Juliette Fontaine : Anachorète
Ma rentrée s’est passée sous le signe du loup. Elle a coïncidé avec une rencontre à Huelgoat dans l’espace d’art contemporain Méandres, animé par Brigitte Mouchel et Julie Aybès. C’était autour de l’exposition « Lorsqu’on parle du loup » (avec comme sous-entendu, peut-être : « lorsqu’on parle du loup on parle aussi de plein d’autres choses». Derrière l’hétérogénéité des regards j’ai cru saisir un point commun : le caractère « anhistorique » des animaux représentés. Le loup et le faisan dans la neige proposés par la photographe Julie Fischer, par exemple, semblent surgir de nulle part, prêts à resombrer dans le néant*. Le merle filmé par Juliette Fontaine (il chante à tue tête contre le vacarme du périphérique parisien et fait penser à ce Pékinois tout seul, place Tiananmen, face aux chars de l’armée chinoise) est un merle exemplaire (il incarne le « devoir être » des oiseaux). Les petits animaux esquissés par Isabelle Richard font bien partie d’un passé (le sien), mais ils restent énigmatiques comme les dessins d’un rébus. Chez Sophie Mei Dalby le repêchage des anciens bestiaires devient un prétexte pour explorer moins des animaux particuliers que l’animalité en général. Chimériques, les sculptures de Myriam Martinez, plus proches de la mythologie que de l’histoire, remettent en cause les frontières morphologiques qui nous séparent des autres animaux. Bref, apparitions fugaces, bêtes imaginaires, emblématiques, sans racines.
Au beau milieu de la réunion un chat en chair et en
os, dans toute
sa concrétude, a traversé la salle. Il semblait dire : « Regardez-moi, je suis vrai, je participe à l’histoire de ce
lieu et de ces gens ». Mais lui aussi, finalement, faisait penser à un
animal allégorique. Juste après, dans le public, une dame âgée a pris la parole
pour nous parler de son enfance, lorsque les loups, à Huelgoat, étaient encore
nombreux : « Pour aller faire pipi, le soir, les enfants sortaient en
groupe accompagnés par des adultes ». On a pensé à un anachronisme, la
dernière prime pour la suppression d’un loup, dans les Monts d’Arrée, datant de
1884. Mais c’était peut-être une
histoire vraie : celle que lui racontait sa grand mère.
* Loup ou
chien errant ? On a de plus
en plus de mal à trancher.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire