vendredi 30 avril 2021

La comédie de l’innocence (et de la culpabilité ) : Sofri, Pietrostefani, les années de plomb et la « doctrine Mitterrand »

 


Dans La langue des bois*, je commence par analyser la « Comédie de l’innocence » chez les chasseurs d'ours sibériens et je finis par évoquer le cas d’Adriano Sofri, ancien protagoniste des « années de plomb » qui a passé un long moment dans les prisons italiennes**. Mon étude parle essentiellement du  rapport à la nature  mais dans l’épilogue je n’ai pas résisté à la tentation  de comparer les pratiques de culpabilisation/déculpabilisation propres aux sociétés non-modernes  avec le rituel judiciaire contemporain.

J’apprends  que Giorgio Pietrostefani, un camarade  de Sofri qui comme d’autres militants d’extrême gauche s’était réfugié en France en profitant de la « doctrine Mitterrand », sera bientôt livré aux autorités italiennes. Les commentateurs hésitent. Certains apprécient. Pour d'autres c'est une trahison. D'autres encore, aimeraient avoir plus de renseignements  sur la culpabilité des accusés. Ils n'ont pas compris que du point de vue du rituel, du dispositif théâtral et de son efficacité sociale, l'innocence ou la culpabilité de l'accusé ne sont que des détails.


* La langue de bois. L’appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi. Paris,  éditions du Muséum d’Histoire Naturelle, 2020

**Carlo Ginzburg, grand spécialiste de l’Inquisition et de la chasse aux sorcières lui a consacré une belle étude : Le juge et l'historien. Considérations en marge du procès Sofri, Lagrasse,. Verdier, 1997


mercredi 28 avril 2021

Un hareng est un hareng est un hareng est un hareng

 


« Je prends un hareng, je le peins en rouge, je lui coupe la queue et je le dépose dans un nid d’hirondelle : il devient difficile, voire impossible de l’identifier à première vue. Mais en même temps, il n’y a pas de doute qu’une seule identification serait correcte : il s’agit d’un hareng »*.  

Pauvre hareng! Il faut être pervers pour concevoir  des exemples de ce genre.

* Dan Sperber, « Pourquoi les animaux parfaits, les hybrides et les monstres sont-ils bons à penser symboliquement ? » in  L’Homme, 1975,  15-2,  pp. 5-34

lundi 26 avril 2021

Être un arbre à Brest (la quadrature du cercle)

 

 

Ces derniers temps, avec les étudiants du département d'ethnologie, nous travaillons autour de l'identité brestoise. Ai-je des pistes à leur suggérer?  Je remarque la silhouette de ces arbres fraichement taillés et je l'associe - allez savoir pourquoi - à mon service militaire. Mais c'est un  rapprochement trop subjectif*. Je décide donc de le garder pour moi.

 

* Nous sommes loin de la sociologie quantitative. 

samedi 24 avril 2021

Take care (empathie mal placée)

 


« Les plantes grasses quand même…  Tu résistes bien eh ? Cela faisait combien de temps qu’ on ne t’arrosait pas ? ». J’ai commencé à lui donner de l’eau, mais avec parcimonie parce qu'avec ce genre de plantes il faut faire attention. Elle me donnait beaucoup de satisfaction, toujours en forme.

Il m’a fallu deux mois pour découvrir qu’elle était en plastique. 

 


 

jeudi 22 avril 2021

Espaces en danger, espèces proliférantes

 

Vitrine à Cortina d’Ampezzo (cliché SDB 2019)

 

Cortina d’Ampezzo est une  charmante ville de montagne qui hébergera, d’ici quelques années, les Jeux Olympiques d’hiver. C’est un lieu singulier, à l’instar de ses habitants,  où la Wilderness  et le raffinement,  la silva et l'urbs, la tradition et la postmodernité  se côtoient. On se croirait en Amérique, mais dans le bon sens du terme*. S’il vous arrive de la visiter, n’hésitez pas à manger du cerf.  Il y en a 14.000.

 

 * Qu'est-ce que j'entends par là? Aucune idée, ça m'est venu comme ça.

mardi 20 avril 2021

Promenons nous dans les bois... tant que le patou n'y est pas

 

 

« Si vous voyez un patou, la plupart du temps il vous a déjà repéré ou senti. Voici quelques règles à respecter s’il vient à votre rencontre :

  • Ne paniquez pas. Les chiens ressentent votre peur et s’en méfient énormément.
  • Ne les surprenez pas. Les chiens peuvent avoir de mauvais réflexes de défense.
  • Restez calme et faites des mouvements lents et non agressifs. Ne courrez pas, ne criez pas, n’agitez pas vos bras, ne lui jetez pas d’objets, ne le menacez pas avec vos bâtons, etc… La plupart du temps, il vient uniquement vous identifier.
  • Parlez-lui calmement pour le mettre en confiance quand il s’approche de vous. Cela vous donne également une contenance si vous avez peur.
  • Si le chien se montre amical, ne le caressez pas, ne le prenez pas en photo et ne lui donnez pas à manger – il pourrait mal interpréter vos intentions.
  • Si le chien essaye de vous intimider – cela veut dire qu’il vous considère comme une menace – éloignez-vous lentement et calmement du troupeau.
  • Ne forcez pas le passage, vous risquez de passer pour une menace
  • Contournez le troupeau de votre mieux.
  • Si le chien vous suit, ignorez-le. Ces chiens peuvent vous suivre jusqu’à ce qu’il vous considère assez loin du troupeau
  • Si vous êtes avec vos enfants, tenez-les à l’écart car ces chiens ressemblent énormément à la peluche de leurs rêves.
  • Si vous êtes avec votre chien de compagnie, tenez-le en laisse et laisser le chien de protection s’en approcher pour qu’ils se sentent et fassent connaissance »*

Si ça ne devait pas suffire,  faites quelques gestes de soumission (agenouillez-vous par exemple, ou levez doucement les mains). Demandez-lui pardon, rassurez-le sur son rôle bénéfique (en lui susurrant, par exemple « C’est un métier ingrat, le tien, mais indispensable pour assurer la biodiversité. Je t’admire). Promettez-lui que c’est la dernière fois que vous mettez les pieds dans un  alpage. S’il devait vous mordre ne pleurez pas, ça risque d’augmenter ses sentiments de culpabilité.

Extrait de : PATOU - Sécurité des promeneurs, des randonneurs et des vacanciers, cf. le site :  http://www.enchastrayes.fr/patou-securite-promeneurs-randonneurs-vacanciers

dimanche 18 avril 2021

Rintintin est partout (au moins 500 exemplaires dans le territoire français)

 


Je viens d’apprendre  que Rusty nous a quittés. C’était déjà le cas de Rintintin et du Sergent O'Hara. Je m’en veux, tellement c'est innaturel*, mais ces trois compères m’étaient moyennement sympathiques. Malgré les efforts (les miens et ceux des institutions),  je n'ai jamais réussi à m’y identifier.

J’ai eu le même problème avec les scouts. 

* Il faut être pervers pour ne pas aimer Rintintin.

jeudi 15 avril 2021

Un bon millésime? Les perplexités d’un Aquoiboniste

 


 

J’hésite à rédiger ce post. C’est le millième. Je mesure toute l’absurdité de mon entreprise. Mille posts pour dire quoi? Toujours la même chose ou presque. Et si je cherche à la synthétiser, cette chose,  je n’y arrive même pas. Je ne fais que critiquer mon prochain, à l’instar de ces retraités que je croisais à Milan lorsque j’étais étudiant. Ils se rassemblaient dans la Piazza del Duomo à l’heure de l’apéritif, un verre de rabarbaro Zucca à la main*, pour maudire le gouvernement : « Piove, Governo ladro », dit-on en Italie (« Il pleut, Gouvernement voleur … »). Dans mon blog tout prétexte est bon pour accabler n’importe qui : les animalistes, les philanthropes, les chasseurs, les patriotes, les propriétaires de pitbulls, les amis des ours et des loups, les végétariens, les militaires, les politiciens, les fascistes, les tifosi, les tenants de la théorie des archétypes,  les touristes, les créationnistes, les fans de Johnny Halliday, les soigneurs de taupes,  les châtreurs de chats …  J’en ai pour tout le monde comme si j’étais moins contradictoire, moins lâche, moins sordide que les autres.  Et à quel titre ?  Est-ce pour défendre la cause animale ? Sûrement pas. Cela fait un moment, désormais, que je n’ai plus d’animaux.  Juste ce goéland  qui, de façon tout à fait illégale, reçoit trois fois par jour quelque chose à grignoter. On familiarise un peu, en attendant que la prochaine grippe aviaire le rende infréquentable. Et on se scrute avec méfiance : « Regarde-toi, je lui dis, tu es en train de grossir. Tu n’as pas honte de mendier comme ça, alors que tes copains gagnent honnêtement leur vie ? ». Je lui file quelques résidus et je ferme la fenêtre attendri et fier de ma prodigalité.  L’autre jour je crois qu’il a parlé. Je l'ai entendu dire : « Sales bourgeois ! ».

* Vermouth  à base de rhubarbe,

lundi 12 avril 2021

Du sang dans les prés, mais pour la bonne cause

 

Les fauves reviennent et il est de bon ton de s’en réjouir. 

J’aborderai  ce thème mercredi prochain  à 18h dans le cadre des conférences  du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques.

Mon intervention s'intitule : 

"Les herbivores domestiques sous la dent des grands prédateurs : autour d’une compassion à géométrie variable".

On pourra la suivre en se connectant au lien suivant : https://zoom.us/j/94031306306

vendredi 9 avril 2021

Dominants et dominés chez les non-humains

 LUNDI 12 AVRIL de 15h à 17h

Séminaire "De l’humain animalisé au vivant humanisé"




Sergio Dalla Bernardina

La noblesse du prédateur (et la vulgarité de la proie)


La « lycolatrie » est à la mode. On loue la prestance des grands prédateurs, leur utilité, leur savoir-faire. On s’identifie à ces garants des écosystèmes, on justifie leurs incursions dans la sphère domestique,  on  pardonne leurs « bavures ». On finit ainsi par oublier les moutons qui, par définition, n’ont qu’une valeur pécuniaire.

 

 

 

 

mercredi 7 avril 2021

Touche pas à mon hibou

 



 

Avec quoi remplacer l’agneau pascal ? En parcourant le net je suis tombé sur cet échange édifiant en matière d’alimentation alternative* :

 

- Salut les gars, Avec des potes, on se demande si le hibou est comestible et quel goût a sa viande. Si vous avez    déjà testé et si vous avez des idées de recettes, je suis preneur !

 

-  Toi et tes potes vous devez être une belle brochette de cons.

 

- Je n'en veux pas personnellement aux hiboux, c'est une simple question relative à la gastronomie sylvestre.

 

- Bah ça doit avoir le gout de pigeon ou de faisan, j'en sais rien.

 

- Putain touche un hiboux je t'explose !!!!

 

* J’ai juste éliminé deux ou trois interventions pour faire plus souple.

dimanche 4 avril 2021

Le dessein intelligent


C'est le jour de Pâques. Je constate que la menthe, dans le jardin, a déjà poussé. Elle revient périodiquement à la même époque que les agneaux.
C'est une remarque atroce, je sais, digne de l'ogresse de "Hansel et Gretel".

vendredi 2 avril 2021

Je t’aime … moi non plus. À propos de notre amour pour les autres animaux


 

Moi aussi, à ma manière,  je suis un ami des animaux, mais je n’en fais pas tout un fromage.

A-t-on  déjà trop épilogué  autour des opacités de l’animalisme ? Ce n’est pas mon sentiment.  Je trouve au contraire que, en matière d'animaux,  l’angélisme est en train de s’infiltrer dans le monde académique et qu’il n’y a plus de place pour les rabat-joie*.

Cela me donne envie de citer un autre passage de « Zoophiles et ethnophiles. L’amitié homme-animal comme modèle de subordination » :

« En fait, sommes-nous vraiment sûrs que le grand charme de ces animaux ne réside pas, avant tout, dans leur “infériorité” ? Le discours sur “nos amis les bêtes », de ce point de vue, deviendrait à la fois un expédient pour narrer l’épopée d’une domestication réussie, pour “ontologiser” la distance homme/animal et les rôles asymétriques qui en découlent, pour se dédouaner vis-à-vis du vaincu, pour se complaire aussi dans une bienveillance exemplaire ». 

* Cf. à ce propos mon post du 13 juin 2020.

Sergio Dalla Bernardina, in L’éloquence des bêtes. Quand l’homme parle des animaux, Paris, Métailié, 2006, p. 71.