Paolo Dalla Bernardina, Chevreuil nocturne
D’ici quelques jours je changerai de registre pour présenter, coupée en morceaux, ma contribution à la séance introductive du séminaire « Penser les ruralités contemporaines » consacré, cette année, au traitement des émotions dans les sciences humaines et sociales.
Pour l’instant, je vais rester dans l’ambiance féérique des apparitions et des présages. J’en profiterai pour avouer un crime (trente ans s’étant écoulés, je ne risque plus rien). J’en ai peut-être déjà parlé sur ce blog, mais, comme c’est typique chez les criminels, je ressens le besoin d’y revenir.
J’allais rejoindre un collègue (j'évite de le balancer puisqu'il était mon complice), pour visiter avec lui un roccolo très réputé, exemple remarquable d’art topiaire*. C’était pour recueillir du matériel visuel destiné à la salle de la chasse que nous étions en train d’installer dans un musée ethnographique de la région alpine **.
La journée avait démarré par une scène presque héraldique. Pendant que je roulais, derrière des peupliers qui laissaient entrevoir un étang, j’ai aperçu un chevreuil qui nageait dans ma direction. C’était un mâle, avec des ramures tout à fait convenables. Il avait l’air serein et concentré.
J’ai pensé : « Tiens, quelle étrange coïncidence : alors que je pars en mission pour documenter la chasse, cette modalité immémoriale de notre rapport aux animaux, voilà que le gestionnaire invisible de la faune sauvage m’envoie un émissaire pour me signifier son approbation ». Qui sont ces gestionnaires invisibles ? Potnia Theron, Artémis, Diane… et bien d’autres Maîtresses ou Maîtres des animaux.
J’ai poursuivi mon chemin avec optimisme, en me disant que l’image d’un chevreuil qui nage à l’ombre des peupliers ferait un ex-libris remarquable. (À suivre).
* On trouvera des informations sur le roccolo en parcourant les anciens billets de ce blog.
** Un musée que je ne vais pas balancer non plus. Cette salle n’existe plus, comme ce sera peut-être le cas pour la chasse d’ici quelques années.
