« La nature est notre essence », proclame-t-on chez Perrier.
« L’essence est notre nature », reponde-t-on chez Total
« L’essence est notre nature », reponde-t-on chez Total
Genève, le Mur des Réformateurs
Les Jésuites que j’ai involontairement maltraités dans un précédent billet* pourraient me répliquer : « Écoute, pourquoi tu t’en prends à notre communauté alors que, s’il y a des véritables hypocrites, ce sont les Pharisiens ? » Je consulte Wikipédia et je trouve que ce n’est pas faux : « La vision chrétienne des pharisiens a conduit à associer le pharisaïsme à la démonstration d'une piété ostentatoire et s'emploie au figuré pour désigner en français une personne pensant incarner la vérité ou la perfection morale mais à la vertu hypocrite ».
En fait, on n'a pas besoin d'être religieux pour être hypocrites. Dans L’éloquence des bêtes (Paris, Métailié, 2006) je portais l’attention
sur l’habitude chez les éleveurs, reprise par certains spécialistes des sciences
humaines et sociales, de qualifier les
animaux destinés à l’abattage de « bêtes
de réforme ». Toujours sur Wikipédia, à ce propos, on peut lire la définition suivante : « (Agriculture,
Élevage) Vache, en fin de carrière de production laitière ou de reproduction,
et qui est destinée à l’abattage. ». D'où le dialogue suivant :
_ Tranquille, on ne va pas te tuer, on va juste te reformer. Et c’est pour des raisons que tu n’as pas de mal à comprendre, tu es une bête intelligente … des raisons de planning, de réorganisation.
_ Ah, vous êtes des Réformistes … que le ciel soit loué. J’avais eu peur.
* Mais ils ont sûrement compris que c'était pour de bonnes raisons. Je ne m'adressais pas aux Jésuites mais au jésuitisme au sens négatif du terme.
(J'aime bien les bretelles de Noé)
Propos recueillis devant une tasse de thé :
_ Tu sais, moi … je m’en fiche pas mal des animaux. S’ils n’existaient pas, pour moi ce serait pareil. Un peu les chats, peut-être, et encore …
Suit un moment de silence.
_ Les animaux, c’est une bonne partie du vivant, il faut bien une compensation. Qu’est-ce que tu mets à leur place ?
_ Moi, j’aime surtout les enfants.
Venise, basilique de Saint Marc. Adam nomme les animaux
Force est de reconnaitre que le Grand Architecte de l’univers, s’il existe, a programmé, parmi le nombre infini de merveilles, notre obsolescence. Il avait sûrement des raisons sérieuses, qui nous échappent, mais en tout cas c’est comme ça. On gesticule, on cherche à ralentir ce déclin, on se donne du mal pour luire encore un peu. Et pendant qu’on gesticule, même si ce n’est pas très élégant, on souhaite parfois l’obsolescence d’autrui. On souhaite le déclin d’un point de vue sur le monde qui ne correspond pas au nôtre, d'une habitude, d’une idée « inadmissible » et des mots qui la représentent.
Certains par exemple, déplorent l’emploi du terme « jésuite » pour indiquer, je cite le Larousse : « une personne qui montre une subtilité un peu retorse, qui manque de franchise et de sincérité ». C'est une sorte de stéréotype ethnique, finalement, mais appliqué au champ religieux : il discrimine une minorité. Personnellement, je trouve que ce terme possède une capacité de description toute particulière. Comme les noms d’animaux qui, en dépit de leur faible correspondance avec la réalité éthologique, permettent de métaphoriser toutes sortes d’inclinaisons humaines, « jésuite », dans son usage vernaculaire, est un mot précieux et fait partie, qu’on le veuille ou pas, du patrimoine immatériel de l’humanité.
Je reviendrai prochainement sur d’autres termes menacés de disparition et sur les synonymes (jésuitiques, justement), qui prétendent les remplacer*.
* Cela dit, je n'ai rien contre les Jésuites, mais c'est un autre discours.
La journée était belle et j'étais de bonne humeur. Je l’ai vu de loin, tout seul dans
le pré. Je savais bien que c‘était un âne, mais en le croisant, pour faire moderne, je lui ai dit :
« Salut, le non-humain ».
Ça ne l’a pas fait rire du tout.
"Jolie vache mécanique Steampunk moelleuse dans le style de HR Giger" (C'est son nom, ce n'est pas moi qui la trouve particulièrement jolie.)
Chez mon boucher :
- Vous avez du paleron?
- Bien sûr.
- Et du jarret?
- Demain. J'ai la bête dans la chambre froide mais je dois encore la démonter.
On démonte, on déconstruit. On se croirait chez Descartes.
Je comprends une litière parfumée à la bergamote, ou à l’essence d’aloès (et encore, cela me demande un certain effort). Mais une litière parfumée "poudre de bébé"* a le pouvoir de susciter chez moi une tempête intérieure : indignation, fou rire, envie de me retirer définitivement chez les moines du mont Athos.
* Ce qui me fait penser, symétriquement, à des couches pour bébés parfumées "poudre de chat".
Chasseurs-écologistes vers les débuts du XXème siècle. Couverture d'une étude historique, publiée en 1989, qui a précédé mes recherches ethnographiques sur le monde de la chasse. Région de Feltre (Alpes de Vénétie)
Séminaire Penser les ruralités contemporaines
ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
EN SCIENCES SOCIALES (Paris)
• Pierre Alphandéry, chercheur honoraire INRAE (hors EHESS)
• Christophe Baticle, MCF, Univ. Aix-Marseille LPED/HM(TH) (hors EHESS)
• Sophie Bobbé, chercheure associée au laboratoire LAP – EHESS
• Sergio Dalla Bernardina, professeur, Univ Bretagne Occid.(TH) (LAP-EHESS)
Maxime Vanhoenacker, chercheur CNRS (LAP), référent pour cette UE
Lundi 22 janvier 2024, 11:00-13:00
Salle AS1_24 - 54 bd
Raspail 75006 Paris et en visio :
EN PRÉSENTIEL ET EN VISIO
https://bbb.ehess.fr/b/sop-isd-pab-gfr
Sergio Dalla Bernardina
La mémoire courte. À propos des vertus du chasseur rural.
En 1989, dans l’article “L’invention du chasseur écologiste : un exemple italien” (Terrain, 13 : 130-9), je décrivais mon étonnement face au lifting opéré par les chasseurs des Alpes italiennes ayant oublié en quelques décennies leur passé de chasseurs incontinents et fiers de l’être pour se réclamer d’un écologisme atavique purement conjectural.
Peu après j’ai constaté en Corse un phénomène analogue. Dans un article de la même année, repris en 2009 par la revue Ethnologie Française sous le titre « Le gibier de l’Apocalypse. Chasse et théorie du complot », (tome XXXIX, janvier/1, p. 89-99 »), je reconstituais la « mise en écologie » du chasseur local, présenté comme un préleveur sobre et parcimonieux dans une Ile de beauté dénaturée par les influences étrangères.
Si je reviens sur ces travaux c’est que, 35 ans après, on aurait pu s’attendre à ce que le « mythe » du chasseur écologiste (je parle bien du chasseur d’autrefois, son « écologisme » actuel étant souvent réel), ait changé de statut, tout le monde ayant saisi son caractère fabuleux.
Le changement a eu lieu, effectivement, mais dans une direction inattendue : le mythe est devenu histoire. Et cette histoire est partagée aussi bien par les chasseurs (qui projettent leur présent dans un passé imaginaire), que par une certaine partie de l’opinion publique, même cultivée. Quelles sont les raisons de cette convergence ? Les enjeux idéologiques et politiques liés à la redéfinition de la notion de « ruralité » qui traverse le débat contemporain peuvent nous aider, peut-être, à trouver une explication.
J’écoute Franceinfo. Les mêmes trucs toutes les dix minutes. Je le sais, bien entendu, de quoi je me plains ? Je le sais, mais je cède à son pouvoir hypnotique. Dans dix minutes, peut-être, on aura une nouvelle sensationnelle. Il faut que j’arrête. J’ouvre le Folklore de France de Paul Sébillot :
« En Ille-et-Vilaine la cervelle de pie rendrait idiot celui qui la mangerait ; en Picardie, une omelette aux œufs de hibou dérange l’esprit ; dans la Meuse, celui qui mange une tête d’hirondelle devient immédiatement sorcier, etc.».
Cosmos : du latin cosmos (« monde ») emprunté au grec ancien κόσμος, kósmos (« ordre, bon ordre, parure »), pour les Pythagoriciens : « ordre de l’Univers » d’où « Univers », « monde » et en particulier « le ciel », « les astres » (source : Wikipédia).
Il suffit d’un rien pour remettre en cause l’ordre du monde. On prend du soja, on le modifie avec de l’ADN de porc pour le rendre « plus savoureux »*, et on ne mesure pas les conséquences cosmiques. Chez le végétariens, par exemple, ça créerait à coup sûr des dissonances cognitives : « Que suis-je en train de manger ? Du végétal ou de l’animal ?». Pour ne pas parler des craintes, tout à fait légitimes, de ceux qui respectent le tabou du cochon. Même la salade, pour eux, deviendrait suspecte.
*cf. https://korii.slate.fr/et-caetera/start-up-luxembourg-modifie-genetique-soja-adn-porc-gout-viande-proteines-ogm-alimentation-moolec-science-biotech
La journée est radieuse. « Les néo-ruraux ne manquent pas - me dis-je au volant de ma vieille voiture qui caracole docile vers la ville de Brest - mais les monts d’Arrée gardent encore, pour l’instant, leur charme mystérieux». Un petit chien apparaît à ma gauche, bouclé et tout blanc. On dirait qu’il sort d’un Lavomatic. Et juste après, mince ! un chat noir traverse lentement la rue. Je regarde mieux, pour vérifier. Est-il vraiment noir ? L'extrémité de ses pattes, en tout cas est blanche. Donc ce n’est pas un vrai chat noir. Tant mieux. Et après, je suis bête … le chien blanc que je viens de croiser neutralise les effets du chat noir. Y aurait-il une dominante ? Qui va gagner ? La blancheur du toutou ou la noirceur du vieux chat ? Pendant que je réfléchis je vois surgir un setter anglais. Ses taches blanches et noires se mélangent à la perfection. Le Yin et Yang. Une version sur quatre pattes du drapeau breton. Mais ce n’est pas fini. À l’entrée de La Feuillée un nouveau chien avance dans ma direction. Il est tout noir, lui, mais sa maîtresse, qui le tient en laisse, arbore des cheveux d’un blanc éblouissant.
Trop de signes contradictoires pour tenter une analyse.
Pour la fin de l’an je me suis documenté sur l’histoire de Saint Sylvestre. Pas très gaie, pour tout dire. Je croyais qu'il s'agissait d'un ermite (Sylvestre=silva=forêt). Eh ben non, c’était un martyr de l’Église. Je ne devrais pas le dire mais, depuis mon enfance, je n’arrive pas à dissocier son nom, en dépit de son aura sacrée, de celui du célèbre chat.
En tout cas, bonne année à tout le monde.
Giuliana, avait des canards. Elle les avait achetés tous jeunes et elle avait oublié qu’il fallait leur couper les plumes. À l’automne, lorsque leurs congénères sauvages migrant vers l’Afrique sont passés dans le ciel, les colverts domestiques les ont suivis. On lui a fait remarquer que, sans entraînement, les canards ne peuvent parcourir que quelques kilomètres. Épuisés, ils atterrissent quelque part, incapables à la fois de rentrer à la maison et d’assurer leur survie dans un univers hostile et sans mangeoires.
J’y ai pensé par rapport à la coutume bouddhiste d’inaugurer la nouvelle année par un acte miséricordieux : des oiseaux en cage sont vendus pour être libérés et porter chance à leur bienfaiteur. Le geste est noble, le résultat incertain. Tout dépend de l’état de sauvagerie de l’oiseau emprisonné.
Si j’étais un canard domestique, en tout cas, je tenterais le coup.*
* J’ai entendu l’anthropologue Frédéric Keck parler de cette coutume dans un cadre sérieux. J’en profite ici pour divaguer.