tu
mériterais l’enfer ».
Pour cette raison, à la place d’une photo des massacres
quotidiens perpétrés en Palestine au nom des valeurs de l’Occident, je propose
cette image bucolique, prise dans les Alpes**, nous montrant une
population tranquille, bien dans ses baskets (et dans ses territoires), qui
ne craint pas les exactions des colons et qui, pour se nourrir, n’a pas besoin de faire la queue sous les tirs des snipers.
* Il y a des Dieux qui sont plus gentils que d’autres.
** Cette Photo a été prise à Fornesighe, dans la vallée de
Zoldo. J’ai largement parlé de ce village insolite à propos du carnaval local, organisé tous les ans autour du masque de la Gnaga. En été, l’ambiance est
plus propice à la méditation.