Sauvetage d'une "Capretta di montagna". Image extraite de La Repubblica en ligne du 9 janvier 2019
Ce que je trouve déplorable dans le discours ambiant sur la condition
animale est son côté « buonista » comme on dit en italien
(angéliste). L’autre jour dans le quotidien la Repubblica qui brille par son
élan pédagogique, on a sauvé de la neige non pas un chamois (comme, c'est le
cas, on peut le voir dans la vidéo), mais une « capretta
di montagna », une petite chèvre de montagne. Le raisonnement implicite
est que les petites chèvres de montagne perdues dans la neige font plus de peine que les chamois. Quelqu’un doit
avoir signalé le caractère indécent de cette manipulation
« tire-larmes » à la rédaction qui s’est empressée de modifier le
titre. La capretta di montagna est donc redevenue un chamois, ce qui n’enlève
rien au caractère touchant du sauvetage. Si j’exprime mon indignation
c’est que ces « petites retouches » au nom de la bonne cause altèrent
notre perception de la réalité. Le monde concret, avec ses nuances et ses
contradictions, est simplifié et « colorié », comme le disait Roland
Barthes à propos des documentaires à la Cousteau des années ’60. On passe alors
du modèle « naturaliste » (c’est ainsi que l’anthropologue Philippe
Descola définit l’ontologie occidentale fondée sur l’idée qu’une
frontière insurmontable nous sépare des autres espèces)* au modèle
« bisounoursiste ». L'ontologie bisounoursiste (que l'on me
pardonne ce néologisme affreux) présuppose que la frontière entre les espèces
n’est qu’une construction idéologique, que nous sommes tous des grands
copains, que les ennemis des ours et des loups, des tiques et des vipères seront confondus et que tout va bien se
terminer.
* Je renvoie, pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, a son
incontournable Par-delà nature et
culture, Paris, Gallimard, 2005.
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