mardi 30 septembre 2025

Tel maître, tel chien ?

 

 

Alberto Giacometti, Chien (1951). 

Les Romantiques croyaient au « Génie des nations ».  Chaque peuple aurait son âme, son esprit, son tempérament, bref son essence. Cette essence laisserait son empreinte dans tous les domaines, y compris celui de la zootechnie. Dans ce sens, si les Romantiques avaient raison, on pourrait déduire l’esprit d’un peuple à partir du tempérament de ses animaux domestiques et de compagnie.

dimanche 28 septembre 2025

Ne lisez surtout pas mon blog (1) Préambule


Peu importe le support, quand la lecture est bonne.

Huang Yong Ping, Chevalier du XXIᵉ siècle empaillé (2019) (Photo que j'ai prise  au Fonds Leclerc  lors de l'exposition  :"Animal?")

Le 25 septembre j’ai présenté une communication dans le cadre du séminaire annuel de mon laboratoire (LACI Laboratoire d’Anthropologie Critique Interdisciplinaire, composante du LAP -CNRS-EHESS). Il était consacré aux nouvelles formes d’écriture dans les sciences humaines et j’en ai profité pour parler de mon blog. C’était une bonne occasion pour jeter un regard distancié sur cette entreprise qui, plus le temps passe, révèle son caractère démentiel.

 Dans la première partie, pour mettre le tout en perspective, je fais des considérations d’ordre général qui ne donneront au « profane » aucune envie de continuer la lecture (cette intervention était adressée à un club, avec ses coutumes et son jargon). Après, je crois, cela deviendra plus lisible.  Puisque ce texte fait 2000 mots, j’ai décidé de le saucissonner. J’alternerai chaque rondelle avec mes billets habituels traitant de l’actualité, des micro-événements du quotidien, des opinions de Maurice (on se reverra bientôt) etc.  Voici donc la première tranche, que je livre en l’état :

Pourvu que tu me lises. L’ethnologue et son public.

L’intervention que j’avais préparée prévoyait deux parties : dans la première, plus théorique, je décrivais quelque chose de relativement connu : l’émergence, chez les anthropologues, d’une écriture à la première personne du singulier (Leiris,  Devreux,  Jeanne-Favret-Saada etc.) Dans la seconde, plus anecdotique, je parlais de mon cas personnel. Lorsque j’ai su que j’avais juste vingt minutes, j’ai sacrifié la partie théorique et je me suis concentré sur la seconde, plus ethnographique.*

Pour relier ces deux moitiés, je rappelais que les anthropologues de la tradition classique  (Malinowski, Lévi-Strauss …   mais jusqu’à  Philippe Descola) ont souvent tenu une sorte de double comptabilité : le texte scientifique d’un côté, le récit autobiographique de l’autre. Ce partage, aujourd’hui, n’est plus nécessaire : la cohabitation du sujet (du sujet  narrant avec les passions qu’il ressent), avec le phénomène qu’il décrit est sous les yeux de tout le monde. On le saisit facilement chez les auteurs qui mettent en scène leurs rencontres avec ceux qu’on a pris l'habitude d'appeler les  « non-humains » : loups, ours, poulpes et compagnie.  Ce dépassement des postures traditionnelles est très bien représenté par le succès du mot « narratif » : toute analyse, toute reconstitution historique est désormais un « narratif ».  Il n’y a plus besoin d’éditer son texte scientifique chez Gallimard, si on a cet honneur, et son journal de voyage dans la collection Terres Humaines. Les deux manières de restituer une expérience anthropologique ont droit à la même dignité académique.

Depuis quelques temps, ajoutais-je, un nouvel espace, potentiellement immense, vient de s’ouvrir pour les chercheurs qui voudraient ménager la chèvre et le chou : C’est justement  le « blog ».

Enfin, c’est ce que j’avais cru. (À suivre).

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le préambule sérieux, puisque il entrait pleinement dans la problématique de notre rencontre, je renvoie à mon article :

« Dalla Bernardina Sergio 2009 – « “Je" interdit. Le regard presbyte de l’ethnologue ». In Ravis-Giordani Georges (sous la dir.), Ethnologie(s) : nouveaux contextes, nouveaux objets, nouvelles approches. Paris : CTHS, pp. 18-40 (Regard de l'ethnologue ; - “Je” interdits. Le regard presbyte de l’ethnologue, in (Ph. Forest et C. Gaugain éd.) Les romans du Je, Nantes, éd. Pleins Feux).»

vendredi 26 septembre 2025

Approcher Diane de près

 


 

Lors de mon passage au Fonds Leclerc à l’occasion de l’exposition Animal ?, j’avais pris beaucoup de photos pour illustrer mes commentaires*. J’aime bien celle repoduite ci-dessus, que je propose ici dans une version mutilée. À droite des deux photoreporters, sur l’image originale, il y avait une dame qui boudait et regardait ailleurs de façon ostentatoire. Le problème, c’est que son visage est parfaitement reconnaissable — et, aujourd’hui, les gens portent plainte pour un oui ou pour un non. C’est dommage**.

*Finalement, j’ai laissé tmber mon projet. On verra. 

** Je remarque au passage que les deux messieurs, à l’instar d’Actéon, osent contempler Diane dans sa nudité, mais sans subir la moindre métamorphose.

mardi 23 septembre 2025

La chasse, l'alpinisme et le biopouvoir

 

 


Le 21 septembre, en Italie, c’était l’ouverture officielle de la chasse. Les polémiques ont été encore plus vivaces que d’habitude, car une proposition de loi du gouvernement actuel prévoit d’élargir les libertés du chasseur sous plusieurs aspects*.

Pour l'instant, on déplore un mort et plusieurs blessés. L’année passée, toujours en Italie, les morts ont été 21**.

Pas grand-chose, à bien voir, par rapport aux presque cents alpinistes décédés en trois mois dans les Alpes italiennes, tombés des falaises ou assommés par les chutes de pierres engendrées par les randonneurs (sans compter les victimes de l’hiver avec ses skieurs hors-piste et autres déclencheurs d’avalanches). 

Puisque la légitimité d’un État, selon les paramètres courants, s’exprime par le nombre de vies humaines qu’il arrive à épargner (sur les routes et ailleurs), il faudrait prendre des mesures pour arrêter l’hémorragie.  

Dans l’intérêt général, je propose l'organisation d'un referendum contre la pratique des sports de Montagne.

* Cette initiative, à mon sens, nuit à la communauté des chasseurs la rendant encore plus antipathique à une opinion publique peu favorable à la pérennisation de l’art cynégétique.

** Entrent en compte aussi les chasseurs terrassés par une attaque cardiaque.

 

 

dimanche 21 septembre 2025

Ancètres communs

 

Cliché de Sergio Dalla Bernardina

Je lis que « Les humains partagent des ressemblances génétiques significatives, par exemple, environ 99 % de leur ADN avec les chimpanzés et environ 50 % avec les bananes ». 

Quant aux chimpanzés j’étais au courant. Pour les bananes je m’attendais à une distance plus prononcée*.

En tout cas, il suffit d’un gadget quelconque pour mettre en évidence notre proximité avec les non-humains.

* Il semblerait que si nous arrivons à nous comprendre, moi et la banane, c’est en raison d’un ancêtre commun.


vendredi 19 septembre 2025

Solder le vivant

Il y en a qui, même chez nous les « naturalistes », gardent des réflexes animistes. C’est mon cas.  Chez le pépiniériste, hier, on soldait des citronniers. J’en ai profité, mais avec un sentiment de culpabilité.

En soldant du vivant, on le marchandise et on le déclasse. Cela paraît plus évident lorsque c’est une nichée de siamois ou de labradors que l’on solde.

mercredi 17 septembre 2025

Nouveaux horizons de la bestialité

 

 

 

Je relis un fragment d’un vieil article passé complètement inaperçu. À l’époque je croyais encore que des propos de ce genre auraient suscité une controverse. Personne n’a jamais réagi. Les Français disposent d'une formule haute en couleur, concernant un violon et ses différents emplois, pour décrire l’inutilité de ce genre de performances. Voici le passage en question :

« La bestialité a changé de lieu.  La sexualité débridée du taureau, la violence du loup, la soif de sang de la belette, la grivoiserie du porc, je dirais même la puanteur du bouc, ont quitté le corps de la bête pour s’installer dans d’autres corps, plus adaptés : ce sont, justement, les corps maladroits du boucher, de l’équarrisseur et des autres « tueurs »:

« Je devrais vous parler encore des horreurs qui entourent la mise à mort des bêtes de boucherie, les coups d’assommoir mal assénés par des abatteurs improvisés et incompétents à moins qu’ils ne soient ivres et indifférents à force de patauger dans le sang et de donner la mort ». L’animal et … nous ! Albert Jaumain, président de la société protectrice des animaux, Bruxelles, Imprimerie Lucifer, 1946,  p. 80 

    Il en va de même pour les toreros. Dans les jeux carnavalesques décrits par l’anthropologue espagnol Caro Baroja, la jeunesse des campagnes ibériques persécutait avec enthousiasme chiens, chats, coqs, éloignés du cercle des humains par des jeux cruels*. C’est avec une fougue comparable, que les jeunes espagnols s’en prennent aujourd’hui aux derniers représentants de l’art tauromachique, « chassés de la cité », comme l’étaient autrefois, à la fin du carnaval, les masques des fauves incarnant la bestialité :

« (…) Torero tu es la honte d’une nation

Torero, tu es la violence à la télévision,

Torero, tu es assassin par vocation,

Torero, ton métier me fout la gerbe »  

(refrain de la chanson « Verguenza »

- La honte – du groupe SKA-P, dans le CD  Planeta Eskoria)  

Dans d’autres milieux, plus sophistiqués, les remplaçants contemporains du « fauve » (et peut-être du « faune ») d’antan sont les mâles de l’espèce homo sapiens : 

« Il me semble que la ˝cruauté˝, - ce qu’on appelle la cruauté et qui est inséparable d’un raffinement – est spécifique de l’homme, de sa perversité, et peut-être aussi de la sexualité masculine. », Elisabeth de Fontenay, « Entretien » avec Mario Cifali, in La guerre et la pulsion de mort, Chène-Bourg/Genève, 2003, p.  144.

Jean-Claude Nouët pousse jusqu’au but cette inversion des représentations traditionnelles qui étaient centrées sur la méchanceté innée de certains animaux, les prédateurs en particulier. Pour ce médecin, ancien président de la Ligue française des droits de l’animal,  s’il y a une espèce abritant dans son programme génétique la commande de la cruauté – et il s’agirait de la seule – c’est bien celle de l’homme **.

Dans ce genre de narrations (« narrations » en ce qu’elles ont d’allusif, d’allégorique), la réhabilitation de l’animal implique la stigmatisation, ou au moins la « mise sous surveillance », d’une partie du genre humain. Si on reclasse certaines catégories, c’est qu’on en déclasse d’autres ». (Extrait de mon article : « Les joies du taxinomiste : classer, reclasser, déclasser », in  Aux frontières de l'animal. Mises en scène et réflexivité, Annik Dubied, Juliet J. Fall et David Gerber éds.  Droz, 2012

*Julio Caro Baroja, Le Carnaval, Paris, Gallimard, 1979

**Jean-Claude Nouët, « L’homme, Animal inhumain » in  (Georges Chapoutier éd.), L’animal humain, traits et spécificités, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 82-83

 

lundi 15 septembre 2025

Disparitions miraculeuses


 Bélier femelle avec son petit

En feuilletant le quotidien La Repubblica je tombe sur le titre suivant : « Ferito da nove colpi di pistola, il cane Milagro ha partorito sei cuccioli durante il salvataggio », à savoir, «Blessé par neuf coups de pistolet, le chien Milagro a mis bas six petits pendant le sauvetage »*.

La nouvelle m’étonne. En espagnol, c’est vrai, Milagro signifie « Miracle » et c’est la première fois, que je sache, qu’un chien enfante des petits, peu importe le nombre. Je parcours l’article et je découvre qu’il s’agit en fait d’une « femmina di cane », un « chien femelle ». Ce serait comme si, pour parler d’une femme, on employait la formule : « une femelle d'homme ». À la fin de l’article Miracle est qualifié.e de « cagnolina », « petite chienne ». Je regarde la photo. Elle n’est pas petite du tout. Le fait qu’une « cagnolina » (en italien c'est l’équivalent féminin de « chiot ») soit déjà en mesure de se reproduire frôle aussi le miracle.

À la fin je comprends :  l’auteur de l’article fait des pirouettes pour ne pas employer le mot « chienne ». Il a décidé que ce terme, bien que courant et zoologiquement irréprochable, est désormais trop connoté. En attendant de l'expulser du vocabulaire il faut donc le remplacer par des périphrases.

Je crains que, par ce genre de « nettoyages terminologiques », le journaliste en question se considère comme un progressiste.

À première vue c'est une ineptie, mais j'ai le sentiment que nous sommes en danger.

https://www.repubblica.it/la-zampa/dossier/cani-formazione-proprietari/2025/09/11/news/cane_ferito_pistola_partorisce_cuccioli-424839739/

samedi 13 septembre 2025

L'animal n’est qu’un prétexte

 


Pas trop d’idées ce matin, et j'aurais envie que l'on s'arrête quelques jours encore sur le dialogue des deux hirondelles envisageant la possibilité de passer l’hiver à Gaza-Beach.

En tout cas, marcher dans une zone « No kill » me tranquillise.

jeudi 11 septembre 2025

Gaza : Hold-up sur un mot

 

Les hirondelles se préparent pour la migration automnale.

 

- Pas cette année, mais il semblerait que plus tard ça deviendra une Riviera.

- Oui, mais pour l’instant c’est le théâtre d’un génocide.

- Génocide ? Tu n’as pas le droit de l’appeler comme ça.

- Et pourquoi ?

- Tu n’as pas le copyright.

mardi 9 septembre 2025

La canitude n’est plus ce qu’elle était

 


Chien d'antan

Cette année, dans les Alpes italiennes, il y a plus  d’animation que d'habitude. Aller à la mer désormais coûte trop cher. Je croise deux touristes. Le monsieur dit à la dame : « Un chien, autrefois … c’était un chien ». Elle ne répond pas, mais on voit qu’elle est d’accord. Qu'est-ce qu'il entendent par là ? Ça m'intrigue. Je suis tenté de  rebrousser chemin pour suivre leur conversation mais ils me découvriraient tout de suite.

dimanche 7 septembre 2025

Pisteurs de limaces (quatrième et dernier épisode)


 La limace atterrit

Oui, je dois avouer que mes rapports avec la communauté des limaces, traditionnellement, allaient au-delà de la simple diplomatie. Et parler de « soumission physique » serait un euphémisme. Elles faisaient partie de mon collectif, c’est vrai, mais je ne me disais pas : « il faudrait trouver une nouvelle manière de se relationner ».  Je cherchais juste le moyen le meilleur pour les exterminer. Mais le prodige qui s'est déroulé sous mes yeux a changé la donne.

L’atterrissage approche. J’oublie mon anthropocentrisme et j’assiste, émerveillé, à la prouesse technique. Tout se passe en douceur. Le véhicule se pose sur une feuille de lierre et le fil, comme par enchantement, disparait. C’est la fin de l’exhibition.

Au bout du compte, j’ai de la gratitude pour cette limace qui s’est donnée en spectacle et qui, avec sa capacité de tout contrôler dans la terre et dans le ciel, m’a fait douter de ma supériorité cognitive.

Dès qu'elle touche le sol, je la vois prendre la direction de mon céleri vivace. Un vieil automatisme s'empare de moi, mais je me retiens : « Toi, je t’épargne. Désormais nous sommes copains. Vas où tu veux, moi, je rentre à la maison, bonne chance et bye-bye ».

Pendant la nuit il se met à pleuvoir. Le matin, dans le jardin, les limaces croisent dans toutes les directions comme des gondoles sur le Canal Grande. Ma copine fait surement partie du cortège, mais j'ai du mal à la reconnaître.

vendredi 5 septembre 2025

Pisteurs de limaces (3)

Limace célèste porteuse d'un message énigmatique

Autrefois, parait-il, nous étions plus sensibles à l’harmonie du vivant, alors qu’aujourd’hui, selon les observateurs les plus crédités, nous assistons à une « crise des sensibilités ». C’est vrai que l’Homme sauvage, lorsqu’il rencontrait une limace sur son chemin, loin de l’aplatir d’un coup de massue se posait des questions sur son Umwelt* : « Que peut-il bien se passer – se demandait-il – dans la tête de ce non-humain dont je partage le biotope » ?

Chez moi, qui ai échappé à la crise des sensibilités, c’est pareil. Je scrute la bestiole et je me demande : « À quoi pensent les limaces lorsque, accrochées à leur bave,  elles contemplent le monde de haut en bas ? aux conséquences de l’exctractivisme capitaliste qui, du point de vue d’un gastéropode, ne présente  peut-être pas les mêmes inconvénients ? ». Ça m’étonnerait.  Je la regarde de près pour mieux comprendre sa mentalité mais cela ne sert à rien. On a beau avoir un ancêtre commun, plus j’approche de ce mollusque terrestre, plus le souvenir de notre parenté originaire s’éloigne. Un blocage atavique m'empêche de penser comme une limace. Pour la taquiner,  j’aurais envie de lui dire :  « Tu sais, tu te prends pour une libellule mais tu ressembles vachement   à un alevin. Un alevin au bout d'un hameçon ». Mais la limace m’attendrit, d’autant plus qu’elle s’est mise à osciller délicatement pour faire sortir les quelques centimètres de bave qui la séparent de sa destination. Ce mouvement de pendule est bien joli, autre chose que la pose statique de ses consœurs qui infestent mon jardin et que je balance dans la rue, en déléguant aux voitures la tâche ingrate de réduire leur densité démographique** (suite).

*Le terme « Umwelt », forgé par le biologiste allemand Jakob von Uexküll, désigne le « monde propre » subjectif d'un organisme, c'est-à-dire son environnement perçu et vécu à travers ses sens et ses capacités cognitives uniques.

** Sur l’éthique de la mise à mort de grenouilles, crustacés, anguilles etc. et sur mon ambiguïté à cet égard, je renvoie sur ce blog à la série « Traumatismes de guerre (aux innocents) » : 17 février 2019 et suiv.

mercredi 3 septembre 2025

Pisteurs de limaces (2)


 

Limace in excelsis (photo de Sergio Dalla Bernardina)

Pister les limaces est particulièrement facile. Elles sont très lentes et, de surcroit, elles laissent derrière elles une trace brillante qui aux lumières du soir, après la pluie, devient presque phosphorescente. On n’a qu’à la suivre et on tombe sur le mollusque. Je dois confesser qu'avant cet épisode je n’avais pas une grande considération pour le peuple des limaces, mais les acrobaties de cette funambule m’ont fait changer d’avis. Elle mérite un  reportage photographique, me suis-je dit. La lenteur de sa descente prouvait sa disponibilité.

Pendant mes prises de vue j’ai songé à « ces gens-là » - dont j’ai entendu parler à la radio - qui arrivent dans des endroits merveilleux, prennent un selfie sans prêter la moindre attention à ce qui se passe autour et repartent à toute vitesse. « Pauvre limace, tu braves la loi de gravitation universelle pour attirer l’attention sur toi et personne ne te regarde. Heureusement que je suis-là. Ne bouge pas, je vais changer de perspective pour révéler au monde  ton côté aérien et je dirai même céleste » (à suivre).

lundi 1 septembre 2025

Pisteurs de limaces (1)

 


Dire qu’elle a surgi serait exagéré. J’ai juste levé la tête. Elle pendait comme une araignée ou, plutôt, comme la décoration d’un arbre de Noël, accrochée à un long fil luisant qui s’allongeait doucement sous mes yeux. Elle descendait en rappel, finalement pour quitter le toit de lierre où elle s’était aventurée. Je ne savais pas que la bave des limaces pouvait remplir cette fonction. Je pensais par ailleurs que les gastéropodes de ce type,  souples et dodus comme ils sont, pouvaient se laisser tomber dans le vide et atterrir n’importe où sans besoin de parachute.  Je lui ai dit : « attends une seconde que je te prenne en photo ». Elle était là pour moi, manifestement. Elle m’avait choisi comme ces ours et ces loups qui apparaissent par enchantement, comme des épiphanies, mais seulement aux connaisseurs authentiques, ceux  qui le méritent vraiment. Un message ? La reconnaissance d'une affinité? D'une proximité totémique? Peut-être (à suivre).