mercredi 23 juillet 2025

Le chapeau de ma grand-mère

 

Manteau en fourrure de taupe, années 1930

Mario ne se limitait pas à déterrer les courtilières, il attrapait aussi les taupes qui infestaient le jardin. Il insérait dans le monceau de terre un piège métallique, un ressort minimaliste en forme de V. Le matin suivant il sortait sa belle taupe et la désolidarisait de sa peau qu’il mettait à sécher. Il faisait pareil avec la peau des lapins. Le chiffonnier passait tous les mois, achetait ses produits et il les revendait aux fourreurs.  Dans les champs, avec ce traitement,  il restait toujours des taupes, mais dans des proportions acceptables. Leur prélèvement périodique était une sorte de récolte. La communauté des taupes payait une dîme, c’est vrai, mais elle n'était pas exterminée. Tout en tuant les courtilières, les taupes et les lapins, Mario n’était pas particulièrement méchant.

Lorsque j'étais petit, ma grand-mère paternelle, une femme très sobre, portait un chapeau en fourrure de taupe dans lequel brillaient des petites plumes de faisan. Elle était loin d’être méchante.

Quand je pense aux animalistes, saisis non pas dans leurs déclarations officielles, mais dans leur « éthologie » (je veux dire dans leur intimité, dans leur manière de se rapporter les uns aux autres et d’administrer des sentiments comme la jalousie, l’envie, le désir de juger et de conditionner son prochain  au nom de la bonne cause ... ), je me demande s’ils sont forcément plus humains que Mario et ma grand-mère.

lundi 21 juillet 2025

Taupiques

 



Ai-je le droit moral d’éliminer physiquement les taupes qui envahissent mon jardin ? Je me suis posé cette question après avoir consulté le net à la recherche d’un « dispositif » (terme très à la mode) pour empêcher que mon jardin ne devienne une taupinière.  La tendance générale, en matière de bestioles envahissantes, est à la non-violence. Il y en a qui proposent de les dissuader par des vibrations sonores (avec quelles conséquences pour la santé humaine et non-humaine ? On le saura dans quelques années). On suggère également une série de plantes décourageant l’installation des talpidés, tout en précisant qu’elles ne marchent qu’à moitié. D’autres proposent des pièges qui ne blessent pas l’animal et permettent de le transférer, la nuit tombée, dans le jardin du voisin (où l’herbe, on le sait, est toujours plus verte).

Je vois venir la création d’un service vétérinaire pour taupes accidentées : une fois  la santé retrouvée, elles pourront être réintroduites dans l’écosystème et fidélisées au territoire par la diffusion souterraine d’une musique « taupiaire » conçue à cet effet.

vendredi 18 juillet 2025

Donner la vie, donner la mort (pour un partage équitable des fonctions)


Dans son ouvrage Donner La Vie, Donner La Mort. Psychanalyse, Anthropologie, Philosophie (Paris, La Bibliothèque du Mauss,  Le bord de l’eau, 2014),  Lucien Scubla pointe un paradoxe : les analyses anthropologiques et même psychanalytiques ont tendance à refouler une évidence : dans les sociétés traditionnelles, en raison de leur pouvoir physiologique, les femmes sont connotées du côté de la naissance, des soins, de la réparation, de l’apaisement. Elles sont les « gardiennes de la vie ». Ce n’est pas le cas des hommes à qui on demande, lorsque c’est nécessaire, de savoir donner la mort. Pendant longtemps, cette donnée de base a joué un rôle fondamental dans l’organisation symbolique des groupes humains les plus disparates.

Aujourd'hui,  il est normal que même les femmes revendiquent le droit de donner la mort. Aux Etats- Unis, cela fait plus de dix ans qu’elles ont obtenu le droit de servir dans les unités de combat de l'armée, y compris dans les positions les plus exposées au front. En France – c’est une vieille statistique - Le nombre de chasseresses a augmenté d'environ 25% en 10 ans, passant de 25 000 en 2014 à 31 200 en 2023.

J’ai du mal à imaginer une société à venir où il y aura plus de chasseresses que de chasseurs. Mais on ne sait jamais.

lundi 14 juillet 2025

Dénoncer, profiter de la vie, laisser une trace


À quoi sert un blog comme le mien, très proche du monologue ? À laisser une trace. Pendant un moment (relativement long, désormais), un type a profité d’un sujet parmi tant d’autres pour mettre les événements à distance, les relire à la lumière de ses sentiments personnels et les commenter. On alimente un blog comme on prend des photos, dans l’illusion qu’il puisse avoir la même longévité que les vieilles photos que nous gardons dans nos tiroirs. Quelqu’un, plus tard, tombera dessus, comme on tombe sur des clichés anonymes achetés chez un brocanteur, et se dira : «   À cette époque, il y avait des gens qui voyaient les choses comme ça ».

Mettre les événements à distance revient aussi à lutter contre la tentation d’augmenter notre dose de tristesse quotidienne en revenant systématiquement, comme le font les médias (c’est bien leur fonction) sur les atrocités qui nous entourent. Rappeler, par exemple, que Benyamin Netanyahou et ses souteneurs exterminent ab ovo les enfants Palestiniens de peur que, une fois adultes, ils ne soient tentés de venger la mort de leurs proches, me paraît important. On ne peut pas faire grand-chose, mais on peut au moins témoigner, rappeler qu’on a vu, qu’on a pris note.  D’un autre côté, cependant, j’ai le sentiment que l’objectif de ces semeurs de mort, soit de nous entraîner par tous les moyens dans leur spectacle nécrophile : « Que tu le veuilles ou pas, je t’oblige à me regarder, je t’oblige à parler de moi, je t’oblige à renifler mon insupportable puanteur ».

Il se peut que, si le Bon Dieu devait exister, un jour il nous dise : « Mais comment ... le monde est complexe, d’accord, et il y a du tragique partout …  mais toi, tu avais eu de la chance. Chez toi ce n’était pas si mal que ça.  Tout ce qu’il y avait de beau, dans ma création, était à ta portée. Mais toi, au lieu de te réjouir, de contempler, d’honorer cette opportunité, tu as passé ton temps à râler. Je suis gentil par nature.  Donc je te pardonne*.   Mais tu mériterais l’enfer ».

Pour cette raison, à la place d’une photo des massacres quotidiens  perpétrés en Palestine au nom des valeurs de l’Occident, je propose cette image bucolique, prise dans les Alpes**, nous montrant une population tranquille, bien dans ses baskets (et dans ses territoires), qui ne craint pas les exactions des colons et qui, pour se nourrir,  n’a pas besoin de faire la queue sous les tirs des snipers.

* Il y a des Dieux qui sont plus gentils que d’autres.

** Cette Photo a été prise à Fornesighe, dans la vallée de Zoldo. J’ai largement parlé de ce village insolite à propos du carnaval local, organisé tous les ans autour du masque de la Gnaga. En été, l’ambiance est plus propice à la méditation.

samedi 12 juillet 2025

Anniversaires (les Alpes, tant bien que mal, sont toujours là)

 


- Écoute, ça commence à bien faire.  C’est la troisième fois que tu me dis : « Encore dix minutes et on arrive au col ».

- Je suis désolé, et pourtant … j’étais sûr que …

-  C’est toujours la même histoire. C’est pas comme ça que tu me feras aimer la montagne.

Mon frère s’appelait Paolo. Il était sensible à l’ambiance alpestre, mais sans en faire une priorité. Je me demande où et quand il a rencontré les vaches immortalisées dans ces croquis.

Aujourd’hui c’est son anniversaire.

jeudi 10 juillet 2025

Les fleurs du miel

 


- Il est à quoi ton miel?

- Beh, c'est du miel toutes fleurs.

- Oui, mais c'est quoi les fleurs de ton jardin?

- Donc ... j'ai  du muguet, de l'aconit, du cytise et ... ah oui ...  de la digitale.

mardi 8 juillet 2025

Démocrates par intermittence

 


- Ça alors, Boualem Sansal, vieux, malade et condamné à cinq ans pour un délit d'opionion s’est vu refuser la grâce présidencielle  et toi tu ne te scandalises pas ?

- Beh non, il ne fait pas partie de notre équipe. 

- Équipe ?

- Oui, ou de notre paroisse, si tu préfères.

dimanche 6 juillet 2025

Des cygnes et des oies

 


Le poète italien Gabriele D’annunzio, c’est bien connu, était assez excentrique. Parmi ses extravagances - mais ça doit être une rumeur - on lui attribue le fait d’avoir entretenu des rapports sexuels avec les oies*. J’y pense pendant ma visite à l’exposition Animal ?! (Fonds Hélène & Edourd Leclerc, Landerneau,  14 juin-  2 novembre). Une salle de cette exposition était consacrée au Mythe de Léda, dont les représentations picturales et sculpturales foisonnent depuis l’antiquité.  « Tiens, me suis-je dit,  les scènes de ce genre deviennent licites si la protagoniste de l’échange zoophile est une femme, elles le sont moins lorsque, comme dans le cas de D’annunzio avec son oie, il s’agit d’ un homme »

Force est de constater le caractère asymétrique de la morale occidentale en matière de sexualité.

Je reviendrai prochainement  sur cette exposition qui a suscité mon intérêt à plusieurs titres.

* Il semblerait que, mis à part les problèmes d'ordre moral, cela pose des problèmes techniques.

vendredi 4 juillet 2025

Prendre en photo la biodiversité

 


Ails des ours

Quelques ours ici et là pendant que je ramasse mes champignons … j’aime bien finalement. Ça donne à mes ramassages un peu plus de noblesse. Et si ça devait mal se terminer … pas de chance, c’est tout.

Celui qui n’a pas eu de chance est le motard italien qui l’autre jour, dans les Carpates, a pris des selfies à proximité d’une ourse. On les a retrouvés dans son smartphone.  Au cours des vingt dernières années, en Roumanie, les ours ont fait une trentaine de victimes.*

* Qui ne savaient pas que les ours, lorsqu’on les croise de trop près … et que  les femelles,  lorsqu’elles ont des petits, etc. etc. Les gens ne se renseignent pas et  enfreignent allègrement les règles de sécurité. Après ils vont se plaindre.

mercredi 2 juillet 2025

Porcs des pics

 

 

« Porc de montagne », lit-on dans l'étiquette. J'en ai rencontrés rarement dans ma vie. Je me demande si c'est une dénomination zoologique ou une appréciation morale.